Bien choisir où réaliser ses investissements de formation, cibler des aides, renégocier avec les prestataires, former en interne et en e-learning… Autant de leviers pour optimiser son budget.
En temps de crise, dépenser moins pour former plus, ou mieux, devient le leitmotiv des responsables de formation. Une équation impossible ? Pour les aider à optimiser leur budget, les cabinets de conseil en RH développent des modules consacrés à ce casse-tête financier, comme GRH Expertise, Gereso ou Sophie Dupaigne Conseil. Depuis quelques années, le groupe Merlane a senti la demande monter. « Beaucoup de clients ont gelé leur budget de formation ou, du moins, l’ont diminué. Néanmoins, leur volonté de développer les compétences de leurs collaborateurs reste intacte », constate Carol Adnet Bricaud, chef de projet chez Merlane. Alors, en 2011, le cabinet a lancé un volet de conseil consacré à la question. Pas de formule magique, mais des recommandations de bon sens et des astuces pour éviter de gaspiller les budgets consacrés à la formation. Frederic Kirschleger, qui s’occupera prochainement de la formation des 2 000 collaborateurs en France de l’équipementier automobile américain Visteon, a assisté à l’atelier organisé par Merlane le 21 février pour se préparer aux nouvelles exigences de sa fonction. « Auparavant, je m’occupais du recrutement… Il n’y en a plus. Je vais devoir gérer au mieux un budget serré, compte tenu de la crise, mais nécessaire pour des salariés parfois malmenés dans le secteur de l’automobile, confie-t-il. Il faut leur redonner un signe positif, un regain d’intérêt pour leurs perspectives de carrière. » Contrainte supplémentaire, dans son entreprise, un PSE démarre au printemps. Et une partie du budget formation partira avec les salariés remerciés.
Premier levier pour optimiser le budget formation : cibler où le placer. Un choix opportun permettrait de réaliser entre 50 et 100 % d’économies par rapport aux coûts engagés dans la formation, selon le cabinet Merlane. Depuis le décret du 22 septembre 2010 entré en application l’an dernier, les nouvelles règles des Opca (organismes paritaires collecteurs agréés) changent la donne pour les entreprises. Comme une partie des fonds mutualisés de formation versés par les sociétés bascule vers les demandeurs d’emploi, c’est autant de moins pour leurs propres collaborateurs. « Les entreprises de plus de 50 salariés ont perdu des financements car, à présent, elles n’ont plus accès à certains fonds mutualisés », souligne Carol Adnet Bricaud. Une raison de plus pour regarder de plus près où verser les sommes liées aux obligations légales. Entre l’Opca nationale, celui des branches professionnelles et la collecte régionale interprofessionnelle (Opcalia, Agefos et Fongecif), il y a de quoi s’y perdre.
Pour le choix du paiement de l’obligation légale du plan de formation, trois options s’offrent aux entreprises. La première, verser la totalité du budget à l’Opca de branche. La deuxième solution mixe un versement du minimum conventionnel à l’Opca de branche et, en complément, une gestion autonome. La troisième consiste à réserver aussi le minimum conventionnel à l’Opca de branche et à verser le solde à un autre Opca. « Par exemple, le fait d’avoir choisi la troisième option en donnant une partie du budget à un fonds interprofessionnel a permis à une entreprise de services financiers cliente très consommatrice en formation d’avoir accès à des fonds mutualisés, dont même ceux du FPSPP », indique l’experte de Merlane. Par ailleurs, en mettant en place des périodes de professionnalisation (avec un minimum de soixante-dix heures ou de trente-cinq heures pour les seniors dans certaines branches), une partie du budget du plan de formation n’est pas impactée et il est ainsi possible de faire bénéficier les salariés de plus d’heures de formation. Autre astuce : ne pas hésiter à faire jouer le DIF, prioritaire.
L’entreprise de logistique ADF a bien compris l’intérêt de prendre en main la destination des obligations légales liées à la formation. « Nous étions en subrogation totale via les Opca. À présent, nous versons seulement le minimum conventionnel à l’Opca, et le reste nous le gérons en interne, et pour l’heure nous sommes gagnants », indique Laure Falcou, responsable formation du groupe ADF. Les responsables RH avaient jusqu’au 1er mars pour se pencher sur la question… Mais pour 2013 tout n’est pas perdu. Outre les financements Opca, les aides régionales (PRFPC, etc.), nationales (AIF, etc.), voire européennes (FSE) sont de bons moyens, souvent oubliés, de se faire financer des formations.
