Avocats, patrons, syndicalistes…, ils prennent une part active à la vie économique et sociale de l’agglomération.
P-DG du Groupe Matmut
Rouen, c’est la vraie capitale de la vraie France », lance Daniel Havis, le truculent président du Groupe Matmut. Depuis son arrivée à la tête de la maison mutualiste en 1994, il n’a eu de cesse de développer l’entreprise. « C’est une vraie responsabilité vis-à-vis du territoire. Nous employons plus de 2 000 salariés dans l’agglo, dont 1 500 au siège. Et nous offrons des débouchés aux jeunes qui sont bien formés à Rouen. » Fidèle à son territoire, le groupe a gardé son siège social dans la capitale normande quand son cousin Axa quittait Elbeuf pour la Défense. Daniel Havis est aussi fidèle à son entreprise. « Je suis en premier emploi ici », s’amuse-t-il à rappeler. Fin août, il a fêté ses trente-trois ans de maison.
Employé comme rédacteur en 1980, il prend les rênes de la maison mutualiste à 37 ans, repéré par Paul Bennetot, le fondateur. Il devient alors le deuxième patron du groupe mutualiste et un homme incontournable dans le paysage rouennais. Pour booster l’attractivité de sa ville d’adoption, ce natif de Montauban a lancé le groupe dans la promotion immobilière en créant une SCI et mis sur la table 80 millions d’euros. Objectif : offrir en 2016 un palais des Congrès, avec restaurant, hôtel quatre-étoiles et spa à la cité normande. Un équipement qui manque cruellement à la ville de Rouen et à ses entreprises, souvent obligées de délocaliser leurs conventions internes.
A.-C. G.
Titulaire de la chaire Nouvelles carrières à RBS
Les carrières au scanner
Battre en brèche les discours ambiants, tel est le credo de Jean Pralong, titulaire de la chaire Nouvelles carrières à Rouen Business School. Ce Bordelais d’origine a posé ses valises dans la capitale rouennaise en 2008 après avoir passé une dizaine d’années dans la gestion des ressources humaines. D’abord au cabinet de conseil RH Partner puis chez VediorBis. Lorsque l’occasion de plonger dans la recherche se présente, Jean Pralong n’hésite pas. Il passe sa thèse à l’ESCP en 2009 sur les conditions de succès des carrières des cadres. Depuis, la chaire rouennaise est devenue une référence européenne. « Nous avons démontré que l’approche générationnelle ne tient pas pour expliquer les évolutions de carrière », illustre l’universitaire. Autre discours démonté par ce psychologue et docteur en science de gestion de 41 ans ? La mobilité accrue comme facteur de progression pour les cadres.
M. S.
Avocate proemployeurs
Du haut de ses 65 ans, Patricia Hébert connaît le monde de l’entreprise comme sa poche. Titulaire d’un DESS de droit privé, elle travaille avec les patrons de la région depuis quarante ans. Ses spécialités ? Le droit social et celui de la Sécurité sociale. « L’image des entreprises est trop souvent écornée alors qu’elles contribuent à la création de richesse et d’emplois », estime celle qui fut bâtonnière de Rouen en 1989-1990. « Nous accompagnons les entreprises devant la justice mais également dans la préparation des PSE et leur gestion des ressources humaines. » Pour le compte de quelles sociétés ? Patricia Hébert lâche quelques noms tels Renault et Petroplus. Elle a, entre autres, assisté Sagem au moment de l’affaire dite du « bermuda » (2000). « Un grand moment dans l’élaboration de la jurisprudence », se souvient-elle. Aujourd’hui, elle se réjouit de l’évolution des syndicats : « Ils ont abandonné le rapport de force physique, parfois violent, pour se tourner vers le droit. »
M. S.
Responsable de l’intersyndicale de Petroplus
Pour beaucoup, je suis fou de croire encore à une reprise du site. Mais ça fait plus de vingt-trois mois qu’on se bat. C’est pas pour arrêter maintenant », martèle Yvon Scornet, syndicaliste CGT et leader des Petroplus depuis l’annonce de l’arrêt de la raffinerie de Petit-Couronne en 2011. Dans son bureau à l’entrée du site, ce « Breton de Paris » ne parvient pas à tourner la page, même s’il est licencié depuis le 21 août. Embauché comme aide-opérateur à la fabrication il y a trente-quatre ans alors que Petroplus s’appelait encore Shell, Yvon Scornet est devenu chimiste. « La dernière fois que j’ai mis les pieds au labo, c’était le 27 décembre 2011. »
La saga de la fermeture l’a ensuite happé avec son cortège de manifestations, de réunions et d’AG. Très marqué par des mois de mobilisation, il est reparti au combat. Mabrouk Getty, le patron de la société libyenne Murzuq Oil, candidat à la reprise, est revenu avec un projet « hyperrenforcé », selon le syndicaliste. Malgré le départ de la CFDT de l’intersyndicale, il entend bien, avec l’association des anciens de la raffinerie, créée en septembre, continuer à mobiliser les politiques pour ne pas laisser mourir Petroplus.
A.-C. G.
Directeur d’Interm’Aide Emploi
Le « tricoteur » de l’insertion
J’ai failli partir au bout d’un mois », confesse Arnaud Dalle en évoquant son arrivée à la tête de l’association d’insertion installée en plein cœur des hauts de Rouen. « J’ai eu l’impression d’atterrir dans une boîte d’intérim bon marché. » Il s’est accroché et a relancé la structure. « Nous faisons toujours de l’intérim mais avec un important volet d’accompagnement et de formation », détaille le dirigeant, un ch’timi à double formation (économie et menuiserie). Au total, 377 personnes doivent être accueillies en 2013.
