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Enquête

Enquête | publié le : 04.05.2013 |

Des décisions fortes et des demi-mesures

Il avait fait de la justice sociale un axe fort de sa campagne. Aujourd’hui, le bilan d’étape a de quoi lui donner des sueurs froides. En un an, tous les indicateurs ont plongé. François Hollande ne ménage pourtant pas sa peine. Mine de rien, ce social-démocrate bouleverse le catéchisme socialiste en s’attaquant au coût du travail et à la compétitivité. Des mots tabous pour l’aile gauche du parti et qui perturbent ses sympathisants. Comment justifier la flexibilisation du marché du travail quand naguère on la contestait Comment parler d’allongement de la durée de cotisation quand hier on récusait le recul de l’âge de la retraite ? « On paie le fait de ne pas avoir dit la vérité quand on était dans l’opposition, juge un proche du président. Son manque de clarté reflète l’indécision chronique du PS. » Cinq thèmes phares de la campagne passés au banc d’essai. E. S.

Restructurations : limiter la casse

L’État ne laissera pas faire, le plan doit être renégocié. » Confronté à l’annonce de 8 000 suppressions de postes chez PSA le 12 juillet, deux jours avant sa première intervention publique depuis son accession à l’Élysée, François Hollande n’a eu d’autre choix, politique, que de sortir les griffes. Pas question de rééditer l’aveu de Lionel Jospin – « L’État ne peut pas tout » – après les licenciements chez Michelin. Difficile, si peu de temps après la victoire, de doucher l’espoir soulevé à gauche par sa promesse de campagne de « renchérir le coût des licenciements collectifs » pour « dissuader les licenciements boursiers ». Mais, depuis qu’il est monté « en première ligne » de la « bataille de l’emploi », au sortir d’un été où le seuil des 3 millions de chômeurs a été atteint, le chef de l’État s’est attaché à prévenir les plans sociaux et à anticiper les restructurations plutôt qu’à les combattre. Son principal levier ? La réforme du marché du travail, issue de l’accord signé le 11 janvier entre le patronat et la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC, retranscrite en une loi de sécurisation de l’emploi, que son gouvernement a fait adopter au pas de charge en avril. Malgré les contestations d’une partie de la gauche et de FO et de la CGT. L’objectif ? Que les accords de maintien dans l’emploi, qui permettront aux entreprises en difficulté, après négociation et pour une durée limitée, de diminuer salaires et temps de travail contre l’engagement de ne pas licencier, modèrent la casse sociale. Comme les dispositions sur la mobilité interne, censées favoriser les restructurations sans plan social.

Reste à dire clairement aux Français en situation difficile que les fermetures d’usines ne sont pas un drame s’il y a des créations d’emplois ailleurs. Et à clarifier une communication trop floue. En décembre, le locataire de l’Élysée a mis beaucoup de temps avant de fermer la porte, par la voix de son Premier ministre, à l’hypothèse de nationalisation partielle ou temporaire du site ArcelorMittal de Florange, portée par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. Quant à sa promesse de campagne d’encadrement des « licenciements boursiers », elle est renvoyée… à une décision de l’administration qui, dans le cadre de l’homologation des PSE, pourra choisir de renchérir le coût des licenciements si elle juge l’entreprise « très profitable ». Elle se résumera aussi à une loi sur la reprise de « sites rentables ». Annoncée à maintes reprises, elle sera présentée au Parlement avant l’été. François Hollande l’a confirmé, le 11 février, à la veille d’un comité d’entreprise de Good year qui veut fermer son usine d’Amiens. Pour rester, aussi, en « première ligne » sur le front des plans sociaux. A. F.

