DRH et européens, ils ont voulu apporter une contribution collective à la préservation d’un modèle social critiqué et de plus en plus menacé. Pour commencer, ils en rappellent les principaux ingrédients : pacte pour l’emploi, distribution des rémunérations plus serrée qu’ailleurs, durée du travail contenue, importance du rôle du syndicalisme et de la négociation collective. Le problème, c’est de défendre ces traits distinctifs dans un contexte de crise. Philippe Vivien propose de revitaliser ce modèle en l’alliant avec la thématique de la responsabilité sociale d’entreprise. Bart Samyn montre que les négociations transnationales ont bien plus de substance qu’on ne le soupçonne. Yves Barou, devenu, depuis, président de l’Afpa, insiste sur la responsabilité que doivent assumer les multinationales dans le développement du dialogue social à l’échelon européen. « Nous ne sortirons pas de la crise qui s’est installée petit à petit dans nos sociétés développées par une simple adaptation de nos modèles », avertit toutefois un syndicaliste, Marcel Grignard, l’ex-numéro deux de la CFDT. D’autres auteurs témoignent du drame de l’Espagne, frappée par un chômage sans équivalent, de l’impuissance de l’Italie à assurer l’employabilité de sa jeunesse, du rôle crucial joué par l’apprentissage dans le succès du modèle allemand ou des nouvelles méthodes de recrutement expérimentées au Royaume-Uni. La dernière partie met en avant deux concepts pour solidifier le modèle européen : ceux de responsabilité sociale et de capital humain. Sur le premier, Jérôme Nanty et Yves Barou prônent l’émergence de normes européennes, que pourrait accélérer une notation sociale plus systématiquement complémentaire de la notation financière. À propos du second, Alain Oumeddour y voit la seule chance pour l’Europe de garder son avantage compétitif, si elle sait préserver le haut niveau de compétence collective de ses salariés. « Il reste à inventer un programme Erasmus pour les entreprises », propose le président de Thales Université. En conclusion, les auteurs soulèvent la question centrale de l’Europe actuelle : comment continuer à faire converger le social dans l’Union alors que les économies nationales divergent profondément ? Ils n’ont pas de réponse, sinon que ce n’est sûrement pas en mettant à bas le modèle social européen que l’on renversera cette dangereuse évolution.
Le Modèle social européen, Yves Barou et le Cercle des DRH européens. Éd. des Ilots de résistance. 344 pages, 24 euros.
