La mémoire collective retiendra l’image de ces banquiers, un carton dans les bras, sortant de la banque Lehman Brothers en faillite, le 15 septembre 2008 à New York. Admirablement servi par le texte de l’Italien Stefano Massini, Arnaud Meunier rétropédale et nous emmène cent-soixante-dix ans plus tôt, sur un quai de Manhattan, où Henry Lehman, Juif allemand en provenance de Bavière, débarque avec sa valise. Bientôt rejoint par ses frères Emanuel et Mayer, il ouvre à Montgomery (Alabama) une boutique de tissus. Le metteur en scène retrace, trois heures vingt durant, la prodigieuse métamorphose de la petite affaire en banque d’investissement. Sur scène, les ballots de coton bien réels cèdent vite la place à des échanges ­financiers dématérialisés. Visionnaires, les Lehman pères et fils (formidablement interprétés) créent un nouveau métier – gestionnaire - et investissent dans les chemins de fer, le pétrole, la télévision, les armes…

Éternels phénix, ils renaissent de la guerre de Sécession ou du krach de 1929 sans jamais lever le pied. En haut de la colline, comment descendre la pente lorsque la voiture n’a plus de frein ? s’inquiète Bobby, l’un des héritiers. Dès 1929, le scénario de la chute est écrit. La Lehman Brothers qui refusera d’aider les banques en faillite subira le même sort soixante-dix-neuf ans plus tard. Mais en conflit avec la génération précédente qui désapprouve ses choix, chaque nouvelle lignée court à sa perte. Le délitement des valeurs familiales – le deuil n’est plus respecté lorsqu’un patriarche meurt – épouse celui de la finance. Jusqu’à la chute finale de la banque, phagocytée par les traders. Édifiante saga.

Chapitres de la chute, saga des Lehman brothers. En tournée jusqu’au 18 janvier.