Retraites : de nouveaux efforts

Attention, dossier brûlant. Vent debout, il y a deux ans, contre la suppression de la retraite à 60 ans, les socialistes se retrouvent désormais au pied du mur. Tout juste élu, François Hollande a, certes, enfoncé un coin dans la réforme de 2010 en rétablissant le droit au départ dès 60 ans pour les salariés ayant commencé à travailler tôt. Mais de rabais sement de l’âge légal, désormais fixé à 62 ans, il n’est pas question : les caisses, vides, appellent au contraire de nouveaux efforts, comme l’a démontré le Conseil d’orientation des retraites dans son récent rapport. Annoncée lors du sommet social de juillet dernier « à partir du printemps 2013 », la grande concertation avec les partenaires sociaux attendra probablement l’automne. Le temps que la commission présidée par Yannick Moreau, qui a lancé ses travaux en avril, rende ses conclusions.

Les syndicats pèseront-ils davantage dans cette nouvelle réforme que dans les précédentes ? Pas sûr. Fin mars sur France 2, François Hollande a douché les derniers espoirs, à gauche, en préparant les esprits à un nouvel allongement de la durée de cotisation et à une désindexation partielle des pensions sur les prix. « Avec de telles annonces, on voit bien que la commission Moreau n’a pas vocation à éclairer le jeu, mais à permettre à Matignon et l’Élysée de s’abriter derrière », dénonce Philippe Pihet, le Monsieur Retraites de FO. « Le gouvernement reprend les arguments de la droite sur la compétitivité et le coût du travail et propose de jouer sur les mêmes paramètres. On avait pourtant cru comprendre, lors de la conférence sociale, que la question des financements serait posée », abonde Éric Aubin, son homologue à Montreuil. Au cabinet de Marisol Touraine, on croise les doigts pour que l’exécutif n’essuie pas, en fin d’année, une grande mobilisation syndicale unitaire. Avec, en signe d’espoir, la conclusion en mars de l’accord Agirc-Arrco qui acte une baisse du pouvoir d’achat des retraités. S. B.

Chômage : des moyens mais pas d’emplois

En matière de chômage, le bilan de François Hollande est pour l’instant désastreux. Au cours de sa première année d’exercice, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A – ceux sans la moindre activité – a augmenté de plus de 300 000 ! Une tendance que la montée en puissance des emplois aidés ne pourra inverser en l’absence de reprise économique. Démuni face aux destructions d’emplois, le gouvernement tente, tout au moins, d’améliorer l’accompagnement des chômeurs. Mi-mars, Jean-Marc Ayrault a ainsi autorisé Pôle emploi à recruter 2 000 conseillers supplémentaires, qui s’ajoutent aux 2 000 CDI déjà octroyés par Michel Sapin en juillet dernier.

Un effort notable à l’heure des restrictions budgétaires, symbolique de la volonté gouvernementale de faire de l’emploi la priorité. « Ces moyens supplémentaires sont aussi un affichage clair de la crédibilité et de la confiance accordées aux équipes », explique-t-on à la direction de l’opérateur. Un vrai changement avec l’ère Sarkozy, lorsque le secrétaire d’État à l’Emploi Laurent Wauquiez se comportait en DG bis de la maison. Du côté des partenaires sociaux, on se félicite de la bonne gouvernance retrouvée de l’établissement. « Le conseil d’administration s’est repositionné comme l’instance de mise en œuvre du plan stratégique. Mais l’établis sement n’est pas à l’abri d’un retour du politique si le chômage ne baisse pas », explique un administrateur syndical. La Rue de Grenelle veille d’ailleurs au grain, en organisant des réunions hebdomadaires avec Jean Bassères et ses équipes, priés de jouer un rôle actif dans la mise en place des contrats de génération. Autre grand test de la méthode Hollande, la renégociation ô combien épineuse de la convention d’assurance chômage. Jusqu’à maintenant, l’Élysée et Matignon se sont bien gardés de détailler les recettes à appliquer pour réduire la dette de l’Unedic, qui pourrait atteindre 18,6 milliards d’euros fin 2013.

Mais le premier président de la Cour des comptes, le socialiste Didier Migaud, ne s’est pas privé, lui, de donner ses conseils en début d’année en préconisant notamment de rétablir la dégressivité des allocations. Un levier que Patrick Bernasconi, le négociateur patronal des deux dernières conventions, a d’ailleurs inscrit dans son programme de campagne pour la présidence du Medef… Du côté des syndicats, on s’attend donc à des discussions très serrées. « Le sujet in téresse Bercy, qui veut contenir les déficits publics, mais aussi Grenelle, qui veut maintenir une forme de cohésion sociale », analyse-t-on à la CFDT. Sans parler du ministère de la Culture, qui s’inquiète du sort des intermittents… S. B.

