L’accord sur la réforme du marché du travail signé au début de l’année constitue une date importante pour le syndicalisme français. Les optimistes y ont vu qu’il existait encore une marge pour faire évoluer notre système social par la négociation. Les autres auront mis l’accent sur la résurgence des divisions syndicales apparues notamment lors de la réforme Fillon des retraites en 2003. Pour remettre en perspective ce moment sans doute clé de la vie sociale de la France, deux livres viennent de bénéficier d’opportunes rééditions. Il s’agit des études réalisées sur « les syndicats en France » pour La Documentation française par plusieurs spécialistes regroupés sous la houlette de Dominique Andolfatto, et du « Mouriaux », qui suit l’évolution du syndicalisme français depuis 1945. Pour Andolfatto, connu pour ses thèses sévères, ce ne sont ni la crise, ni le chômage, ni la répression patronale qui expliquent l’affaiblissement syndical en France. Plutôt que des explications exogènes, le chercheur préfère privilégier des raisons endogènes : « Le déclin, et parfois l’“extinction” de bien des équipes de base du syndicalisme, l’évolution vers l’institutionnalisation, la prévalence du modèle du “syndicalisme général d’industrie” qui oppose la constitution de vastes solidarités – ne correspondant guère aux réalités du travail telles qu’elles sont vécues par les salariés – à toute différenciation des intérêts professionnels, pourtant au fondement de l’action syndicale. » Avec René Mouriaux, le regard est tout autre, ce vétéran de l’observation de la vie syndicale ne faisant pas mystère de son peu d’enthousiasme pour le « syndicalisme d’accompagnement » et de sa sympathie pour les positions plus offensives qu’il apprécie particulièrement à la CGT.

Selon lui, les nouvelles règles de représentativité décidées en 2008 vont contribuer à fissurer un peu plus le « club des cinq » confédérations historiques, les unes misant sur la signature d’accords, les autres sur des « conquêtes plus ambitieuses ». À ses yeux, la seule force qui peut faire « bouger les lignes » est plus que jamais la CGT de Thierry Lepaon.

Les Syndicats en France, sous la direction de Dominique Andolfatto. Éditions La Documentation française. 236 pages, 19,50 euros.

Le Syndicalisme en France depuis 1945, René Mouriaux. Éditions La Découverte, collection « Repères ». 124 pages, 10 euros.