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Les chômeurs, priorité numéro un

Dossier | publié le : 01.09.2013 | Anne-Cécile Geoffroy, Anne-Cécile Geoffroy, Sabine Germain, Rozenn Le Saint

La deuxième conférence sociale a réaffirmé la nécessité d’orienter les dépenses de formation de manière à faire coïncider l’offre de postes non pourvus et les compétences des demandeurs d’emploi.

Difficile de savoir combien l’Hexagone compte d’offres non satisfaites. 300 000, 200 000, 30 000… D’autant plus que « si une entreprise signale un poste non pourvu à la mission locale, à Pôle emploi et à Cap emploi, il est comptabilisé trois fois ! » pointe Yanic Soubien, vice-président chargé de la formation et de l’emploi en Basse-Normandie. Selon lui, ils seraient 150 000 maximum. Toujours est-il que ces offres qui ne trouvent pas preneur, souvent appelées emplois vacants – alors qu’il s’agit en réalité de postes disponibles à un moment T –, sont devenues l’arlésienne des gouvernements successifs (voir également page 15). Compte tenu du nombre croissant de demandeurs d’emploi, la solution paraît toute trouvée : former les chômeurs pour occuper ces postes.

Mais pour l’heure, ce n’est pas l’orientation première des dépenses de formation. Paradoxalement, ceux qui en ont le plus besoin pour remettre à niveau leurs compétences ou se réorienter après un plan social, c’est-à-dire les demandeurs d’emploi, ne sont pas prioritaires. Ils bénéficient seulement de 13 % des dépenses globales consacrées à la formation… Résultat, moins de 10 % des chômeurs sont en formation, selon une étude de la Dares de décembre 2012 (566 000 chômeurs en ont suivi une en 2011). Le taux d’accès des demandeurs d’emploi à la formation est donc inférieur d’un tiers à celui des salariés… Pourtant, les acteurs publics financent près de la moitié de l’effort de formation puisque les régions dépensent chaque année 5,1 milliards d’euros, l’État 4,7 milliards d’euros, Pôle emploi, l’Unedic et l’Agefiph 1,8 milliard. Le reste incombant aux entreprises, pour 13,1 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent les 2,8 milliards d’euros de taxe d’apprentissage.

Moins d’un quart des chômeurs qui demandent un stage l’obtiennent… Le pire, c’est qu’en général le choix des heureux élus n’a rien à voir avec les besoins des entreprises alentour, selon Fabien Beltrame, responsable du département orientation professionnelle et formation de Pôle emploi. « Il n’y a pas de critère de sélection. Le conseiller s’appuie sur le “projet personnalisé d’accès à l’emploi”. Ce PPAE porte le métier vers lequel le demandeur d’emploi souhaite se diriger. Et s’il ne possède pas toutes les compétences requises, avec son conseiller, ils envisagent la formation professionnelle pour les acquérir », indique-t-il.

La POE, exemple à suivre

Heureusement, un dispositif, en vigueur depuis 2011, permet de faire coïncider les offres d’emploi déposées par les entreprises et les compétences qu’elles requièrent en termes de formation des chômeurs : la préparation opérationnelle à l’emploi (POE). Cette formation courte et sur mesure, réservée aux demandeurs d’emploi afin de les familiariser avec un poste ou des secteurs précis, peut être individuelle ou collective. Dans le premier cas, le programme de 400 heures maximum est pris en charge par Pôle emploi, jusqu’à 5 euros par heure de formation quand elle est dispensée par l’organisme interne de l’employeur (8 euros avec un prestataire extérieur) et par l’Opca dont relève le futur employeur. La POE collective, elle, permet à plusieurs demandeurs d’emploi de bénéficier d’une formation pour occuper des emplois correspondant à des besoins identifiés par un accord de branche ou un conseil d’administration d’un organisme collecteur paritaire agréé. Dans ce cas, la formation est financée par ce dernier, et éventuellement, en complément, par Pôle emploi et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

En immersion

Jérôme Gimenez, DRH de la branche française du groupe Facilicom, spécialisé dans le service aux entreprises (sécurité, propreté, accueil, restauration collective, etc.), a recours à ce dispositif depuis début 2012 afin de pallier son besoin de main-d’œuvre pour des emplois dits en tension. En 2013, plus de 150 demandeurs d’emploi seront formés à ces métiers via la POE. « Pour une offre, Pôle emploi nous présente quatre ou cinq profils. Nous sélectionnons trois personnes, qui suivent une formation d’agent de propreté, par exemple, de manière qu’elles apprennent la technicité de ce métier pour lequel nous cherchons du monde, décrit-il. Un organisme externe les forme pendant deux mois puis ils travaillent en immersion dans l’entreprise pour devenir opérationnels. » Selon l’assiduité et l’implication des demandeurs d’emploi formés, entre 60 et 80 % de ceux qui ont suivi cette POE sont embauchés par Facilicom à l’issue des trois mois de qualification. « Pôle emploi nous envoie des personnes vraiment éloignées de l’emploi. Si elles n’étaient pas passées par la case formation, elles n’auraient pas été prêtes à revenir dans le monde du travail, assure le DRH. Même si nos métiers ne demandent pas un haut niveau de qualification, ces collaborateurs nécessitent un accompagnement pour assimiler des savoir-faire et des savoir-être professionnels. »

