Fausse alerte ! Une panne de transmission de SFR fit croire que, conformément à la prophétie présidentielle, la courbe du chômage s’était sensiblement inversée fin août. Mais comme le fait justement remarquer un observateur avisé des statistiques du marché du travail, la décrue viendra, aussi sûrement qu’« après la pluie vient le beau temps ». Toute la question étant de savoir pendant combien de temps et à quel niveau le chômage se stabilisera. Disons-le tout de go, notre interlocuteur ne se montre guère optimiste, sauf à changer une politique de l’emploi qui s’adonne à « la drogue dure des contrats aidés ».
De 2008 à 2012, Bertrand Martinot fut, en tant que délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle, notamment chargé de la mise en œuvre des CAE (contrat d’accompagnement dans l’emploi). En bon serviteur de l’État, il en fit 430 000. Un an après avoir quitté la DGEFP – de force plutôt que de gré –, il narre cette expérience (voir page 72), dans un ouvrage qui aurait dû s’appeler « Chômage: on n’a pas tout essayé ». Ce haut fonctionnaire y dénonce les milliards consacrés à cette « véritable addiction », pour un résultat des plus minces: non seulement les contrats aidés n’accroîtraient pas les chances de retour à un emploi classique, mais « la probabilité d’accéder à un emploi marchand à l’issue du contrat serait même inférieure ».
À l’heure où les emplois d’avenir sont devenus l’alpha et l’oméga de la Rue de Grenelle, on comprend pourquoi Bertrand Martinot n’est plus en cour. Qualifiant d’erreur de politique économique le trop faible recours de l’ancienne majorité aux contrats aidés alors que le chômage était au zénith, le ministère du Travail défend des mesures en faveur de « l’employabilité » des jeunes avec des durées de contrat plus longues et un gros effort sur la formation, absente des emplois jeunes version Aubry. Même si l’état n’a plus les moyens de financer 350 000 contrats aidés, comme en 1997, il a volontairement ciblé les jeunes les plus éloignés de l’emploi pour ses 100 000 emplois d’avenir. Dessein louable quand on sait que moins d’un jeune sur six poursuit ses études après le bac.
Reste que la moitié des jeunes diplômés de 2012 sont sans emploi. C’est dire l’ampleur d’un fléau qu’on n’éradiquera pas seulement avec les emplois d’avenir, l’alternance (malmenée dans le budget 2014) ou les contrats de génération. L’ancien DGEFP préconise un smic jeunes doublé d’un RSA universel pour les moins de 25 ans en guise de filet de sécurité. Vingt ans après le douloureux échec du contrat d’insertion professionnelle (CIP) inventé par le gouvernement d’Édouard Balladur, la proposition est quasi provocatrice. Est-elle économiquement efficace et, surtout, socialement acceptable ? Rien n’est moins sûr, même dans un pays où un quart des jeunes sont au chômage. Mais le débat mérite certainement d’être ouvert.
Retrouvez la chronique de Sandrine Foulon « Ma vie au boulot » dans l’émission d’Alexandra Bensaid « On n’arrête pas l’éco », tous les samedis à 9 h 10, sur France Inter.