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Vie des entreprises

Stéphane Maquaire fait la promo du client chez Monoprix

Vie des entreprises | Méthode | publié le : 05.06.2013 | Anne Fairise

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Des ouvertures continues depuis 2008 (nombre total de magasins, toutes enseignes confondues)

Crédit photo Anne Fairise

Pour devenir le leader du commerce de proximité, l’enseigne des centres-villes veut impliquer tous ses salariés dans la relation client. Démarche participative et formation à l’appui. Il lui reste à établir un dialogue social constructif.

Monoprix, vivement aujourd’hui ! » Pied de nez assumé à la crise, la nouvelle signature du spécialiste des centres-villes a marqué les esprits, avec sa campagne publicitaire décalée mettant en scène une bataille d’eau entre enfants. Deux mois après son lancement, elle avait été visionnée 6 millions de fois sur Internet. De quoi renforcer l’optimisme de Stéphane Maquaire, le délégué général, aux manettes depuis trois ans, qui veut faire de l’enseigne « le leader de la proximité relationnelle et pas seulement géographique », pour ne pas manquer le tournant de l’e-commerce. Sans lever le pied sur le développement, dans lequel l’ex-directeur financier investit depuis 2010 la moitié du résultat opérationnel.

Alors que les distributeurs font le dos rond, le groupe franchira cette année le seuil des 500 magasins, avec plus de 40 ouvertures : des Monop’, des Dailymonop’ (restauration rapide)… et les nouveaux Monop’station en gares. Pour conforter le succès de son modèle du « tout sous le même toit », assorti d’une offre haut de gamme et tendance – des smoothies Innocent aux cosmétiques Agnès B. –, Stéphane Maquaire poursuit la rénovation du réseau. Surtout, il veut mieux impliquer les 20 000 collaborateurs dans la relation aux clients. « Devenir la référence du commerce de proximité », voilà l’ambition de cet ingénieur des Ponts, confirmé dans ses fonctions par Casino, qui a engagé le rachat de Monoprix en 2012. Reste à emmener dans cette bataille du service les hôtesses de caisse, les réassortisseurs et les managers, essoufflés par la pluie de projets optimisant l’organisation, et à rendre fructueux le dialogue social.

1-Impliquer les salariés dans la relation client

À en croire Lionel Cuffet, directeur d’un des six Monoprix qui l’expérimentent depuis janvier, les équipes s’approprient vite la nouvelle démarche client. Au point que le nom de code interne « DAC » (disponible, attentionné, convivial) est entré dans le langage courant. « C’est déjà un esprit. Les salariés s’interpellent : t’es DAC ou pas DAC aujourd’hui ? Ils n’ont eu aucune réticence à s’investir. » Un bon point, car la démarche, suivie par un coach, est participative. IPad en main, les employés du Monoprix du 54, avenue du Général-Leclerc à Paris ont interrogé les clients pour connaître leurs attentes. Restitués aux 72 salariés, les questionnaires nourrissent un plan d’action, décliné à l’encaissement et rayon par rayon.

Ne pas vendre une baguette mais demander au client s’il veut autre chose. Le saluer dès que l’encaissement précédent est fait, et non pas au premier article scanné. Prendre le temps du conseil, même lorsqu’on remplit les rayons. Dans l’attente des résultats, évalués par de nouveaux questionnaires et des visites de clients mystères, Lionel Cuffet voit déjà les bénéfices du DAC, qui sera généralisé en 2014 : « La démarche crée de la cohésion entre les équipes. Nous travaillons le savoir-vivre. »

Une bonne nouvelle, selon la CFDT, qui pointe la chasse aux temps morts, lancée en 2006 avec le projet Ariane. Depuis, l’emploi du temps des équipes est planifié quart d’heure par quart d’heure. Saisie des palettes, mise en rayon, ménage, réunion d’équipe… « La planification a intensifié le travail, même si elle est appliquée inégalement selon les magasins. Les salariés devront arbitrer entre leur planning et les clients », estime Patricia Virfolet, la déléguée syndicale centrale CFDT, qui souligne l’augmentation continue des tâches. Hier, pour améliorer le réassort automatique, les salariés en rayon ont été chargés de relever les non-ventes. Aujourd’hui, la centralisation dans les dépôts Monoprix de certains produits, les Bjorg par exemple, jusqu’alors mis en rayon par des marchandiseurs extérieurs, inquiète. « C’est cinq heures par semaine de mise en rayon à répartir sur l’équipe, à effectif constant ! » résume un réassortisseur du 15e arrondissement parisien.

