logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

La mobilité chahute les processus RH

Dossier | publié le : 05.03.2014 |

La multiplication des terminaux mobiles et la possibilité d’accéder n’importe où aux applications de l’entreprise ouvrent de nouvelles perspectives et bousculent les processus RH. Les initiatives sont toutefois encore timides.

En quelques années, les smartphones, les tablettes numériques, les ultrabooks ont déferlé dans les entreprises, parfois au corps défendant de leur personnel. Mais le combat a vite été perdu par les antis et les terminaux mobiles sont désormais indissociables de la vie professionnelle. Problème, ce sont parfois (voire souvent) les mêmes machines qui sont utilisées dans le cadre privé. Les DSI, directement concernées, ont été les premières à réagir face à ce mélange des genres. Soit en autorisant le Byod (bring your own device), c’est-à-dire que le salarié a le droit d’utiliser sa propre machine pour accéder au système d’information de l’entreprise ou à certaines applications. Soit en promouvant le Cope (corporate owned, personally enabled) : l’entreprise équipe son salarié et l’autorise à s’en servir également pour un usage ­personnel.

La disponibilité de l’outil partout et à tout moment a eu pour conséquence de modifier en profondeur les pratiques professionnelles. D’abord en faisant exploser la mobilité des collaborateurs, qu’elle soit externe mais aussi interne à l’entreprise : « Nos études ont révélé que dans certaines sociétés les managers passent moins de 10 % de leur journée dans leur bureau. Le reste du temps, ils sont en réunion ou sur d’autres sites de la firme », remarque Emmanuelle Olivié-Paul, directrice associée du cabinet Markess International. L’enjeu pour l’entreprise est alors de pouvoir garder le lien avec cette population à travers les technologies (terminal mobile assez puissant, bornes Wi-Fi, solutions collaboratives, portail Internet disponible via le cloud computing…). La mobilité a également changé la manière d’appréhender la vie professionnelle des nouvelles générations, les digital natives, qui aspirent à plus de transversalité et moins de hiérarchie et cherchent constamment à avoir de l’information en temps réel.

Prise de conscience tardive

Or, de leur côté, les DRH ont beaucoup tardé à percevoir l’importance prise par les terminaux mobiles et leurs implications sur leurs relations avec les salariés. Une étude réalisée fin 2012 par le cabinet Markess est révélatrice : 100 décideurs RH avaient été interrogés sur leurs projets reposant sur les technologies de l’innovation. En bas de tableau arrivaient la géolocalisation, les usages mobiles et, un peu plus haut, le télétravail. Sachant que, pour certains experts, le télétravail dans sa version légale n’entre pas dans le cadre de la mobilité puisqu’il suppose un environnement technique précis avec une pièce réservée au domicile du salarié, ce qui revient à déporter le poste de travail. Dans cette étude également, les décideurs déclaraient majoritairement que « la mise à disposition d’équipements mobiles intelligents n’était pas une priorité pour la fonction RH ». Et 57 % d’entre eux n’avaient pas prévu, dans un futur proche, un accès aux solutions RH/SIRH depuis des smartphones ou des tablettes.

Aujourd’hui, la situation a-t-elle beaucoup changé ? « Contrairement aux solutions en cloud computing dont les ventes ont explosé, les applications mobiles n’ont pas véritablement décollé ; cela reste encore marginal dans les entreprises », constate Vincent Noyet, responsable marketing chez Bodet Software qui édite notamment une application de gestion de temps pour terminaux mobiles. Et pourtant, comme le souligne une étude réalisée par ADP, « pour la fonction RH, il y a, avec la mobilité, une réelle opportunité de concrétiser – ou de renforcer – son image innovante, anticipatrice, investiguant de nouveaux champs d’action ».

