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“Le manager devra avoir une plus grande liberté d’organisation”

Actu | Entretien | publié le : 04.05.2013 | Éric Béal

Pour ces deux consultants, les nouvelles technologies de l’information exercent une profonde influence sur les façons de travailler et de manager.

Comment les technologies numériques transforment-elles les entreprises ?

S. E. Autrefois, le responsable hiérarchique était seul détenteur de l’information et ce privilège lui permettait d’asseoir son autorité. Aujourd’hui, n’importe quel salarié équipé d’un accès à Internet dans son entreprise peut trouver des réponses à des problèmes techniques, juridiques et même organisationnels. Cela bouscule les rapports hiérarchiques et engendre des mutations relationnelles plus ou moins rapides selon les entreprises. La collaboration devient prépondérante et il sera bientôt plus important de savoir trouver une information que de la posséder préalablement.

O. C. Bien entendu, le numérique ne transforme pas seul l’entreprise. Mais c’est un outil multiplicateur d’une série de modifications sociologiques très structurantes comme le rapport au travail, à la famille ou au politique. Les réseaux sociaux concurrencent d’abord l’entreprise comme lieu de socialisation. Il n’est plus nécessaire de fréquenter la cafétéria pour cultiver des connivences, soigner une proximité professionnelle, coopérer à un projet commun ou participer à des luttes collectives.

Quels sont les nouveaux modèles d’entreprise qui vont apparaître ?

O. C. Diverses formes organisationnelles cohabitent depuis longtemps : grandes entreprises, sous-traitants, consultants indépendants, etc. Jusqu’à présent, elles sont reliées par des logiques business dans lesquelles les relations s’inscrivent dans un rapport de force au détriment des plus petits. Demain, les grandes entreprises pourraient jouer un rôle plus fédérateur en soutenant directement ou indirectement des petites structures ayant un potentiel d’innovation et de créativité. C’est le système « solaire » dans lequel les rapports seront moins conformes à la loi du plus fort et plus proches d’une coopération intelligente et solidaire entre les gros et les petits. D’autres entreprises pourront impulser des projets de création en dehors de leurs murs. C’est le système de l’« excubateur » qui s’apparente un peu à la notion d’« intrapreneur » développée par Schneider Electric. Mais ces évolutions ne transformeront pas nécessairement l’organisation de l’entreprise.

S. E. À l’inverse, l’apparition de petites structures coopérant entre elles sans que l’une prenne la tête de l’ensemble devrait conduire à des innovations organisationnelles. À l’image de l’open source qui a permis le développement du système d’exploitation gratuit Linux. Ce modèle devrait conduire à des innovations organisationnelles. Enfin, il y a le modèle du « réseau social », où l’entreprise confie une partie de la valeur qu’elle crée à des individus situés à l’extérieur de son périmètre, réunis sur une plate-forme plus ou moins spécialisée.

Les entreprises ont-elles quelque chose à craindre de l’apparition de ces nouvelles formes d’organisation ?

S. E. Si l’entreprise veut garder ses meilleurs éléments, elle aura intérêt à devenir un lieu de ressources en permettant à des travailleurs aux statuts différents (salariés, autoentrepreneurs, consultants indépendants, etc.) de fréquenter ses locaux et d’utiliser ses matériels.

O. C. On peut même imaginer qu’elle les autorise à solliciter ses juristes ou ses comptables à des fins personnelles. D’autant plus que ses salariés peuvent également avoir adopté un statut d’auto entrepreneur sur une activité annexe.

Comment voyez-vous évoluer le management et les relations hiérarchiques dans un tel contexte ?

S. E. Les managers de proximité d’aujourd’hui vont évoluer vers une fonction de régulateur, de médiateur et d’organisateur attaché à un projet. Ils devront se départir de l’autorité basée sur le statut.

O. C. Le fonctionnement en mode projet actuel est un signe avant-coureur. Mais le manager devra bénéficier d’une plus grande liberté d’organisation, allant jusqu’à pouvoir négocier un accord social sur le temps de travail pour son département, par exemple. Aujourd’hui, il prend sur lui d’autoriser un horaire décalé ou une organisation particulière. Sans s’en vanter auprès de la direction.

Quel sera l’impact sur la fonction RH ?

S. E. Elle devra accentuer sa présence sur le terrain pour permettre une gestion plus souple et fluide du personnel.

O. C. Dans cette logique, on lui demandera plutôt de négocier des accords-cadres avec les partenaires sociaux permettant aux managers d’établir une organisation particulière sur leur périmètre. La logique descendante et prescriptive des accords de branche et d’entreprise devra être simplifiée.

SANDRA ENLART

Directrice générale d’Entreprise et Personnel et cofondatrice du laboratoire DSides.

OLIVIER CHARBONNIER

Directeur général du cabinet Interface et cofondateur du laboratoire DSides.

Ils ont publié À quoi ressemblera le travail demain ? Technologies numériques, nouvelles organisations et relations au travail (Dunod, 2013) et Faut-il encore apprendre ? (Dunod, 2010).

Auteur

  • Éric Béal