Rien d’antinomique pour Cécile Cloarec, la nouvelle DRH groupe venue de Carrefour France : « Il y a autant d’organisations du travail que de Monoprix. Il a fallu apporter de la méthode. Mais démarche client et efficacité dans le travail ne sont pas incompatibles. C’est une attitude à travailler chez les collaborateurs et les managers, dont certains ont peut-être mis l’accent sur la productivité au détriment de la convivialité. Il faut trouver le bon équilibre. »

Voilà l’objectif du groupe, qui veut impulser un management participatif. Son atout : la refonte depuis 2009 de la formation de l’encadrement. À partir de l’évaluation de leurs pratiques par leurs équipes, les managers suivent deux formations sur mesure. En appui, pour inciter les salariés à s’exprimer, l’enseigne a lancé des blogs professionnels et un concours d’idées, récompensé. « Qu’est-ce que les équipes du siège et des entrepôts peuvent faire pour vous aider ? » : la dernière question a reçu 1 000 réponses en une semaine.

2-Bâtir une vraie GRH

Après avoir mené tambour battant la modernisation de sa marque, Monoprix s’attache à professionnaliser sa GRH. Soucieux de diminuer le turnover, de 24 % à moins de 20 %, le groupe lance une plate-forme de recrutement centralisée pour soulager les directeurs des 450 magasins chargés, chaque année, de réaliser 10 000 embauches. « Ils recrutent dans l’urgence, à partir des CV déposés en magasins. Nous voulons les aider », note la DRH Cécile Cloarec. Six professionnels se chargeront de « sourcer les candidats » ou de recueillir les demandes d’emploi. Objectif ? soumettre, à l’issue d’une présélection, au moins deux profils par poste vacant en six jours. Autre nouveauté : l’intégration des nouvelles recrues sera assurée par les 200 salariés formés aux transferts de compétences, depuis 2010, à l’académie Monoprix. Les nouveaux embauchés auront droit à une journée de présentation du groupe, au siège, à Clichy.

Un ingrédient de plus à verser à la stratégie de différenciation RH de Monoprix. Bien qu’épargné par les grèves de février 2008 qui ont secoué la distribution, le groupe s’est attaché à limiter les temps partiels subis. Depuis 2009, les salariés travaillant à temps plein sont passés de 61,7 % à 71,3 % des effectifs, par l’introduction de la polyvalence, qui reste, de l’avis des syndicats, très limitée. Pour la CFDT, ce n’est pas la multiplicité des tâches qui éteint les motivations : « Souvent, les salariés à temps partiel travaillent le matin ou l’après-midi. En passant à 35 heures, ils craignent les changements d’horaires tous les dix jours, en vertu du délai de prévenance. »

Monoprix souhaite également ramener la part de salariés travaillant six jours consécutifs (55 % des troupes en 2010) à moins de 50 % d’ici à 2014 ! « C’est déjà un objectif ambitieux », martèle Arnaud Delaporte, directeur des affaires sociales du groupe.

Création de « filières métiers », entretien annuel pour tous : depuis cinq ans, les premières pierres d’une GRH sont posées. « Reste à les articuler avec de véritables déroulements de carrière et des évolutions salariales », juge Jean-Luc Cirode, DSC FO. Les dernières négociations salariales ont déçu, avec une augmentation générale pour les employés inférieure à l’inflation. Comme chaque année, Monoprix a consacré une part importante de son enveloppe totale à revaloriser les minima pour les détacher du smic. Concernés ? La moitié des salariés.

3-Développer le professionnalisme

Là où le spécialiste des centres-villes se distingue, c’est dans la formation des troupes. En 2012, 46,4 % des salariés ont suivi une formation, contre… moins de 30 % quatre ans plus tôt. Priorité est donnée aux employés de plus de 45 ans ou à ceux n’ayant pas bénéficié de formation depuis trois ans. Une nécessité dans le groupe, qui compte un tiers de quinquas. « C’est une force considérable : ces salariés ont une parfaite connaissance de l’entreprise. Mais il faut les garder embarqués dans les projets d’entreprise. Dans chaque métier, le professionnalisme peut se développer », martèle la DRH groupe.