Certes, les DRH peuvent craindre que la systématisation de ces outils dans l’entreprise accentue la fracture numérique entre la génération Y et les autres, et entre les fonctions qui seraient ou non équipées. Mais ces réticences doivent être vaincues. Quasiment toute la population en âge de travailler étant équipée d’un terminal mobile – et sinon n’est-ce pas là une bonne occasion pour l’entreprise d’équiper le collaborateur ? –, il est dans l’intérêt des RH de s’appuyer sur une machine qui, contrairement aux ordinateurs il y a dix ans, est familière à tous, conviviale et facile à utiliser. Par ailleurs, la possibilité désormais d’avoir des « apps » professionnelles, personnalisées, à l’instar de ce que l’on peut trouver dans les magasins en ligne d’Apple ou de Google, rend les usages plus attractifs et peut même inciter les collaborateurs à un usage plus intensif. Le mobile peut alors avoir plusieurs avantages en termes de services RH, de capacité de décision en temps réel, mais aussi de productivité et de satisfaction des collaborateurs.

Cette opportunité, la DRH de la société Yara France a su la saisir pour promouvoir son action. Entreprise norvégienne, elle est le premier fournisseur d’engrais minéraux au monde. Ses managers se déplacent beaucoup à l’étranger et sont tous équipés d’outils mobiles. Mais c’est aussi le cas des salariés, souvent jeunes, qui travaillent dans les usines. « La plupart du temps, ces collaborateurs n’ont pas accès à un ordinateur dans le cadre professionnel alors qu’ils possèdent tous ou presque un smartphone », explique Caroline Dumelie, la DRH de Yara France. À partir de ce constat, la DRH a décidé de compléter son portail Web – qui proposait la gestion des congés en ligne d’ADP – par une application sur smartphone (sur systèmes Android et Apple). « C’est une interface qui est familière aux utilisateurs et, pour beaucoup d’entre eux, le tactile est plus facile que le PC. Par ailleurs, ils ont toujours leur smartphone sur eux alors que le PC, il faut l’allumer, entrer ses mots de passe… La démarche est plus lourde », remarque Caroline Dumelie. L’entreprise a cependant laissé le choix de la machine à ses salariés, certains d’entre eux ne possédant pas de terminal mobile.

Trois cents collaborateurs (sur 700) ont aujourd’hui accès à l’application et le bilan est globalement satisfaisant même si, pour Caroline Dumelie, l’« app » n’est qu’un élément de la solution complète : « Au niveau de la DRH, nous apprécions que les collaborateurs puissent intégrer eux-mêmes leurs congés.

Cela nous fait moins de saisie, même si au début il a fallu faire davantage de contrôles. » Les utilisateurs, note la DRH, y trouvent un véritable intérêt. Ils peuvent consulter leur situation de congés en temps réel alors qu’avant ils devaient attendre leur bulletin de paie avec un état pas forcément à jour. Mais surtout, ce type d’application « a permis de revaloriser la DRH, de montrer que ce service savait être moderne et apporter aux collaborateurs des solutions répondant bien à leurs besoins », renchérit-elle.

Une opportunité pour les DRH

Emmanuelle Olivié-Paul considère que les DRH ne peuvent plus passer à côté de l’innovation et que la mobilité est au cœur de cette révolution : « Pour la gé­nération Y, cela devient un argument de recrutement. Ce comportement montre que la DRH, et donc l’entreprise, va savoir insuffler du dynamisme. » La prise de conscience en est à ses débuts mais reste très inégale. Ce qui tient non pas tellement au secteur d’activité de l’entreprise, mais plutôt à son organisation managériale, remarque Vincent Noyet : « Lorsque les directeurs RH appartiennent au comité de pilotage de l’entreprise, c’est-à-dire que la RH fait partie de la stratégie, la volonté de proposer des services innovants aux collaborateurs est plus grande . » On l’observe, la mobilité, plus qu’une contrainte, doit devenir une opportunité pour les DRH. Car s’ils ne s’emparent pas du phénomène, les collaborateurs le feront à leur place au risque pour les responsables des ressources humaines de perdre une partie de leur légitimité.

54 % de la population française possède un smartphone.

Parmi les salariés qui en ont un, neuf sur dix l’utilisent déjà dans le contexte professionnel.

Source : ADP.