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Des emplois francs qui risquent de ne pas faire le poids

Actu | À suivre | publié le : 01.09.2013 | Stéphane Béchaux

Alors que les emplois d’avenir ne décollent pas, ce nouveau dispositif, bien moins généreux, laisse les acteurs de terrain perplexes.

Petite révolution au sein des politiques de l’emploi. Pour la première fois, une aide à l’embauche s’inscrit dans une logique de discrimination positive. Lancés discrètement en juillet à Marseille, avant d’être bruyamment promus en août par François Hollande, les « emplois francs » visent ainsi à encourager le recrutement en CDI de jeunes de moins de 30 ans résidant en zone urbaine sensible (ZUS). En octroyant à leurs employeurs, du secteur marchand uniquement, une prime de 5 000 euros, versée pour moitié à la fin de la période d’essai et, pour l’autre, après dix mois d’activité. « Dans sa philosophie, c’est un outil anti­discrimination. À compétences égales entre deux candidats, il s’agit de donner un coup de pouce à celui issu d’un quartier réputé difficile », explique-t-on dans l’entourage de François Lamy, le ministre délégué à la Ville chargé du pilotage du dispositif. La mesure rompt avec la logique à l’œuvre lors de la création, en 1996, des zones franches urbaines (ZFU), qui visait à inciter les entreprises, à coups d’exonérations, à s’implanter dans les territoires difficiles. En espérant – raté – un effet significatif sur le taux d’activité des populations résidant sur place.

Avec les emplois francs, le gouvernement promettait de faire œuvre de pragmatisme. Pendant trois ans, la mesure ne devait être expérimentée que dans certaines zones urbaines sensibles de huit agglomérations : Paris, Amiens, Toulouse, Marseille, Grenoble, Saint-Quentin, Lille et Fort-de-France. Et seuls 2 000 contrats étaient programmés jusqu’à la mi-2014. Sauf que tout pourrait changer. En annonçant, cet été, la signature de 5 000 emplois francs en 2013 – soit cinq fois l’objectif initial –, le chef de l’État a rebattu les cartes. Et chargé un peu plus la barque déjà pleine de Pôle emploi, qui s’est vu confier non seulement la gestion financière, mais aussi l’animation du dispositif sur le terrain. « Chaque direction régionale dispose d’un correspondant emplois francs. Il leur appartient de déterminer la meilleure organisation à mettre en place localement », précise Cédric Crespel, chef du département de l’action territoriale de l’opérateur public.

La tâche s’annonce ardue. Car la nouvelle prime à l’embauche fait bien pâle figure comparée aux aides massives octroyées dans le cadre des emplois d’avenir. Un second dispositif qui, à force d’élargissements successifs, marche copieusement sur les plates-bandes du premier. Désormais, presque tout employeur du secteur marchand peut, jusqu’au niveau bac + 3, recruter un jeune de moins de 26 ans issu d’une ZUS en emploi d’avenir. « Entre les deux, il n’y a pas photo. Si elle a le choix, l’entreprise a financièrement tout intérêt à opter pour un emploi d’avenir, quand bien même il y a des périodes de formation obligatoires », note Gwenaëlle Hamon, conseillère à la mission locale Sud Isère. Curiosité supplémentaire, la mesure ne profite pas aux jeunes de la zone de sécurité prioritaire (ZSP) située à cheval entre Grenoble et Échirolles au motif qu’il ne s’agit pas d’une ZUS !

Dans les faits, le cœur de cible des emplois francs se limite aux seuls très diplômés ou aux jeunes de plus de 26 ans. Avec un vrai risque d’effet d’aubaine. De quoi laisser les acteurs de terrain dubitatifs. « On va jouer le jeu mais on est tous un peu sceptiques. Les objectifs vont être difficiles à atteindre, alors que les missions locales sont déjà mobilisées sur les emplois d’avenir, qui peinent à décoller », admet-on à la communauté d’agglomération de Clichy-sous-Bois-Montfermeil. « Il s’agit de petits volumes. Cette aide constitue une mesure complémentaire. Elle peut servir de déclic pour effacer une discrimination potentielle liée à l’adresse », relativise Nicolas Garnier, directeur territorial de Pôle emploi pour les Bouches-du-Rhône. Outre l’intérêt des entreprises pour la mesure, une autre inconnue réside dans l’accueil que les jeunes de ZUS réserveront au dispositif. Certains en feront sans doute la promotion lors de leurs entretiens de recrutement. Mais d’autres pourraient refuser de jouer les VRP pour une aide jugée stigmatisante.

Auteur

  • Stéphane Béchaux