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Trois DRH témoignent

Dossier | publié le : 02.03.2013 | Florence Puybareau

Alain Everbecq DRH de Poclain Hydraulics
“Les DRH ne doivent pas être seuls à s’emparer du sujet”

Comment analysez-vous l’impact des réseaux sociaux sur la gestion des ressources humaines ?

Aujourd’hui, les entreprises sont confrontées à un énorme défi. Leur principal problème n’est pas financier, c’est celui de la ressource humaine. Face à la complexité de plus en plus grande des produits et avec des marchés qui sont devenus mondiaux, le besoin en compétences techniques n’a jamais été aussi fort. Les entreprises doivent donc recruter et former. Et, dans ce contexte, les RH sont plus que jamais la clé de la compétitivité stratégique des organisations. Or les réseaux sociaux et les nouvelles technologies bouleversent les relations humaines. Et plus les mois passent, plus le phénomène prend de l’ampleur. Il faut donc que les entreprises s’adaptent à ce nouveau monde environnemental, sinon elles seront balayées.

De quelle façon les DRH peuvent-ils s’approprier ces nouveaux modes de relations ?

Les DRH doivent bien sûr faire de la veille sociale. Par ailleurs, s’ils sont parties prenantes de ces projets, ils ne doivent pas rester seuls. C’est la relation entre le marketing, les services informatiques et les RH qui va aider les entreprises à s’emparer du sujet. Les DRH doivent monter en puissance avec les deux autres. Ils ne doivent pas faire bande à part. C’est un travail collaboratif entre les différents métiers. De même, si le marketing y va sans les RH, ils perdent un pan du sujet. Le monde explose : on ne peut pas traiter la problématique sans collaboration.

Chez Poclain Hydraulics, quelle politique avez-vous adoptée en ce qui concerne les réseaux sociaux ?

Actuellement nous sommes présents sur YouTube, LinkedIn et Viadeo, et nous avons un community manager qui travaille pour la direction marketing. Mais au niveau des RH, nous sommes en pleine réflexion sur ce sujet. Poclain Hydraulics est une entreprise de taille intermédiaire de 2 000 personnes spécialisée dans les moteurs hydrauliques. Nous avons la chance d’être sur un secteur qui rassemble des passionnés, notamment des passionnés d’engins de chantier. Notre objectif est de créer un réseau social animé par un community manager autour de ce thème. Poclain est une vieille entreprise française [elle a été créée en 1926, NDLR] et nous avons un ancrage très fort. Nous voulons capitaliser sur cette image et faire en sorte que les collaborateurs soient fiers d’appartenir à ce groupe. Et, de là, il faut transformer ce sentiment de fierté en engagement. L’entreprise est une communauté et elle va vivre au travers du réseau. Créer de la motivation donne une bonne image de l’entreprise et permet d’attirer les talents.

Sébastien Lebreton DRH d’Alcatel-Lucent
“Les échanges permettent de prendre la température sociale de ses équipes”

Le groupe Alcatel-Lucent dispose déjà d’une expérience assez ancienne des solutions collaboratives ?

Tout à fait. La stratégie 2.0 d’Alcatel-Lucent a vraiment commencé avec l’arrivée de Ben Verwaayen [l’actuel DG, NDLR], en 2008. À l’époque, il avait créé Ask@Ben, une adresse mail dédiée aux salariés afin d’établir une relation directe avec eux. La deuxième étape a été de refondre l’intranet en donnant la possibilité aux salariés de noter et de commenter les articles. Cette refonte fut une décision collégiale validée avec les RH. Les nouvelles fonctions de l’intranet ont libéré la parole des salariés et permis d’établir des contacts plus directs. Puis, en 2009, nous avons lancé Engage, le réseau social d’entreprise qui intègre des fonctionnalités comme celles de Facebook et de Twitter. Nous avons ouvert un fil de discussion et il est possible de poster des photos.

Aujourd’hui, quel bilan peut-on en tirer ?

Sur les 70 000 collaborateurs du groupe, 60 000 ont une page sur le réseau et 2 000 y ont une activité quotidienne. Le succès est sans doute lié aussi à la culture de l’entreprise. La relation virtuelle existe dans nos gènes. Mais avant de s’engager dans un tel projet, il faut s’interroger sur la culture de la communication qui existe déjà dans l’entreprise et sur ce que l’on veut mettre en place. Nous ne sommes pas passés d’une communication institutionnelle à une communication très libre. Le processus a été progressif.

Il n’y a pas eu de débordements ?

Non, ni abus ni « agression ». Certes, nous avions posé quelques règles mais le fonctionnement s’est autorégulé. Peut-être aussi parce que les salariés publient en leur nom propre et non pas sous pseudo.

