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La cartographie des risques s’ouvre au social

Dossier | publié le : 04.05.2013 | R.L.S.

Depuis quelques années, les risk managers des grandes entreprises intègrent le risque RH dans leur cartographie. Quelques grandes collectivités locales s’y mettent aussi. Illustrations avec Europcar et la mairie de Paris.

Pour un loueur de voitures, les notions de risques et d’assurances sont inhérentes au métier. Aussi, depuis vingt ans, Europcar s’est doté d’un risk manager, véritable catalyseur de toutes sortes d’aléas qui touchent l’entreprise : accidents des passagers, risques juridiques liés aux achats et aux vols de véhicules, assurance des voitures, sécurité dans certains pays… Sans oublier les risques liés au personnel. En 2010, le régime de prévoyance santé des salariés méritait d’être dépoussiéré. La tâche a été confiée au risk manager, expert en courtage. « Avec la crise, nous avons peu de marges financières, l’aspect opérationnel était très important », explique Christophe Le Bars, DRH d’Europcar. Le risk manager de l’enseigne, David Vigier, ne s’est pas arrêté là. « Pour une entreprise de services comme la nôtre, il était fondamental d’inclure les risques liés aux ressources humaines dans la cartographie », indique-t-il. « L’objectif était de prioriser quelques risques, en fonction de la criticité, de l’occurrence et de l’impact financier, surtout, affirme Christophe Le Bars. La cartographie n’est pas une fin en soi mais un outil prospectif qui donne lieu à des plans d’action. »

De ce travail en binôme est née une première cartographie propre aux ressources humaines, il y a deux ans. Difficile de les connaître en intégralité, car révéler ces risques revient à dévoiler ses faiblesses aux concurrents. Néanmoins, Christophe Le Bars a accepté d’en énumérer quelques-uns. D’abord, la cartographie RH a permis d’identifier un pic de besoin de salariés entre Pâques et septembre. La question s’est posée des possibilités de conserver le même personnel saisonnier, année après année, dans un souci de gain de temps en formation, notamment. « Nous nous sommes aperçus que nous devions fidéliser davantage le personnel permanent, mais surtout saisonnier, explique le DRH du loueur de voitures. Alors, depuis deux ans, nous avons accentué notre effort en mettant en place des plans de succession et de développement. » À présent, un salarié saisonnier sur cinq revient l’année suivante. Selon les pays, le turnover en 2011 pour l’ensemble du groupe varie entre 4 et 15 %.

Prévention et aide à la décision. Autre lacune identifiée dans la cartographie RH qu’Europcar s’évertue de corriger : l’attractivité relative de la marque employeur, mesurée via des questionnaires. Un plan d’action a été déployé pour y pallier. « Nous sommes toujours pourvoyeurs d’emplois, même saisonniers. Notre attractivité est essentielle, affirme Christophe Le Bars. Nous avons travaillé la nouvelle image de l’entreprise, Moving Your Way, et nous l’avons déclinée au niveau de notre marque employeur, en partenariat avec LinkedIn depuis janvier 2013, afin d’investir le monde du digital. » Par ailleurs, le transport de voitures par les salariés fait partie des risques potentiels sur lesquels travailler, notamment via des cours d’écoconduite en France ou la mise en place d’une norme santé et sécurité (ISO OHSAS 18001) en Italie et au Royaume-Uni.

L’accent a également été mis sur la maîtrise par tous de Greenway, le logiciel de réservation du numéro un en Europe de la location de véhicules. « Notre système de réservation est au cœur de notre activité. Quand les salariés partent en mobilité géographique, nous veillons à ce que le transfert de connaissances ait lieu », indique Christophe Le Bars. Europcar est présent dans 140 pays, mais, dans la plupart, les filiales sont franchisées. L’entreprise française gère en direct les agences de neuf pays situés en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande, un territoire frappé par un séisme en 2011. « Nos agences ont été touchées par le tremblement de terre. Immédiatement, nous nous sommes interrogés sur la sécurité du personnel là-bas, puis sur la continuité de l’activité et du service client », relate le DRH. Ce qui fait aussi partie du risk management en matière RH. « La cartographie des risques nous apporte des données chiffrées qui montrent l’efficacité de notre politique en matière de prévention des risques, comme le fait qu’il n’y ait pas eu d’accident du travail majeur en 2011 », se félicite Christophe Le Bars, qui transmet son expérience aux étudiants du master RH de Paris-Dauphine dans le cadre du séminaire « ressources humaines et risk management », lancé en 2012.

