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L’entreprise sous le charme du cloud

Dossier | publié le : 05.03.2014 | Florence Puybareau

L’informatique à la carte permet d’intégrer rapidement des modules de gestion de temps ou de compétences. Elle offre aux PME le moyen d’acquérir un SIRH sans faire de lourds investissements. Mais elle présente aussi des contraintes.

Ce n’est plus réellement une innovation, c’est devenu une tendance de fond. En quelques années, le cloud computing s’est en effet invité dans presque toutes les entreprises et auprès de la plupart des décideurs opérationnels. Les directions des ressources humaines n’échappent pas à la règle. Du SIRH global jusqu’au module spécifique de gestion des entretiens annuels ou de la formation, rares sont les activités des RH à échapper au phénomène. Il est vrai que le cloud présente bien des avantages puisqu’il permet d’accéder rapidement à des ressources (logiciels, serveurs informatiques, unités de stockage…) sans procéder à de lourds investissements. Dans le cas d’un logiciel (on parle alors de software as a service ou Saas), il suffit à l’entreprise de passer un contrat de location avec un fournisseur de solutions pour avoir accès via Internet à un ou plusieurs modules RH. Le client paie en fonction de son usage. Le prix de la location inclut le nombre de licences nécessaires, la maintenance et la mise à jour régulière du produit, mais aussi généralement l’hébergement des données du client dans le datacenter du fournisseur ou de l’un de ses partenaires.

Avec le Saas, l’intégration de la solution dans le système d’information (SI) est très légère (il suffit d’une connexion sécurisée et d’une passerelle permettant de basculer les données dans le SIRH, l’ERP ou le système de paie de l’entreprise). Et l’ajout d’un nouvel utilisateur se fait de manière très souple en demandant, par Internet, un abonnement supplémentaire. Ainsi, dans les périodes de montée en charge qui peuvent nécessiter davantage de ressources (à la fin de l’année pour gérer les entretiens d’évaluation par exemple), inutile d’acheter une nouvelle licence qui ne servira que quelques semaines. De même, il n’est pas nécessaire de se préoccuper de la mise à jour du logiciel – ce qui est toujours un casse-tête pour les directeurs informatiques – puisqu’elle est faite automatiquement au moins une ou deux fois par an par l’éditeur. Le client a ainsi la garantie de toujours travailler sur la dernière version de la solution. Tous ces atouts expliquent le succès du Saas, dans les entreprises en général et auprès des responsables des ressources humaines en particulier.

Permettre la mobilité

Mais pour Emmanuelle Olivié-Paul, directrice associée du cabinet Markess International, l’adoption du Saas par les DRH s’est d’abord faite de manière empirique : « Au début, les entreprises ont choisi des solutions RH en Saas car elles ne trouvaient rien d’autre sur le marché pour gérer leurs talents ou leurs notes de frais. » Et, de fait, il suffit de feuilleter les catalogues de logiciels RH pour voir une kyrielle de ces modules spécifiques disponibles en mode Saas alors que les solutions historiques utilisées par les RH (gestion de la paie, gestion administrative…) reposent encore beaucoup sur des structures plus classiques (solution intégrée dans le SI ou « outsourcée » auprès d’un prestataire spécialisé).

L’émergence du Saas a permis le déploiement des solutions RH de nouveaux acteurs comme TalentSoft ou Bodet Software qui ont su entrer dans les entreprises avec leurs modules conviviaux, faciles d’utilisation et gagner peu à peu la confiance des directions. Au détriment des grands acteurs traditionnels, plus réticents à démarrer, car le cloud remet en cause leur modèle économique. Mais aujourd’hui, ils n’ont plus le choix. Même si les experts estiment qu’à l’horizon d’une dizaine d’années les entreprises n’abriteront qu’une partie de leur infrastructure informatique dans le cloud, le phénomène devrait connaître une forte progression. « Les entreprises ont besoin d’optimiser leurs processus RH et cela les oblige à changer les modes de consommation des ressour­ces. Les DRH essaient de déléguer une partie de leurs tâches aux managers et aux collaborateurs. Il leur faut donc avoir des outils à leur disposition », précise Emmanuelle Olivié-Paul.

Ces outils, ce sont notamment les terminaux mobiles (voir p. 54) qui s’appuient sur des infrastructures cloud. Une entreprise qui met en place une gestion des congés accessible partout et par tous (surtout via une tablette ou un smartphone) ne peut le faire qu’avec le cloud. Il est souvent la clé du succès d’un projet RH. C’est en tout cas la certitude d’Étienne Cadre, DRH d’Altran. Il y a deux ans, la SSII a souhaité installer un système de gestion de la paie plus évolutif qui lui permette d’intégrer de nouveaux modules. L’offre retenue a été celle de Cegedim SRH. La disponibilité de l’outil en mode Saas fut déterminante : « L’intégration informatique n’est pas notre métier. Avec le Saas, la mise en place de la solution est plus simple et permet une vraie réactivité quand des besoins sont exprimés. Sans le Saas, nous n’aurions pas pu démarrer aussi vite », observe Étienne Cadre. Le projet d’Altran était en effet particulièrement lourd puisqu’il requérait de faire basculer les données de paie de tous les salariés en France (9 500 personnes). Ce qui a été fait en quelques mois en partenariat étroit avec la DSI qui a géré la reprise des données et leur migration chez le nouveau prestataire. Depuis, toujours grâce au Saas, Altran a déployé un portail à destination des collaborateurs (avec un processus d’embauche) et un module de gestion de temps.