Symbole, Monoprix compte depuis trois ans une université interne, l’académie Monoprix, qui a développé une filière d’excellence pour les meilleurs professionnels des rayons dits « à services »: boucherie, boulangerie, poissonnerie. À l’issue d’une sélection, la centaine d’élus a droit à quatre périodes de formation, autant de « temps d’ouverture ». Leur parcours est balisé : rencontre avec les membres du comité exécutif, voyage à l’étranger dans d’autres enseignes, rencontres avec des pairs. Le message est clair : « Vous êtes des commerçants, pas des distributeurs. La noblesse du métier se travaille par la formation. »

Autre symbole, l’académie propose, depuis fin 2011, un accompagnement des salariés souhaitant valider leurs acquis. « Nous voulons leur montrer que ce qu’ils font au quotidien correspond bien à un diplôme », note Nicolas Fournier, responsable formation. Sur la première promotion de 36 salariés, les deux tiers ont décroché leur diplôme, du CAP au bac + 3.

4-Améliorer le dialogue social

Sur l’accord relatif aux mesures sociales 2013 comme sur l’accord salarial 2013, la CGT a apposé sa signature en ce début d’année. C’est un soulagement pour la direction de Monoprix, qui y lit une nouvelle attitude du syndicat majoritaire, avec 51,5 % des voix. Mais elle se garde de crier victoire tant les rapports ont été musclés. L’avenir de l’accord sur le travail de nuit, frappé d’opposition en 2009, se joue toujours devant les tribunaux. Même si la direction a maintenu, jusqu’à présent, les ouvertures jusqu’à 22 heures dans 100 magasins. Quant à l’accord d’intéressement 2013-2015, qui instaurait une prime trimestrielle de chiffre d’affaires, il a été frappé d’opposition en début d’année ! « C’est 700 euros perdus par salarié à temps plein », tempête une réassortisseuse. Mais Stéphane Maquaire, qualifié d’« homme de dialogue » par les trois autres syndicats (CFDT, FO et CFE-CGC), s’en tient aux deux derniers textes signés.

Depuis 2009, le contexte a bien changé, sous l’impulsion de Monoprix. À l’occasion des dernières élections, le groupe a dénoncé les dispositions avantageuses sur la représentation syndicale et les institutions représentatives du personnel, concédées en 1997 lors de la fusion Monoprix-Prisunic. Fini, les trois DSC autorisés par syndicat, le CCE de 70 membres, les 193 CE nés de la possibilité d’en constituer un à partir de 25 salariés. Retour au Code du travail, au grand dam des syndicats ! Exception notable : plusieurs magasins peuvent créer un CE dès que, ensemble, ils atteignent 50 équivalents temps plein. « En simplifiant la représentation des IRP, nous sommes revenus à une dynamique d’échanges, avec une nouvelle rapidité de décision », commente Arnaud Delaporte, le directeur des affaires sociales.

Il a porté un second coup de boutoir en multipliant les groupes de travail paritaires sur l’égalité professionnelle, les conditions de travail, l’évolution du travail en caisse et, avant l’été, sur la GPEC et la mobilité. Deux devraient déboucher sur des accords.

« Ils permettent de sortir des postures d’appareil et de libérer la parole », martèle le DRS, qui souhaite négocier en 2013 un nouvel accord sur le travail de nuit et un autre sur le dialogue social. Il n’est pas fermé à l’augmentation du nombre autorisé de DSC par syndicat et envisage même des moyens de valoriser l’activité syndicale par la VAE. Donnant-donnant ?

Repères

Avec 4,2 milliards de chiffre d’affaires en 2012, en hausse de 2,2 %, le groupe Monoprix a bien résisté à la crise. Il emploie 20 807 salariés – des CDI à 89 % – entre ses 465 magasins sous six enseignes (dont 49 Naturalia), sa centrale logistique Samada et son siège à Clichy-la-Garenne.

1932

Création à Rouen du premier Monoprix, « magasin populaire » offrant des produits de qualité à bas prix, à l’initiative du gendre du fondateur des Galeries Lafayette, Max Heilbronn.

1964

L’enseigne parie sur les « hypers de centre-ville », en rachetant les supermarchés Inno.

1986

Montée en gamme avec Monoprix Gourmet.

1997

Rachat des 132 magasins Prisunic à PPR.

2005

Lancement des enseignes de proximité (Monop’ et Beauty Monop’) puis Dailymonop’ (2007) et Monop’station (2011).

Des ouvertures continues depuis 2008 (nombre total de magasins, toutes enseignes confondues)
ENTRETIEN AVEC STÉPHANE MAQUAIRE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU GROUPE MONOPRIX
“Si le travail du dimanche nous est autorisé, nous pouvons créer demain 1 000 emplois”

Le rachat de Monoprix par Casino, en position dominante à Paris, est conditionné à des cessions de magasins. Concerneront-elles vos enseignes ?