Plan d’urgence

Mais alors que la POE est plébiscitée par les partenaires sociaux, seulement 30 000 ont été délivrées en 2012, alors que le Medef en attendait le double. 30 000, c’est aussi le nombre de chômeurs que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault compte former en seulement quatre mois à des postes ne trouvant pas preneur parmi les « 200 000 à 300 000 » non pourvus repérés, notamment dans l’artisanat. Sachant qu’aujourd’hui la moitié des chômeurs ayant demandé une formation doit patienter plus de six mois entre l’accord de stage et son démarrage. Un quart attend même quinze mois. Le cap a en tout cas été fixé lors de la conférence sociale de juin dernier, pendant laquelle la POE, sous-utilisée, a pourtant été montrée comme modèle. Elle pourrait devenir une des pierres angulaires du plan d’urgence annoncé. Le 10 juillet dernier, les partenaires sociaux ont ainsi mis sur la table 50 millions d’euros pour financer des formations supplémentaires dans le cadre des POE. Au total, ce sont 185 millions d’euros (dont 105 millions financés par les syndicats et le patronat) qui ont été dégagés pour former 30 000 chômeurs, en priorité de longue durée. Ce plan de formations exceptionnel doit être opérationnel dès la rentrée. D’abord, cet été, les besoins, par région et par branche, ont été recensés, les outils utilisables immédiatement, identifiés, et les financements mobilisés. Les régions devront jouer le premier rôle. Elles ont financé 57 % des formations entamées en 2011 par des chômeurs, soit 366 000 stages. De plus, leurs attributions en matière de formation se voient renforcées par l’acte III de décentralisation. Elles ont d’ailleurs été les premières à se porter volontaires pour financer davantage la formation des chômeurs, par la voix de Pascale Gérard, vice­présidente de la région paca et de la commission formation de l’Association des régions de France, lors de la conférence sociale de juin : « Nous ne sommes pas pour un traitement social du chômage mais pour préparer les emplois de demain. Nous avons des solutions à proposer pour mettre en œuvre ce plan d’urgence dès la mi-septembre, assure-t-elle. Nos régions ont de gros marchés publics de formation. La loi nous permet de faire des avenants aux contrats passés à la suite des appels d’offres. Les régions sont en capacité de financer des places supplémentaires. »

LE BTP montré du doigt

Parmi les secteurs d’emplois non pourvus identifiés dans sa région, Yanic Soubien, vice-président chargé de la formation et de l’emploi en Basse-Normandie, relève l’aide à la personne. En revanche, « le BTP est souvent montré du doigt, or le secteur a davantage perdu d’emplois qu’il n’en a gagné ces derniers mois… Il faut se mettre au travail pour effectuer des diagnostics poussés », encourage-t-il. Selon lui, les financements publics sont mobilisables du côté des emplois d’avenir, pour lesquels des budgets ont été attribués, alors qu’ils peinent à décoller. Quant aux outils immédiatement opérationnels, en plus de la POE, il met en avant le dispositif « Une formation, un emploi », mis en œuvre en Basse-Normandie, qui fait ses preuves puisque, à l’issue de la formation identifiée par les services du conseil régional pour répondre aux besoins d’une entreprise, le taux d’insertion atteint 85 %. Un outil simple, coordonné par la région. « Nous arrivons à toucher les TPE et les PME, qui ne savent pas forcément comment aborder la dimension RH et sont parfois perdues dans la multitude d’interlocuteurs de référence s’agissant de la formation, entre Pôle emploi, l’État, la région, les branches professionnelles, les partenaires sociaux… », soulève Yanic Soubien.

Un frein également dénoncé par Marie-Andrée Seguin, l’une des négociatrices CFDT. « Le fait qu’il y ait plusieurs contributeurs complique le montage du dossier de demande de formation du chômeur », regrette-t-elle. Démonter l’usine à gaz de la formation des chômeurs sera l’un des objectifs de la réforme structurelle attendue d’ici à la fin de l’année, en complément du plan d’urgence. R. L. S.

Chômeurs handicapés : encore plus dur

23 % des demandeurs d’emploi handicapés ont un niveau inférieur au bac, contre 43 % pour l’ensemble des chômeurs. Et « huit personnes sur dix que l’on reçoit sont inaptes à leur ancien métier et doivent construire un nouveau projet professionnel », explique Stéphanie Georgeon, responsable du Cap emploi des Yvelines, l’organisme d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

En 2012, le nombre de chômeurs handicapés qui ont suivi un stage professionnalisant a augmenté de 8 %. Mais à l’issu de cet accompagnement de Cap emploi, seuls 15 % d’entre eux ont trouvé un travail durable (contrat égal ou supérieur à six mois) dans les six mois qui ont suivi la formation. Car, là aussi, les offres d’emploi non pourvues ne coïncident pas forcément avec les qualifications. Même si Cap emploi les guide vers des formations à des métiers en tension dans le département, par exemple, pour les Yvelines, la sécurité ou le nettoyage, les entreprises sont aussi très demandeuses d’ingénieurs en R & D dans l’industrie automobile… Et dans ce cas, se désole Stéphanie Georgeon, « il existe une distorsion trop importante avec les profils de nos demandeurs d’emploi, dont la plupart ont un niveau inférieur au bac ».

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy, Anne-Cécile Geoffroy, Sabine Germain, Rozenn Le Saint