Ensuite, « il est important d’éviter le saupoudrage de formations, conseille Carol Adnet Bricaud. Un laboratoire pharmaceutique américain, très désireux d’apprendre l’anglais à ses collaborateurs français, recourait à 15 organismes éparpillés. Nous avons réalisé un appel d’offres auprès de quelques établissements seulement. Avec un volume plus important d’heures de formation, nous avons pu mieux négocier ». D’une pierre deux coups : en commandant un important volume d’heures à un seul prestataire, celui-ci est aussi plus à même de répondre au plus près aux demandes propres à l’entreprise. Les offres de formation d’ADF étaient aussi disséminées dans tout l’Hexagone. « Avec la crise, il faut couper partout, et la formation n’est pas épargnée », confie Laure Falcou, chez ADF. Alors plus question de jeter l’argent par les fenêtres. « Pour réaliser des économies, témoigne-t-elle, la priorité était de centraliser les besoins afin d’avoir une vision locale et d’être mieux armés pour négocier avec les organismes. Auparavant, tout se faisait au niveau local, ce n’était pas optimisé. »
Selon le cabinet Merlane, la renégociation des tarifs avec les organismes de formation permettrait un gain de 20 à 30 % du budget. La solution est particulièrement appropriée pour les grands groupes, dans lesquels une personne du service formation peut s’y consacrer. « Dans les entreprises de taille moyenne où les services achats gèrent, parmi tant d’autres budgets, ceux de la formation, ils ne vont pas pouvoir négocier avec chaque prestataire », constate Carol Adnet Bricaud. La solution n’est pas non plus valable pour les entreprises qui ont développé leur propre université ou organisme de formation.
Le troisième levier d’optimisation des coûts de formation consiste à réorganiser l’offre en interne. Cela permettrait des économies de 5 à 10 % du budget. Les responsables RH sont unanimes : regrouper les besoins communs des salariés est bon pour les finances. « Il y a trois ans, nous disposions de 120 formateurs internes. Aujourd’hui, nous en avons 200, dont 15 permanents, retrace Gilbert Fassel, responsable formation d’Elior. Nous avons structuré notre réseau en leur apportant les bases de la pédagogie. » L’entreprise développe aussi des « formations-actions »: les formateurs visitent des sites et, pendant quelques heures, interviennent pour améliorer les pratiques des collaborateurs, sans qu’ils s’arrêtent vraiment de travailler. Gilbert Fassel souligne néanmoins l’importance de « garder un équilibre entre des formations massives, par exemple pour assurer la maîtrise générale des nouvelles technologies, et les besoins ciblés sur des compétences individuelles ». Dans une entreprise de services financiers cliente de Merlane, chaque année, 10 % des effectifs deviennent formateurs en interne. Résultat, grâce à ce pool, une formation de trois semaines en interne revient à 10 400 euros pour l’entreprise, alors qu’il lui en aurait coûté 48 000 si elle avait eu recours à un prestataire extérieur.
La formation à distance représente aussi un potentiel d’économies pour les responsables de formation. À la Banque populaire Caisse d’épargne (BPCE), Gwennola Fouquet en témoigne : « Nous développons l’e-learning et des classes virtuelles, avec un animateur qui interroge les participants par l’intermédiaire d’une webcam. Ces différents outils sont complémentaires et présentent ainsi une offre idéale pour nos col laborateurs et leurs managers. » Autre système D employé par la BPCE pour baisser la note des formations : un partenariat avec l’université Paris-Dauphine a été mis en place. L’entreprise utilise les antennes régionales de l’école et évite un rapatriement de toutes ses troupes à Paris pour assister à un module de mise à niveau sur la fiscalité 2013. Enfin, pour contrer l’absentéisme en stage, qui coûte cher aux entreprises, quelques astuces : « Pratiquer un surbooking réaliste en inscrivant des personnes en plus dans les formations sur les gestes et les postures, par exemple, où les défections sont nombreuses, en anticipant l’absence de certains en fonction d’indicateurs pertinents comme la présence durant les sessions de l’année précédente. Cela permet le remplissage optimal des sessions de formation », indique Carol Adnet Bricaud. Autre possibilité pour pallier l’absentéisme, éviter les sessions de formation en langues les lundis et les vendredis midi, traditionnellement désertées… Mais tout de même facturées.
Cibler : entre 50 et 100 % d’économies possibles sur le budget formation.
Renégocier : entre 20 et 30 % d’économies.
Réorganiser : entre 5 et 10 % d’économies.