L’Autorité de la concurrence ne s’est pas encore prononcée sur le rachat à 100 % de Monoprix par le Groupe Casino. Elle le fera au tournant de l’été, au terme d’un examen approfondi sur les possibles atteintes à la concurrence. Elle peut exiger de Casino des cessions de magasins – Casino ou Monoprix – dans la capitale, mais, si tel est le cas, je n’envisage pas que celles-ci soient très significatives. Nous attendons la décision avec sérénité.

Le comité central d’entreprise de Monoprix s’est prononcé, à l’unanimité, contre ce rachat…

Il est naturel qu’un changement d’actionnariat suscite de l’inquiétude. Mais nous ne découvrons pas un nouvel actionnaire. Casino détenait 50 % de Monoprix de longue date, et nous connaît depuis plus de quinze ans. Il n’y aura pas de réorganisation, lorsque le rachat sera finalisé à l’automne. Toutes les synergies de groupe envisageables ont déjà été réalisées.

Le fléchissement de la consommation affecte-t-il la croissance de Monoprix ?

Depuis la fin du premier trimestre 2012, la clientèle aisée a changé de comportement. Et, depuis la rentrée, on la sent un peu tétanisée. Elle attend les promotions ou le dernier moment pour faire les achats contraints, limite ses coups de cœur. Mais les enseignes bien positionnées comme les nôtres, avec un solide programme de promotions, s’en sortent. Notre collection habillement répond à la demande du moment, pour un coût restant modique. En 2012, nos ventes ont progressé de 2 points alors que le marché a baissé d’autant. Cela valide notre stratégie de différenciation. Elle nous a permis de créer plus de 1 000 emplois depuis le début de la crise en 2008. Nous ouvrirons par ailleurs plus de 40 magasins en 2013.

Serez-vous concerné par la loi de sécurisation de l’emploi qui impose un seuil minimal de 24 heures aux contrats à temps partiel ?

Cette volonté de limiter le temps partiel subi ne nous pose aucun souci. Nous l’avons anticipée. Depuis 2009, la part des heures travaillées à temps complet a progressé de 10 points, de 61,7 % à 71,3 %. Et la loi devrait laisser de la souplesse : des dérogations au seuil de 24 heures sont possibles pour les salariés motivant leur demande ou les étudiants. Cette loi, issue d’un accord interprofessionnel, illustre l’importance d’un dialogue social constructif, pour apporter plus de sécurité aux salariés et de flexibilité aux entreprises. Il faut s’en féliciter.

La justice a confirmé l’invalidité de votre accord sur le travail de nuit auquel s’était opposée la CGT en 2009. Qu’allez-vous faire ?

Nous nous sommes pourvus en cassation. Mais je crois à la possibilité de renégocier, cette année, un accord sur le travail de nuit qui réponde, à la fois, au souhait des syndicats et à celui de travailler en soirée de nos salariés. Ils sont tous volontaires et ce sont en majorité des étudiants qui financent ainsi leurs études ; 1 500 emplois sont en jeu. L’ouverture de certains Monoprix jusqu’à 22 heures et des Monop’ jusqu’à minuit répond aux attentes d’une clientèle citadine. Les modes de vie évoluent. À ce titre, la réglementation sur le travail dominical crée également des situations ubuesques distordant la concurrence, pénalisantes pour le commerce et l’emploi. Selon la localisation, le type de magasin, on peut ou pas ouvrir le dimanche. Il est grand temps de loger tout le monde à la même enseigne. Si le travail du dimanche nous est autorisé, nous pouvons créer demain 1 000 emplois !

Qu’attendez-vous du projet « démarche client »?

Nous voulons renforcer notre rôle de commerçant de proximité. Nous avons beaucoup professionnalisé l’organisation et la mise en rayon ces dernières années, peut-être au détriment de l’attention portée à la clientèle. Pour changer d’état d’esprit, nous avons lancé une démarche participative qui remet nos collaborateurs au contact du client. Les premiers retours sont très positifs. Certains clients pensent qu’il y a plus de salariés dans nos magasins, bien que les effectifs n’aient pas évolué.

Propos recueillis par Anne Fairise et Sandrine Foulon

STÉPHANE MAQUAIRE

37 ans.

1997

Auditeur chez Arthur Andersen.

2004

DAF d’Exposium.

2007-2008

Directeur du pôle centres commerciaux France chez Unibail-Rodamco.

2008

Directeur financier, membre du comex du groupe Monoprix.

2010-2012

DG délégué de Monoprix, membre du comex des Galeries Lafayette.

Depuis 2013

DG de Monoprix.

Auteur

  • Anne Fairise