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Le Royaume-Uni fait la chasse aux désœuvrés

À LA UNE | publié le : 04.10.2013 | Tristan de Bourbon

Allocation chômage au rabais, suivi scrupuleux des chômeurs, programmes de réinsertion non rémunérés : le gouvernement conservateur a déclaré la guerre à « ceux qui ne veulent pas relever leurs manches ».

Depuis trop longtemps des gens ont tenu pour acquis que les prestations sociales leur servaient à maintenir un mode de vie plutôt que de filet de sauvetage. Bien sûr, nous nous engageons à soutenir les personnes qui ne peuvent pas travailler en raison d’une maladie ou d’un handicap. En revanche, pour ceux qui peuvent travailler mais refusent de suivre les règles du jeu, le réveil sera dur. » Dans une tribune publiée il y a un an dans le quotidien ultraconservateur The Daily Telegraph, le ministre britannique du Travail, Mark Hoban, présentait très clairement l’idéologie à l’origine de la réforme du système des prestations sociales - entrée en vigueur en octobre 2012 -, et en particulier celles liées à l’emploi : s’attaquer à « ceux qui ne veulent pas relever leurs manches et pensent qu’ils peuvent détourner le système ». Afin que les 5 milliards de livres (5,93 milliards d’euros) dépensés annuellement en allocations de recherche d’emploi aient une utilité, il propose un contrat aux chômeurs : « Nous paierons leurs allocations et ferons tout ce que nous pouvons pour les aider à retrouver un emploi. Mais, en retour, ils devront prouver qu’ils se donnent entièrement. »

Se donner entièrement ? « Cela signifie que je cherche activement du travail », précise Juan Galbete. « J’ai rendez-vous toutes les deux semaines à mon Jobcentre Plus - le Pôle emploi local -, et je dois prouver à chaque fois que j’ai postulé pour 14 emplois. Dans le cas contraire, ils peuvent me retirer mon allocation chômage. » Cet Espagnol de 28 ans vit depuis quatre ans à Londres. Il a quitté Pampelune et Madrid pour améliorer son anglais. Après quelques emplois précaires de journaliste, il jette l’éponge. Et impossible de vivre avec l’allocation de recherche d’emploi de 71,70 livres (85 euros) par semaine pour les chômeurs de plus de 24 ans, 56,80 livres (67,50 euros) pour les 16-24 ans. Il se décide donc à prendre un premier emploi en cuisine, payé le minimum légal, soit, à l’époque, 5,93 livres l’heure (7 euros). Il aligne de cinquante à soixante heures par semaine. De quoi couvrir les frais de son deux-pièces en colocation dans l’est de Londres à 520 livres par mois (617 euros).

PROGRAMME D’APPRENTISSAGE. « À chaque fois que j’ai arrêté de travailler plusieurs mois pour chercher un autre boulot, j’ai dû demander de l’aide à mes parents. Le système britannique m’a sans doute obligé à me prendre en main, à être moins passif que je ne l’aurais été en Espagne. En plus, en habitant chez mes parents, j’aurais pu attendre et voir venir. Sauf qu’au final, malgré ma bonne volonté, je suis coincé : il n’y a pas de travail dans mon secteur, la presse. » Un cas nullement exceptionnel : il y avait à la fin juin 2,51 millions de demandeurs d’emploi, soit un taux de chômage de 7,8 % de la population active, auxquels s’ajoutent plus de 2 millions de salariés à temps partiel ou intérimaires désirant un emploi à temps plein et, enfin, 2,26 millions de retraités, de femmes au foyer ou d’étudiants qui ne sont pas inscrits au chômage et qui voudraient bien travailler.

Pour faire face à ce manque d’emplois flagrant, le gouvernement a lancé ou poursuivi un certain nombre de programmes destinés aux chômeurs. Estimant que, « pour de nombreux jeunes, et particulièrement ceux au début de leur vie de travail, la principale barrière est sans doute le manque d’expérience », selon les explications du site du ministère du Travail et des Retraites, le gouvernement a mis en place un programme d’apprentissage de deux à huit semaines à leur intention. Les employeurs s’y retrouvent financièrement puisque, en guise de rémunération, les « stagiaires » continuent de percevoir leur allocation chômage et, si nécessaire, le remboursement par l’État de leurs frais de transport et de garde de leur progéniture. La participation à ce programme est volontaire, contrairement à la participation à l’activité professionnelle obligatoire : un emploi non rémunéré de trente heures hebdomadaires pendant quatre semaines au profit de la communauté. Selon le formulaire distribué par le ministère aux sociétés chargées de placer les chômeurs, ce programme vise « ceux pour qui un travail apporterait de la concentration et de la discipline, des éléments requis pour trouver, assurer et garder un emploi ».

Des organisations caritatives comme ­l’Armée du salut, mais aussi des sociétés commerciales comme les supermarchés Marks & Spencer, Asda et B & M ont profité de cette main-d’œuvre gratuite. Un apport qui leur a permis de limiter les embauches. Début avril, un poster réalisé par une succursale du nord de Londres de l’enseigne d’ameublement et de quincaillerie Homebase, dévoilé par un blogueur, indiquait ainsi : « Comment le Programme d’expérience professionnelle peut profiter à votre magasin : 750 heures de travail non rémunérées aideraient-elles VOTRE magasin ? » Le magasin concerné avait obtenu le placement de 21 jeunes apprentis.

AUDIT SUR LES BÉNÉFICIAIRES DE L’ALLOCATION HANDICAP. Le remue-ménage médiatique n’a pas été sans effet sur ce programme gouvernemental. Depuis six mois, des dizaines d’organisations caritatives ont décidé de ne plus y faire appel pour des raisons d’éthique et d’image : non seulement il faisait artificiellement baisser les chiffres des chômeurs sans régler la situation réelle, mais une grande partie de cette main-d’œuvre gratuite était obligée de travailler sous peine de perdre ses allocations. En effet, les contrevenants aux règles du contrat établi par le ministre Mark Hoban voient s’interrompre le versement de leur allocation entre quatre semaines et trois ans s’ils refusent une offre trois fois de suite.

Parallèlement, les pouvoirs publics ont lancé en février 2011 un audit sur l’état de santé réel du quelque 1,5 million de Britanniques recensés comme handicapés. Le gouvernement escomptait ainsi réduire ses dépenses, les allocations pour handicapés étant bien plus élevées (jusqu’à 144,40 livres par semaine) que celles destinées aux chômeurs. À mi-parcours, 180 000 des 603 000 bénéficiaires contrôlés ont été considérés aptes à travailler. Désormais dans la catégorie des demandeurs d’emploi, les voilà à leur tour concernés par le grand tour de vis initié par le ministre du Travail.

Auteur

  • Tristan de Bourbon