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Les nouveaux outils troublent les DRH

Dossier | publié le : 02.03.2013 | Florence Puybareau

Réseaux sociaux, blogs, terminaux personnels… font à présent partie de la vie des entreprises. Mais les DRH peinent à tirer profit de ces outils pour améliorer leurs processus. Pourtant, si les dérapages existent, les bénéfices sont prometteurs.

Il y a quelques mois, un salarié de l’enseigne Quick a défrayé la chronique. S’exprimant via son compte Twitter puis son blog, il a reproché à la chaîne de restauration rapide des manquements à l’hygiène et des abus de pouvoir de la part de certains managers. Il y a dix ans, cette histoire se serait conclue par une conciliation ou, au pire, un licenciement connu des seules parties concernées. Mais, en prenant toute la Toile à témoin de ses déboires professionnels, ce collaborateur a poussé l’entreprise à surréagir par rapport à l’événement : outre le licenciement de l’employé en question, Quick a en effet déposé une plainte pour diffamation afin de protéger sa réputation ou plutôt son e-réputation. Ce genre d’incident qui oppose une entreprise à ses collaborateurs via Internet a tendance à se multiplier depuis l’émergence des réseaux sociaux. Mais est-ce vraiment étonnant ? Avec plus de 27 millions de Français détenteurs d’un compte Facebook et plus de 5 millions d’un compte Twitter, il semble logique que les propos jusqu’alors tenus autour de la machine à café ou au sein d’un cercle d’amis se retrouvent désormais sur la « place publique » que sont devenus les réseaux sociaux.

Cette perspective peut légitimement inquiéter les entreprises. D’autant que si la loi les protège contre la diffamation, la dénonciation calomnieuse ou le vol de données, c’est encore très souvent la jurisprudence qui est appliquée dans les litiges impliquant les réseaux sociaux. Avec, pour finir, des jugements qui vont dans les deux sens. Cette incertitude et le sentiment d’être submergés par une vague qu’elles ne peuvent pas maîtriser conduisent encore trop souvent les directions des ressources humaines à adopter un comportement de défiance, voire de rejet, à l’égard de ces nouveaux modes de communication. Certes, il y a de fortes disparités selon la taille de l’entreprise (les petites adoptent généralement ces outils plus rapidement que les grandes), son secteur d’activité (les sociétés des nouvelles technologies sont davantage utilisatrices) et surtout son organisation interne. Ce sont en effet le plus souvent les directions marketing, de la communication et des systèmes d’information qui sont chargées de ce type de projet, reléguant les DRH au deuxième plan.

Et pourtant, qu’il s’agisse de réseaux sociaux, de blogs ou d’utilisation à des fins professionnelles de terminaux personnels – smartphones, netbooks ou tablettes (voir encadré page 65) –, les DRH sont toujours plus ou moins impliquées puisqu’il est question du mode de travail des collaborateurs et de leur façon de représenter l’entreprise à l’extérieur. Thomas Chardin, directeur-conseil chez Parlons RH, invite d’ailleurs les DRH à se saisir rapidement du sujet, même s’il reconnaît que la tâche n’est pas facile : « Les DRH ont une pléthore de chantiers à traiter et les réseaux sociaux en font partie. Mais comment penser que c’est marginal alors qu’aujourd’hui les internautes passent plus d’un quart de leur temps sur les réseaux sociaux ? Un usage quotidien qui est par ailleurs renforcé par l’utilisation croissante des smartphones. » Mais le manque de volonté de certaines DRH ou leur prudence ne viennent-ils pas de la difficulté à cerner ce que peuvent leur apporter ces technologies dans leur métier ou dans leur fonctionnement ? « Les réseaux sociaux ne sont pas une finalité. Ils doivent accompagner une mission. Les DRH s’inquiètent des outils à mettre en place. Mais la vraie question à se poser, c’est quelle est la contribution de la fonction RH à cette stratégie. Pour les RH, les réseaux sociaux peuvent être un vrai levier, mais à condition de savoir ce que l’on veut faire », insiste Thomas Chardin.

