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Décodages

« La survivance d’un actionnariat familial est primordiale »

Décodages | Management | publié le : 31.12.2013 | Emmanuelle Souffi, Sandrine Foulon

Le groupe Pochet, qui a 390 ans, est resté familial. Une rareté dans le paysage industriel français !

C’est une particularité à laquelle nous sommes très attachés et qui nous a été transmise par les générations précédentes. Mon grand-père, mon père et mon oncle ont contribué à développer la société qui est née en 1623. Cet héritage familial nous distingue de nos concurrents verriers détenus pour beaucoup par des fonds d’investissement qui raisonnent à court terme. Nous ne nous développons pas avec un objectif de rentabilité à court terme, mais dans la durée. Nos 5 500 collaborateurs possèdent une ancienneté forte, beaucoup ont connu le démarrage de la plus grosse usine du groupe, à Guimerville, en 1971.

Si nous sommes fiers de cette histoire qui est la source de notre excellence industrielle, notre rôle est aujourd’hui de préparer les quatre cents prochaines années du groupe. Cette longévité est sécurisante pour nos clients. Elle est synonyme d’absence de changements perpétuels de stratégie, d’investissements à court terme.

Cet actionnariat familial est-il un atout ?

Nous avons quitté le Second Marché en 2006 justement pour regagner notre indépendance et ne plus être soumis aux incertitudes des cours de la Bourse. La survivance d’un actionnariat familial est primordiale pour notre pérennité. Pour le moment, aucun membre de la génération suivante ne travaille dans l’entreprise. À nous de leur donner envie de continuer à écrire l’histoire de Pochet.

Vous possédez cinq sites de production à l’international, en Chine et au Brésil notamment. Les salariés français n’ont-ils pas peur que leur travail parte à l’étranger ?

Notre installation en Chine remonte à plus de quinze ans. À cette époque, l’inquiétude était forte. Mais cela ne s’est traduit par aucune suppression de poste. Au contraire, c’est un plus pour l’entreprise, qui accroît notre présence sur des marchés en forte croissance. La Chine, avec la poussée des revendications salariales, devient d’ailleurs de moins en moins un pays low cost…

Le coût du travail est-il trop élevé en France pour votre activité ?

Le coût du travail est lourd dans notre pays. Le crédit d’impôt compétitivité emploi offre une bouffée d’oxygène. Il nous rend un peu plus attractifs par rapport à nos concurrents asiatiques. Mais il est regrettable de ne pas l’avoir limité aux seules industries à forte main-d’œuvre. Ce qui pèse le plus dans nos coûts de production, ce sont les salaires. Mais c’est en France qu’est notre savoir-faire. Nous avons des métiers particuliers qui reposent sur une technicité qui ne s’apprend pas à l’école et il n’est pas question de les transférer. Il est quasi impossible de trouver demain, ailleurs, les compétences dont nous avons besoin ! Dans ce contexte, nous avons pourtant racheté en 2011 quatre usines en France qui représentent 800 emplois. Nous possédons 10 usines sur tout le territoire, dans des bassins d’emploi ruraux où nous sommes le plus souvent le plus gros employeur de la région. C’est une lourde responsabilité. Pour la première fois, nous avons dû supprimer 163 postes à Pochet du Courval, sur les sites de Gamaches et Guimerville. Tout s’est fait sur la base du volontariat, beaucoup sont partis en congé de fin de carrière. Cela a été très traumatisant pour nos équipes, mais nous devions gagner en compétitivité.

Que pensez-vous de la nouvelle loi sur la sécurisation de l’emploi ?

Certaines dispositions ne sont pas évidentes, comme la procédure d’information-consultation du comité d’entreprise sur la stratégie de l’entreprise. Cette mesure est complexe car elle peut mettre à mal la confidentialité indispensable à certaines décisions qui, de toute façon, ne sont pas du ressort des partenaires sociaux. Annoncer une opération trois ans avant risque de la faire capoter, d’allumer les feux pour rien… Ça pose un problème vis-à-vis de la concurrence et des tentatives d’espionnage.

Le P-DG de PSA, Philippe Varin, a-t-il eu raison de renoncer à sa retraite ­chapeau ?

Il aurait été compliqué pour lui d’accepter. En ces temps difficiles, cette histoire a un côté indécent et renvoie une image négative des entreprises.

Irène Gosset

58 ans.

1978

Avocate.

2005

Directrice juridique de Pochet.

2009

Présidente du directoire du groupe Pochet.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi, Sandrine Foulon