L’exemple d’Altran est loin d’être unique et gagne aussi les PME, qui peuvent désormais disposer d’un véritable SIRH au-delà de la seule gestion de la paie ou de la badgeuse. Car, pour ces entreprises, le Saas est un moyen d’accompagner leur croissance, voire leur internationalisation, en leur permettant de proposer à tous un service similaire et modulable en fonction des effectifs. Cette appétence des entreprises pour le Saas a fini par éveiller l’intérêt de tous les éditeurs. Et particulièrement des plus grands qui, peu à peu, basculent tout ou partie de leur offre vers cette solution technologique. Pour accélérer le processus, certains préfèrent la croissance externe. Ainsi, en 2011, Oracle a racheté le spécialiste de la gestion de talents (en Saas) Taleo ; l’année suivante, c’est SAP qui a mis la main sur SuccessFactors, l’éditeur allemand disposant ainsi d’une offre complète de gestion RH en mode Saas. Et, en 2013, HR Access, qui avait fait du cloud un des axes majeurs de sa stratégie, est entré dans le giron du français Sopra.

L’intégrité des données

Sur le papier, intégrer des modules RH en mode Saas semble la solution idéale : investissement lissé ; déploiement rapide ; facilité d’utilisation… En réalité le cloud a aussi des contraintes qu’il faut connaître avant de se lancer. Financières d’abord. En effet, si l’entreprise ne doit plus faire des investissements en capital mais des dépenses opérationnelles, plus flexibles, il lui faut cependant bien prévoir son budget de fonctionnement. Car, à solution modulaire, tarif variable : augmenter le nombre d’utilisateurs, prendre davantage de bande passante pour assurer le trafic des données, former les collaborateurs à l’outil…, autant de postes de coûts qui finalement s’avèrent parfois plus chers qu’un mode classique. À cela s’ajoute l’obligation d’accepter les nouvelles versions (les éditeurs tolèrent parfois un refus mais pas deux), qui peuvent être perturbantes pour les utilisateurs (changement d’interface, ajout de fonctionnalités…).

Mais c’est sur la sécurité des données que le cloud computing interpelle le plus. Quand une entreprise adopte une solution en mode Saas, elle ne sait pas toujours où sont sauvegardées ses données : en France ? en Europe ? aux États-Unis ? Il est indispensable de se renseigner parce qu’il y a des risques et des lois. Des risques d’abord : se faire héberger par un éditeur américain même sur le sol français ne met pas à l’abri d’une intervention des autorités américaines. Des lois ensuite : certaines données personnelles (les données de santé notamment) doivent impérativement être stockées dans l’hexagone. « Nous avons aussi choisi Cegedim RH car ils nous garantissaient un hébergement en France, ce qui n’était pas le cas de tous les prestataires de l’appel d’offres. Cela nous a rassurés quant à la sécurité de nos données qui sont par ailleurs dupliquées en temps réel », indique Étienne Cadre.

Une prudence nécessaire pour mener à bien un projet Saas et qui est peut-être l’une des limites du modèle. Notamment pour les PME qui n’ont pas les moyens d’imposer leurs conditions aux hébergeurs de données et qui ont intérêt à se diriger vers les sociétés proposant le maximum de garanties sur l’intégrité des données.

Le big data au service des RH

Si, pour beaucoup d’entreprises, le big data (les “grosses données”) reste un concept un peu flou, son application dans le domaine de la gestion des ressources humaines commence à émerger. Le big data repose sur l’analyse d’un énorme volume de données issues des entreprises mais également de sources externes (réseaux sociaux, sites Web, forums…) et de qualité très différente (ce sont des données dites déstructurées, comme des tweets, des SMS, des vidéos…). Cette analyse – à l’aide d’algorithmes très puissants – permet de faire ressortir des interactions inédites et de donner de la cohérence à des données qui n’en ont pas. L’objectif est d’apporter du prédictif afin de mettre en place des plans d’action. Le big data est pour le moment principalement utilisé par les services marketing, les unités de sécurité ou la recherche scientifique. Dans les RH (qui utilisent déjà l’analyse prévisionnelle, par exemple pour gérer la masse salariale), le big data pourra permettre de démontrer qu’une bonne campagne de formation aura accru la productivité d’un service ou de mieux repérer sur un forum ou en interne les candidats aptes à un poste.

Mais aussi de travailler sur la gestion des risques humains dans l’entreprise en croisant les données disponibles (compte rendu des entretiens d’évaluation, demande de formation, arrêts maladie…).

Des éditeurs comme Oracle se sont mis sur les rangs pour proposer des outils d’analyse prédictive capables d’annoncer le départ d’un collaborateur.

Et si, aujourd’hui, le phénomène est encore naissant, demain le big data sera sans doute associé à la gestion de la performance des directions des ressources humaines.

58 % des entreprises françaises ont mis en place une solution en mode Saas au sein du SIRH (contre 47 % en 2012).

Le top 3 des applications recouvre le recrutement, la formation et la gestion intégrée des talents (entretiens annuels, performance, rémunérations…).

Source : l’Observatoire SIRH (ANDRH).

Auteur

  • Florence Puybareau