Mi-mars, Pôle emploi a été autorisé à recruter 2 000 conseillers de plus. Un effort notable
Fonction publique : encore l’austérité

Ils espéraient que François Hollande allait mettre fin au régime sec dans la fonction publique. Ceux qui ont largement contribué à l’élire n’ont pas attendu la fin de la première année du gouvernement Ayrault pour perdre leurs illusions. Fin janvier, trois syndicats (CGT, FSU et Solidaires) lançaient un appel à la grève dans les trois fonctions publiques (État, territoriale et hospitalière). Début avril, c’était au tour de FO d’inviter les agents de la territoriale et de l’hospitalière à cesser le travail. Entre-temps, les enseignants avaient pris prétexte de la réforme sur les rythmes scolaires pour manifester leur mécontentement à la mi-février. Les fonctionnaires ont du mal à admettre que François Hollande reprenne les objectifs d’économies à réaliser de son prédécesseur. Certes, le président de la République a tenu sa promesse de campagne de tourner le dos à la révision générale des politiques publiques (RGPP) et au non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Mais les efforts de recrutement pour l’enseignement, la sécurité et la justice sont compensés par des suppressions de postes ailleurs.

La modernisation de l’action publique (MAP), qui remplace la RGPP, vise elle aussi à sabrer dans les dépenses. FO dénonce les réformes structurelles et les regroupements de services qui « entraînent des non-remplacements de personnels et une dégradation des conditions de travail ». De son côté, Jean-Marc Canon (CGT) estimait fin janvier que « les mesures prises par la droite ne sont pas remises en cause […]. La réflexion devrait porter sur les mesures à prendre pour rendre le service public plus efficace ». Autre sujet de mécontentement, le gel du point d’indice, qui sert de référence pour calculer les traitements des fonctionnaires. « Les années précédant ce gel, les revalorisations ont été très limitées, les fonctionnaires ont perdu du pouvoir d’achat », souligne Brigitte Jumelle (CFDT).

Pour autant, le gouvernement a essayé de donner des gages de bonne volonté. L’abrogation du jour de carence sur les arrêts maladie à partir de l’automne prochain et la revalorisation de la place du dialogue social ont été appréciées par les syndicats. Cela ne suffit pourtant pas. Les appels à la grève ne rassemblent encore qu’une minorité de fonctionnaires. Mais le manque de marge de manœuvre budgétaire de Marylise Lebranchu, la ministre de la Réforme de l’État et de la Décentralisation – qui a essuyé un gros revers avec son projet de loi sur la réforme des collectivités –, pourrait contribuer à faire grossir les rangs des grévistes. E. B.

Emplois d’avenir, contrats de génération, apprentissage… Pas sûr que ces mesures soient à la hauteur de l’enjeu
Jeunes : enjeu prioritaire

Grand thème de campagne du candidat Hollande, l’emploi des jeunes a rapidement fait l’objet de textes législatifs. Les « emplois d’avenir » ont été votés en octobre 2012. La formule s’inspire des « emplois jeunes » créés en 1997. Mais ces CDD ou CDI d’un à trois ans rémunérés au smic ciblent les jeunes peu ou pas diplômés et sont d’abord destinés au secteur public. Et l’objectif de 150 000 créations d’ici à fin 2014 reste assez éloigné des quelque 470 000 embauches réalisées par le gouvernement Jospin. Seul point commun, le démarrage du dispositif est poussif. Début avril, seuls 15 000 emplois d’avenir avaient été signés.

Autre grande promesse de campagne, les « contrats de génération » votés en janvier doivent inciter à l’embauche d’un jeune en CDI tout en maintenant un salarié de plus de 57 ans en activité. Le tout grâce à une baisse de cotisations sociales pour les entreprises de moins de 300 salariés et à une obligation légale pour les autres. Le candidat prévoyait 500 000 contrats signés sur cinq ans, mais les DRH ne se montrent guère intéressés pour le moment et il n’est pas dit que les petites entreprises se précipitent.

