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Le bloc-notes

L'État prendrait un grand risque à déstabiliser les partenaires sociaux

Le bloc-notes | publié le : 01.10.2000 | Raymond Soubie

À nouvelle donne, nouvelle politique. La France est entrée, depuis quelque temps, dans une nouvelle période : plus d'optimisme dans les têtes, plus de confiance en l'avenir, bref une perception largement partagée qu'avec la croissance revenue l'horizon s'éclaire et que chacun doit avoir sa part dans cette amélioration.

Désormais, les politiques seront jugés, parfois injustement, moins sur leurs services passés que sur leur faculté à donner de nouveaux caps et plus précisément à répondre à deux questions. Comment être équitable par une régulation sociale organisée ? Comment rendre pérenne l'expansion retrouvée ? Il ne suffit plus, pour faire face au chômage, de parler de partage du travail ni, en matière de conflits, de céder habilement quand la pression se fait trop forte. Il faut fixer de nouvelles règles du jeu et en montrer la portée pratique pour les citoyens et les conséquences pour chacun des grands dossiers sociaux – emploi, revenus, protection sociale, amélioration du sort des catégories les moins favorisées.

Enfin, dans cet exercice, il conviendrait de savoir ce qui relève de la responsabilité de l'État et de celle des partenaires sociaux. Le premier prendrait de grands risques à vouloir déséquilibrer les seconds.

Épargne salariale : le meilleur ou le pire.

Le débat parlementaire qui s'ouvre début octobre sur le projet de loi consacré à l'épargne salariale va être important et instructif. Tel qu'il a été préparé par le gouvernement, le texte est équilibré. Il part d'un constat : le succès extrême rencontré, là où elle est mise en œuvre, par l'épargne salariale, en particulier mais pas exclusivement, sous la forme de l'actionnariat des salariés. Il crée des instruments nouveaux pour l'extension de la formule aux PME dont les salariés sont aujourd'hui généralement tenus à l'écart.

Enfin, touche personnelle de Laurent Fabius, il prévoit un plan d'épargne à dix ans qui, sans que le nom tabou de fonds de pension ne soit prononcé, amorce une incitation à une épargne plus longue qui pourrait servir à assurer un complément de retraite.

Les dangers que recèle potentiellement le débat parlementaire sont de trois ordres. D'abord, le risque que ce texte déjà compliqué devienne une usine à gaz. Ensuite, la tentation de rogner les avantages prévus aujourd'hui pour les plans à dix ans au nom de deux motifs : les exonérations de charges sociales priveraient les régimes de retraite de recettes légitimes ; l'avantage fiscal et social accordé aux abondements des entreprises détournerait celles-ci des augmentations salariales. Dans cette affaire, on oublie que le système est incitatif : le rendre plus onéreux pour les entreprises ne serait pas précisément la bonne manière pour en assurer l'extension. Ajoutons qu'il faut espérer qu'on ne touchera pas au régime juridique fiscal et actuel des PEE à cinq ans qui fonctionne fort bien sans réforme.

Enfin, le problème de la place des syndicats est délicat. Le dispositif actuel est simple et souple. Il permet d'avoir recours ou non à la représentation syndicale. La rendre obligatoire dans tous les cas, soit directement, soit par un monopole de présentation des candidats à des élections aux conseils des FCPE, irait contre le vœu profond des salariés. Il s'agit après tout de leur patrimoine personnel et ils doivent être totalement libres de choisir qui les représente.

Croissance et emploi. On se rend compte, ces temps-ci, que les créations d'emplois dépendent presque totalement de la croissance. Cela tombe bien :

elle est de retour. Le chômage baisse et tout le monde est satisfait. Restent deux questions.

Doit-on se contenter d'un taux de croissance autour de 3 % ou faut-il viser plus haut ? Cela pose un problème d'arbitrage entre les régimes juridiques et la culture sociale que nous connaissons et ceux des États-Unis. Il n'est pas, à tout prendre, évident que la société française soit prête à payer le prix d'un taux de croissance plus élevé, même si les Français devaient en retirer de grands bienfaits.

Seconde question : faut-il changer les buts et les outils de la politique de l'emploi, qui, en France, s'apparente à des systèmes d'aide ? Ceux-ci sont sans doute trop nombreux, trop éclatés et trop onéreux. En dehors de prestations spécifiques bien ciblées pour quelques catégories pour lesquelles il convient d'encourager le retour à l'emploi, il vaudrait mieux, dans un but d'efficacité, baisser fortement les charges sociales.

Auteur

  • Raymond Soubie