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Idées

Le retour de l’État dans les PSE est-il une bonne chose ?

Idées | Débat | publié le : 01.09.2013 |

Transposant l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi bouleverse les règles d’élaboration des PSE en renforçant, notamment, le contrôle de l’administration.

Jean Agulhon DRH France du groupe Renault.

La question qui mérite d’être posée est double. Le cadre légal doit-il couvrir l’ensemble des situations de travail ou bien peut-on confier au champ de la négociation la possibilité d’en couvrir une partie ? Et, dans le domaine fixé par la loi, quelle serait la partie relevant de l’ordre public social et celle relevant du champ dérogatoire ouvert à la négociation majoritaire ? Le dialogue social est un outil de construction, ce qui nécessite que la loi permette aux partenaires sociaux de disposer de champs vierges, et un levier d’ajustement des équilibres et des règles applicables au sein des collectivités de travail, quelles que soient leur nature et leur importance. En effet, l’expérience montre que de nombreux sujets trouvent une solution efficace lorsqu’elle peut être recherchée au plus près du terrain. En France, bon nombre d’accords ont pu démontrer la nécessité et la pertinence de telles pratiques dès lors qu’elles sont encadrées par le jeu de la négociation et par le fait que la négociation doit avoir permis la conclusion d’un accord majoritaire. Le « Contrat pour une nouvelle dynamique de croissance et de développement social de Renault en France », signé le 13 mars, en est une très bonne illustration.

L’ANI du 11 janvier se place dans cette optique. En matière de restructuration, les partenaires sociaux sont les plus à même d’apprécier la pertinence, l’efficacité, l’effectivité de telle ou telle mesure. Car celles-ci dépendent des bassins d’emploi et donc des possibilités de reconversion, de la sociologie et de la culture de l’entreprise, de son histoire… L’ANI consacre la place de l’accord en le renforçant par rapport à la décision unilatérale de l’employeur. Enfin, la validation des accords et l’homologation des décisions unilatérales présentent plusieurs avantages. Il est pertinent que des projets d’accord soient arbitrés par des autorités qui ont une connaissance pratique de ces situations et que le juge administratif soit désormais compétent pour apprécier l’ensemble du processus.

L’ANI renforce utilement les évolutions esquissées par la loi de 2008, qui encadrait les conditions et le fonctionnement d’un dialogue social. Celui-ci est un atout de l’efficacité industrielle française et il doit s’affirmer en tant que tel. Ce qui pose bien sûr la question des conditions à mettre en œuvre pour qu’il soit possible dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Yasmine Tarasewicz Avocate associée du cabinet Proskauer, codirige le bureau de Paris.

En période de crise économique aiguë, l’on ne peut reprocher à l’État de vouloir, via l’administration du travail, « reprendre la main » sur les grands licenciements économiques en exerçant un contrôle tant sur le contenu des mesures d’accompagnement que sur la procédure suivie. Toutefois, si l’intention est compréhensible, le texte de la loi semble souvent pécher par excès. Tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains de l’administration. En effet, non seulement elle contrôle la qualité du PSE et la procédure suivie, mais elle tranche également les incidents de procédure, y compris ceux afférents aux expertises, en statuant sur la demande qui lui est faite par les instances représentatives du personnel et/ou les syndicats. Aucun débat contradictoire n’est prévu. Bien plus, aucun recours n’est possible contre la décision rendue, indépendamment de celui qui serait exercé à l’encontre de la décision concernant la validation ou l’homologation du PSE. Voilà une approche quelque peu restrictive de l’accès au juge et attentatoire au principe du contradictoire dont la conventionnalité et/ou la constitutionnalité semblent discutables. D’autre part, le texte est trop vague sur bon nombre d’aspects et notamment sur l’articulation entre la voie unilatérale et la voie négociée.