Olivier Martel, lui, est le risk manager de la mairie de Paris. Il a lancé ses équipes dans la réalisation d’une cartographie en 2009. Chaque direction, dont celle des ressources humaines, est amenée à hiérarchiser les risques propres à son domaine : les plus importants ont été répertoriés dans la cartographie globale de la mairie. Parmi les 16 risques transversaux considérés comme majeurs, trois concernent les ressources humaines : le conflit social, l’absentéisme et la santé au travail (accidents du travail, maladies professionnelles, agressions des agents). « Ce n’est pas parce que l’on fait du risk management que les problèmes disparaissent, mais le fait de cartographier les risques et de mettre en place des plans d’action permet de les diminuer, remarque Olivier Martel. Il est difficile de quantifier simplement les apports positifs du risk management et donc de le “vendre”… Si le secteur privé y a aussi recours, c’est que cela est rentable et apporte une plus-value à l’action de l’administration. »

Une concertation apaisée. Même s’il est difficile d’extraire les facteurs extérieurs de l’impact de l’amélioration du dialogue social sur la diminution des conflits, comme les réformes mises en place par le gouvernement, la baisse du nombre de jours de grève est avérée. En 2010 (année de la réforme des retraites, certes), 43 000 journées de grève répondant à un mot d’ordre national ont été enregistrées, contre 10 000 deux ans plus tard. Quoi qu’il en soit, « l’année 2012 a été peu marquée par des conflits alors que des dossiers qui génèrent généralement des grèves ont été traités, telle la négociation des promotions. Nous l’avons conduite en étant davantage transparents, de façon à se prémunir contre des conflits », assure Jean-Baptiste Larible, chargé de mission auprès du DRH de la mairie. Celle-ci s’est davantage engagée dans la concertation en structurant l’agenda social. « Pour éviter l’embrasement, nous consultons les organisations syndicales en amont de chaque projet, puis au sein d’un comité de suivi pour les tenir informées des évolutions en cours », indique Jean-Baptiste Larible. Par ailleurs, des projets de communication interne (sensibilisation à la veille sociale, kit managérial sur le droit syndical, loi de rénovation du dialogue social) ainsi que des travaux visant à l’établissement d’un baromètre social et d’une veille ont été conduits.

L’absentéisme, deuxième risque RH majeur, n’a pas augmenté en 2011. Pour la première fois en cinq ans, son taux a stagné à 11 %. Un plan de communication sur les conséquences de l’absentéisme a notamment été mis en place pour le prévenir. Enfin, depuis l’intégration du risque lié à la santé au travail dans la cartographie globale, celui-ci a diminué. En 2010, la mairie a enregistré une baisse de 7 % des accidents du travail par rapport à l’année précédente et, en 2011, de 10 %. Le taux de gravité a aussi diminué. Les accidents de trajet sont en chute, les maladies liées aux troubles musculo-squelettiques également. Pour atteindre ce résultat, les documents uniques sur les risques liés à la santé au travail ont été renouvelés, l’accent a été mis sur les services les plus sensibles, comme celui des espaces verts, et un accord-cadre sur la santé et la sécurité au travail a été signé le 2 février 2012. L’élaboration de la cartographie a également fait émerger le risque d’addiction, notamment à l’alcool. Un plan d’action a été mis en place, avec l’appui de psychologues. À l’agenda 2013, trois priorités : la maîtrise du risque chimique, l’élaboration d’une ligne directrice sur les risques psychosociaux et la mise en route d’un comité de suivi spécifique sur les troubles musculo-squelettiques. Mais en plus de ces risques majeurs, le service des ressources humaines a élaboré des cartographies complémentaires, comme celle concernant les possibilités d’invalidation des concours administratifs… En raison de précédents, notamment au ministère de l’Éducation nationale, la mairie de Paris s’est saisie du dossier. Pendant six mois, les services de ressources humaines ont planché sur la cartographie propre aux concours : elle comporte les risques de fuite des sujets, de rupture de l’anonymat, de perte des copies, d’erreur de saisie des notes, d’accident pendant l’examen… L’an dernier, un plan d’action comportant 12 fiches a été établi pour tenter d’endiguer l’aléa. « Nous n’attendons pas que les risques deviennent majeurs pour nous en saisir, affirme Jean-Baptiste Larible. Anticiper fait partie de la responsabilité sociale de l’employeur. »

Auteur

  • R.L.S.