Qu’est-ce que ces outils apportent à la DRH ?

Dans un groupe international comme le nôtre, cela permet de prendre la température sociale de son pays, et de ses propres équipes. Mais, au-delà, ces outils nous aident à aller plus loin dans le niveau de communication aux salariés. Et cela peut nous aider à mieux mener les accords et les négociations avec les représentants syndicaux.

Car vous avez associé les syndicats à la démarche ?

Oui. Il est nécessaire d’avoir un accord collectif pour pouvoir communiquer avec des salariés via cet outil. Mais les organisations syndicales ont bien réagi, car c’est un mode de communication plus direct. Les représentants syndicaux vont d’ailleurs suivre une formation de la part des community managers.

Christophe Le Bars DRH d’Europcar
“Quand les collaborateurs sont satisfaits de leur entreprise, ils acceptent plus naturellement d’en être les ambassadeurs”

En quoi la mise en place des nouveaux outils technologiques est-elle importante pour une entreprise comme Europcar ?

Le développement des nouvelles technologies est une composante clé de notre stratégie pour devenir un acteur majeur de la mobilité. Afin de faciliter au maximum la location d’un véhicule, nous avons lancé une nouvelle version de notre site europcar.com et de nouvelles applications sur iPhone et sous Android. Selon certaines études, d’ici vingt-quatre à trente-six mois, 90 % des réservations se feront par Internet, contre 60 % aujourd’hui. Face à cette évolution, nos salariés doivent s’adapter, et cela passe par les nouveaux outils.

Mais tous les salariés n’ont pas la même approche vis-à-vis de ces nouveaux outils ?

En effet, les digital natives, c’est-à-dire les 20-35 ans, réagissent différemment. Ils n’ont pas la même perception du risque et de l’utilisation des réseaux que leurs aînés. Dans ce domaine, il y a une distorsion générationnelle importante. Les limites entre le domaine de l’entreprise et le monde virtuel sont de plus en plus floues.

Comment gérez-vous cette situation au niveau de la direction des ressources humaines ?

Nous avions une charte qui est en cours de refonte en collaboration avec les services informatiques. Nous allons préciser ce que les salariés peuvent faire et quelles sont les limites. Mais de toute façon, aujourd’hui, il y a une telle transparence qu’il n’est pas possible de tout contrôler. Il existe des règles du jeu et la charte permet de fixer ces règles. Mais attention, les écrits vont vite être obsolètes. Les RH ont un rôle d’éducation vis-à-vis de l’utilisation des réseaux sociaux. Il est nécessaire de sensibiliser les collaborateurs aux risques, notamment ceux de la cybercriminalité, qui peuvent être aussi internes.

Quelle utilisation faites-vous des réseaux sociaux publics ?

Il nous faut utiliser les réseaux sociaux comme outil RH. Nous avons par exemple signé un partenariat avec LinkedIn. Cela permet d’avoir une approche interactive et plus naturelle envers de potentiels candidats. Nous allons nous appuyer sur notre nouveau positionnement de marque, « Moving your way », pour faire la promotion de l’entreprise et de notre marque employeur. Nous allons également développer un réseau d’ambassadeurs internes pour partager des témoignages sur les métiers du groupe. Car quand les collaborateurs sont satisfaits de leur entreprise, ils acceptent plus naturellement d’en être les ambassadeurs.

Le Byod : une épine dans le pied des DRH

C’est un acronyme un peu barbare, mais qui est devenu terriblement tendance. Byod, pour bring your own device (« apportez votre propre matériel »), désigne une pratique qui consiste à utiliser son propre matériel technologique (ordinateur, téléphone portable, smartphone) à des fins professionnelles. En clair, le collaborateur accède au système d’information non plus avec le terminal que l’entreprise met à sa disposition mais directement avec sa machine. Certaines entreprises vont même jusqu’à financer l’achat du terminal ou offrent une compensation pécuniaire (par exemple en payant l’abonnement téléphonique ou les frais de communications data). A priori, ce dispositif concerne surtout la direction informatique car il pose de vrais problèmes de sécurité d’accès aux données.

Mais les DRH sont également impliquées.

En effet, si un acte délictueux (vol de fichier, par exemple) est commis sur le réseau professionnel avec un ordinateur personnel, l’entreprise dispose de beaucoup moins de recours que lorsque le terminal lui appartient : elle ne peut pas récupérer la machine ni exiger du collaborateur un droit d’accès à sa machine. Mais ce qui inquiète le plus les ressources humaines, c’est que le Byod abolit les frontières – déjà très poreuses – entre vie privée et vie professionnelle. Où commence et où finit le temps de travail quand toute l’activité est réalisée sur une seule et même machine ? Un problème qui implique directement les DRH.

Auteur

  • Florence Puybareau