Début mars, François Hollande a annoncé 12 000 nouvelles places et 4 000 héber gements dans les centres de formation et d’apprentissage. Il reprend le discours de son prédécesseur sur le thème de l’alternance, solution au chômage des jeunes, en introduisant l’idée que la taxe d’apprentissage « doit être entièrement consacrée à l’apprentissage ». Au lieu de financer nombre d’établissements d’enseignement professionnel. Reste à la loi, promise pour fin 2013, à concrétiser cette idée.

Enfin, une cinquantaine de mesures a été dévoilée à l’issue du comité interministériel de la jeunesse, le 21 février. Objectif, « faire en sorte que les jeunes vivent mieux à la fin du quinquennat qu’au début », en matière de santé, de logement ou encore d’emploi. Mais pas sûr que ces décisions soient à la hauteur de l’enjeu. Au dernier trimestre 2012, le taux de chômage des 15-24 ans atteignait les 25,7 %. E. B.

Pauvreté : pas de choc de solidarité

François Hollande n’aura mis que huit mois pour marquer de son empreinte la lutte contre la pauvreté. Fini, les envolées stigmatisantes sur l’assistanat de l’ère Sarkozy : le locataire de l’Élysée a parlé d’emblée de responsabilité partagée, et affiché sa volonté que « les plus démunis deviennent coresponsables de notre politique ». Le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, présenté le 21 janvier lors d’un comité interministériel, a été précédé d’une conférence nationale, préparée pendant trois mois avec tous les acteurs concernés. Quatre jours après, le président de la République clôturait le congrès de l’Uniopss, l’organisation la plus importante du champ médico-social… qui porte aussi la voix du collectif Alerte. Celui-là même qui a arraché la promesse d’un plan antipauvreté, absent des 60 mesures du candidat PS. « Le changement est indéniable dans les discours, la méthode concertée et les intentions, avec une prise en compte globale des problématiques de la pauvreté se traduisant par une réponse en interministériel. Mais les actes doivent suivre », résume Dominique Balmary, président de l’Uniopss.

Car le plan a déçu les associations, qui appelaient à un « choc de solidarité » pour les 14,1 % de Français (chiffres 2010) vivant dans la pauvreté monétaire avec moins de 964 euros par mois. Certes, les mesures d’urgence ont été appréciées, telle la revalorisation du RSA socle (2 % en septembre et 10 % en cinq ans, hors inflation) ou du plafond de ressources permettant de bénéficier de la complémentaire santé universelle. Mais l’ensemble est jugé sans ambition, réduit à un renforcement de dispositifs existants. « Le gouvernement a su amadouer le secteur associatif. Mais son plan n’a ni contenu ni originalité, hormis la refon dation du travail social en 2014 », tranche Julien Damon, spécialiste des politiques de lutte contre les exclusions.

Plusieurs chantiers ont été renvoyés à des groupes de travail devant se prononcer, avant l’été, sur la réforme du RSA activité en articulation avec la prime pour l’emploi ou, à la rentrée, sur la mise en place d’un contrat d’insertion, avec allocation, pour les 18-25 ans. Reste que la plus grande déception concerne le financement des mesures (2,5 milliards par an), par « redéploiement de moyens ». De la haute voltige en temps de disette budgétaire. A. F.

– 3 %

de licenciés économiques parmi les chômeurs (en fév. 2013 par rapport à mai 2012).

22 milliards d’euros

C’est le besoin de financement du système de retraite en 2020 selon le COR.

10,6 %

C’est la hausse du nombre de chômeurs de catégorie A en 12 mois (chiffres février 2013).

3 ans

Le point d’indice, base de calcul des salaires des fonctionnaires, est gelé depuis 2010.

25,7 %

C’est le taux de chômage des 15-24 ans en France au dernier trimestre 2012.

10 %

C’est la revalorisation du RSA socle d’ici à 2017.