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Le futur compte pénibilité est-il une bonne idée ?

Actu | L’éco du mois | publié le : 04.10.2013 | Sandrine Foulon

oui…
Henri Stredyniak Économiste à l’OFCE.

L’allongement de la durée de vie oblige tous les pays à retarder l’âge de départ à la retraite. La norme devenant un départ entre 60 et 67 ans, selon l’âge de début de carrière et la pénibilité de l’emploi. Cette évolution doit se faire avec justice : les ouvriers dont l’espérance de vie est nettement plus basse que celle des cadres, qui ont des difficultés à se maintenir en emploi et ne peuvent en retrouver après 55 ans doivent pouvoir partir plus tôt sans que cela ne diminue le niveau de leur retraite. Ce report doit être socialement organisé: il faut réduire la pénibilité du travail et repenser le déroulement des carrières. Aussi, le dispositif mis en place en 2013 est le bienvenu. Il obligera les entreprises à enregistrer les postes pénibles, qui donneront lieu à cotisation supplémentaire; elles seront donc incitées à les limiter. Les syndicats et les directions seront invités à négocier l’organisation des carrières ouvrières sur le modèle : 25 années de travail pénible ; 6 mois de formation ; 15,5 années de travaux moins exposés. Cette prise en compte de la pénibilité au moment de la retraite n’est pas contradictoire, au contraire, avec l’exigence d’amélioration des conditions de travail. Cependant, le dispositif est peu généreux. Un ouvrier qui a eu durant trente ou quarante ans un travail pénible, sans possibilité de formation, n’aura droit qu’à deux années d’avancement de sa retraite alors que quatre seraient nécessaires. Dans le secteur public, certaines professions, moins exposées à la pénibilité, vont conserver le droit de partir à 57 ans. Une unification sur des bases objectives aurait été souhaitable. Dans la mesure où ce dispositif est l’accompagnement socialement nécessaire du report de l’âge moyen de fin d’activité, son coût pour les entreprises et l’État doit s’imputer sur les gains induits par cet allongement. Il est donc faible.

…mais
Mathilde Lemoine Économiste à HSBC.

Le système de retraite français reste profondément inégalitaire. Il continue de privilégier les hommes ayant fait leur carrière dans la même entreprise et n’ayant pas eu à faire face à des évolutions technologiques ou à des erreurs de stratégie qui ont conduit à des restructurations. Pourtant, le genre comme le fait de travailler dans des entreprises différentes ne peuvent expliquer la persistance de régimes n’offrant pas les mêmes pensions, la même durée de cotisations ou encore le même âge de départ à la retraite. La question de la pénibilité est tout autre puisqu’elle renvoie à des dégradations physiques et/ou psychologiques. Or, dans le cadre de la théorie du capital humain, les salariés effectuant des travaux pénibles doivent pouvoir bénéficier de compensations à la destruction de capital humain qu’engendre l’exercice de leur métier. La récente jurisprudence va d’ailleurs dans le même sens puisqu’elle rend l’employeur responsable de la perte d’employabilité des salariés. En conséquence, la pénibilité ouvrirait le droit à des compensations. La nouvelle réforme des retraites va plus loin que les dispositions existantes puisqu’elle propose la création d’un compte individuel de pénibilité. C’est un moyen « d’internaliser les externalités », c’est-à-dire de forcer les entreprises à compenser la dégradation de capital humain qu’engendre l’exercice de travaux pénibles, et non plus seulement à prévenir la pénibilité. Par ailleurs, cela va au-delà du régime assurantiel des accidents professionnels. Le compte individuel de pénibilité est une évolution qui va dans le sens de la théorie du capital humain et de la jurisprudence, mais qui pourrait inciter à multiplier les situations de pénibilité et à les confondre avec la perte d’employabilité.

POUR EN SAVOIR PLUS

“Les Notes de l’OFCE”, Quelle réforme des retraites en 2013 ?, Henri Sterdyniak.

www.ofce.sciences-po.fr/pdf/notes/2013/note26.pdf

Étude d’impact sur la pénibilité.

www.assem blee-nationale.fr/14/dossiers/avenir_justice_systeme_retraites.asp

Auteur

  • Sandrine Foulon