Si l’objectif est de contrôler les grands licenciements et surtout leurs conséquences sur l’emploi, il semble exister une disproportion difficilement justifiable entre l’étendue du contrôle que l’administration va opérer en présence d’un accord et celui qui sera exercé en présence d’un document unilatéral. Selon l’instruction ministérielle du 26 juin, en cas d’accord majoritaire, le contrôle devra porter sur « le respect des conditions de validité de l’accord ». Il n’y a donc pas de contrôle de la qualité du PSE. En revanche, si la procédure est unilatérale, la décision d’homologation reposera en particulier sur le contenu du PSE. Si certaines pratiques de PDV plus ou moins orientées vers le « monétaire » veulent perdurer, ce ne pourra être que via un accord collectif majoritaire. Sans doute le ministre a-t-il respecté l’intention des rédacteurs de l’ANI qui ne voulaient aucun contrôle sur l’accord collectif, mais alors la légitimité d’un contrôle fort de l’administration sur les PSE, censée être la nécessité de préserver l’emploi, disparaît.

Pierre Beretti P-DG d’Altedia, cabinet de conseil filiale d’Adecco.

C’est bien un nouveau pas en avant que propose l’ANI du 11 janvier en instaurant un contrôle des licenciements par l’administration. Malgré les apparences, tout est différent. Les procédures des plans sociaux sont strictement encadrées ainsi que les voies de recours. La contrepartie : rechercher en amont un accord ou, a minima, un consensus sur le projet de restructuration. Plus que le résultat – les accords majoritaires sur une restructuration ne sont pas faciles à obtenir –, c’est la volonté démontrée de trouver une issue acceptable qui sera évaluée. D’où partons-nous ? Les PSE se traduisaient généralement par des conflits ou des contentieux faute d’alternative. Très souvent, les postures des acteurs prenaient le pas sur un vrai dialogue social et les échanges étaient purement formels. Le recours aux tribunaux devenait la forme principale de la contestation du projet de restructuration. Un tel contexte entraînait une insécurité importante pour les entreprises, tant sur les délais de procédure que sur le coût des restructurations. La loi sur la sécurisation de l’emploi constitue une évolution majeure quant au rôle de l’État en matière de contrôle des licenciements collectifs. Elle conforte son positionnement de garant tant des conditions du dialogue social au sein de l’entreprise que de la qualité des mesures contenues dans les plans de sauvegarde de l’emploi.

En pratique, comment se traduisent ces évolutions ? Alors qu’hier le PSE était généralement discuté avec le comité d’entreprise, aujourd’hui la procédure de licenciement et le contenu du PSE sont fixés par un accord collectif majoritaire, validé par l’administration, ou par une procédure de consultation du CE dont le terme devra être homologué par l’administration. Dans les faits, si un PSE résulte d’un accord majoritaire validé ou fait l’objet d’une procédure homologuée, le risque d’annulation semble très limité. Je suis convaincu que le nouveau texte fournit aux partenaires sociaux les moyens de la confiance – dès lors qu’ils veulent ou peuvent s’en saisir – là où hier ils étaient plus ou moins conduits à des postures d’opposition alimentant la défiance. Avec la participation des salariés aux conseils d’administration et les accords de maintien de l’emploi, c’est progressivement un nouveau cadre du dialogue social au sein des entreprises qui s’esquisse. L’avenir nous le dira.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Deux options s’offrent aux entreprises d’au moins 50 salariés qui engagent une procédure de licenciement collectif portant sur au moins 10 licenciements sur une période de trente jours : soit la conclusion d’un accord collectif majoritaire, validé par l’administration, soit l’élaboration d’un document unilatéral, homologué par l’administration.

C’est le juge administratif qui a compétence, en cas de contestation, sur la décision de l’administration, qu’il s’agisse d’une demande d’homologation ou de validation.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent depuis le 1er juillet 2013, une procédure étant réputée engagée à compter de la date d’envoi de la convocation à la première réunion du CE.

REPÈRES

2 260

C’est le nombre – record – de plans de sauvegarde de l’emploi enregistrés durant l’année 2009. En 2010, 1 180 PSE ont été notifiés à l’administration, et en 2011, 953.

1986

La loi du 3 juillet 1986 a supprimé l’autorisation administrative de licenciement, instaurée en 1975 par le gouvernement Chirac.