L’association, qui s’autofinance à hauteur de 85 %, vend des prestations aux bailleurs sociaux du quartier : « De l’intermédiation, un chantier d’insertion, une entreprise de travail temporaire et, depuis peu, 13 salariés en contrat de professionnalisation », énumère cet ancien formateur à la protection judiciaire de la jeunesse. Arnaud Dalle se définit comme « un tricoteur » contraint de jongler avec de multiples dispositifs de formation professionnelle. « À quand une profonde réforme ? » s’interroge-t-il.
M.S.
Président du Medef Rouen-Dieppe
Un pharmacien patron des patrons
Il faut que Rouen passe d’une ville de la rente à une ville du risque ! » interpelle Yves Kerouedan, à la tête du Medef Rouen-Dieppe depuis un an. Jusqu’en 2012, ce pharmacien d’origine était le directeur général d’une grosse coopérative rouennaise, le groupe Astera (3 500 salariés en France), un grossiste répartiteur de médicaments. À 66 ans, le patron des patrons locaux entend bien participer à l’essor du tissu économique régional. « Nous avons un grand nombre de PME innovantes sur le territoire avec des pôles très compétitifs autour de la santé, de l’aéronautique, de l’énergie, de l’agriculture. Malgré cela, nos jeunes ne restent pas à Rouen, qui manque encore d’attractivité. » Pour favoriser l’éveil de Rouen et rebooster l’esprit d’entreprise, Yves Kerouedan, cet ancien DRH, veut recréer des rendez-vous réguliers à thème entre les chefs d’entreprise adhérents.
A.-C. G.
P-DG de Lubrizol
Il s’agissait d’un incident et non pas d’un accident ! » Quand il évoque la fuite de mercaptan qui, en janvier dernier, a plongé Rouen dans une odeur nauséabonde, Frédéric Henry entend être précis sur les mots et endosse sa casquette de vice-président de l’Union des industries chimiques normande. « En trente ans, on a tous fait d’énormes progrès sur les questions de pollution et d’environnement. Et je crois au progrès ! »
Arrivé chez le chimiste américain au début des années 1980, il y a fait l’essentiel de sa carrière, de la production aux achats en passant par le marketing et les ressources humaines pour prendre, en 2000, les rênes de la filiale française et de ses sites rouennais et havrais. Il y a depuis occupé des fonctions européennes. « Lubrizol est une entreprise américaine. J’ai à cœur de montrer qu’on peut développer à Rouen un siège social à dimension internationale et attirer des compétences. » Frédéric Henry est un industriel qui compte localement. L’an dernier, il a été élu président du Grand Port maritime de Rouen. Vice-président industrie de la CCI de Rouen, il est aussi membre du conseil d’administration de l’école d’ingénieurs Esigelec et de Neoma Business School. Autant dire que sa voix porte.
A.-C. G.
Avocat prosalariés
Le cauchemar des patrons
C’est la voix de la CGT à Rouen. Depuis trente ans, Éric Baudeu y défend syndicats et salariés devant les tribunaux des prud’hommes. « Par conviction politique et sociale. » Il est devenu une référence en droit du travail. Au point de défendre des clients au-delà de la région normande.
Inscrit au barreau de Rouen depuis 1976, ce professionnel du droit se plaît toujours autant à ferrailler contre les employeurs. À son tableau de chasse, la récente condamnation de GPN (filiale de Total, anciennement Grande Paroisse) au sujet du temps d’habillage ou encore l’affaire des « oubliés » de Renault Sandouville, aujourd’hui sans droits à la retraite. « De nos jours, les salariés craignent le recours en justice et les moyens de droit à notre disposition sont moins nombreux », regrette Éric Baudeu. À 60 ans, il travaille à passer le relais car il souhaite voir son cabinet lui survivre.
M. S.
DRH de Renault Cléon
L’ingénieur RH
Je ne suis pas tombé dedans quand j’étais petit, plaisante Olivier Varteressian au sujet des RH. J’ai commencé dans le secteur après-vente en 1995. » Il sillonne alors les magasins de la marque et forme les agents à la mise en place de nouvelles méthodes de SAV. En 2002, il devient gestionnaire RH à Cléon. Après un passage par Guyancourt, il retourne en Normandie en 2010. Avec deux priorités : la sécurité et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. « Nous avons mis en place une GPEC sectorielle pour la mécanique », se félicite-t-il. Autre succès, Cléon est devenu centre de formation mécanique monde. Avec la mise en œuvre de l’accord national compétitivité-emploi, le climat social est tendu… Il y a quelques mois, un employé s’est suicidé en laissant une lettre mettant en cause le groupe. Une expertise sur les risques psychosociaux a été commandée. Le DRH veut comprendre…
M. S.
Secrétaire générale de l’union régionale CFDT
Une syndicaliste pugnace
A son élection, certains de ses « amis » ne la voyaient pas tenir le choc. Grosse erreur… Katia Planquois a su ressouder un syndicat morcelé. Aujourd’hui, la « démocrate réformiste » effectue son troisième mandat à la tête de la CFDT régionale. Bilan : « 15 000 adhérents aujourd’hui, soit une progression de 1 000 cartes depuis mon arrivée », se félicite cette secrétaire comptable, native du Petit-Quevilly.
Katia Planquois a d’abord travaillé dans le secteur de l’habitat social, où elle crée une première section syndicale. Ce sera la CFDT. « Je voulais un syndicat combatif mais aussi force de propositions. » Elle gravit un à un les échelons d’une organisation très masculine. « Il y a eu du sexisme », se souvient-elle aujourd’hui du haut de ses 53 printemps. Membre du bureau national de la CFDT et du conseil économique et social régional, elle a su faire son trou insistant sur le rôle « prospectif » de son organisation. Va-t-elle rempiler pour un quatrième mandat ? Réponse en 2016…
M. S.