Parmi les éléments avancés pour mettre en place ces solutions figure très souvent la promotion de la « marque employeur ». Un sujet généralement préempté par la direction marketing mais que doivent aussi se réapproprier les RH : « Développer la marque employeur, c’est réfléchir à la manière d’avoir plus de visibilité. Or nous nous devons d’être visibles pour attirer des talents », explique Sophie Ney, DRH de l’Européenne des desserts, une entreprise de 800 collaborateurs spécialisée dans les desserts industriels. Selon cette DRH, les sites comme LinkedIn et Viadeo sont réellement efficaces pour « communiquer sur l’innovation, sur la marque et sur les valeurs de l’entreprise ». Une manière de mettre en avant l’entreprise qui change des modes classiques : « Les médias sociaux sont différents de la communication institutionnelle. Ils permettent de valoriser l’expression de l’entreprise sur ses projets et c’est ce qui fait rêver les gens », souligne Nicolas Bourgeois, consultant chargé de la stratégie RH chez Mercer. Et si les processus de recrutement se terminent encore très souvent de manière traditionnelle (par l’entretien présentiel), les entreprises, et particulièrement les PME, sont de plus en plus nombreuses à adopter ce mode de sourcing : « Ces sites ont introduit un réel changement pour les petites et moyennes entreprises, qui gagnent en réactivité. Car elles n’ont pas les moyens de contacter les chasseurs de têtes ou de faire de la veille efficacement sur les job boards comme les grands groupes », remarque Nicolas Bourgeois. En revanche, le consultant se montre plus sceptique quant à l’approche RH des réseaux sociaux dans les grandes structures : « Dans ces entreprises, les DRH se sont adaptées aux réseaux sociaux d’abord de manière défensive, puis elles ont commencé à les utiliser principalement pour la gestion de talents et le recrutement. Néanmoins, cela n’a pas changé leurs méthodes. Le recours aux réseaux sociaux vient simplement ajouter une strate dans les processus. » Et d’avertir sur le fait que le recours aux réseaux sociaux ne doit pas faire oublier le rôle primordial des RH : « Les DRH doivent rester vigilantes et conserver leur rôle de filtre. C’est surtout vrai concernant la formation des collaborateurs. Les réseaux ont libéré les usages, et les managers ont tendance à passer au-delà des DRH pour pousser leurs collaborateurs à suivre des formations mais sans que cela s’inscrive dans la gestion de compétences. »

Associer les managers. Pour le consultant, il est de toute façon indispensable que les managers soient étroitement associés par les DRH au projet de réseau social : « Il faut repenser la place du manager dans le processus et bien préciser son rôle.» Une démarche qui passe inéluctablement par la formation : « Il est nécessaire de former les managers afin qu’il n’y ait pas de dissonance entre le discours tenu en interne et celui que l’on veut faire passer à l’extérieur par les réseaux sociaux. Mais tout le monde dans l’entreprise doit être formé : l’équipe RH, les instances dirigeantes et les employés. Surtout si l’on veut que ceux-ci deviennent les ambassadeurs de la marque ! » prévient Thomas Chardin. Ces initiatives sont autant de gages de réussite. Car l’échec est toujours possible. « Attention à ne pas faire trop de communication, ce qui au bout du compte va nuire au message que l’on souhaite apporter. L’entreprise doit maîtriser ce qu’elle fait », souligne Sophie Ney, qui reconnaît que, chez Européenne des desserts, « la culture n’est pas orientée réseaux » et qu’il lui faut apprendre en marchant. Avec une crainte : celle de « mélanger les réseaux privés (type Facebook) et les réseaux professionnels ».

Cette inquiétude, largement partagée, ne justifie pas toujours certaines réactions d’entreprises trop enclines à sévir : « Sanctionner professionnellement des commentaires parfois anodins ? Mais une sanction perçue comme disproportionnée pourrait faire boule de neige et, au final, nuire à la réputation de l’entreprise. Les bonnes réponses restent souvent à trouver et à construire. Mais n’attendons pas cela de la direction marketing ou de la direction des systèmes d’information. Le DRH est bien en première ligne sur tous ces sujets. C’est lui le mieux placé pour gérer cette transition digitale », conclut Thomas Chardin.

Les réseaux sociaux d’entreprise à la peine

Ce sigle, RSE, est bien connu des DRH. Ici, cependant, il ne s’agit pas de responsabilité sociale de l’entreprise mais de réseaux sociaux d’entreprise, c’est-à-dire des solutions technologiques internes qui fonctionnent sur le même mode que les réseaux sociaux publics. Remplaçant souvent les intranets, qui ont eu leur heure de gloire au début des années 2000, ces outils collaboratifs se sont surtout généralisés dans les grands groupes : « Les entreprises viennent nous voir car elles ont identifié que les processus de communication interne n’étaient pas optimisés. Elles pensent que les RSE peuvent les aider à décloisonner l’entreprise », souligne Jean-Michel Vergne, responsable des opérations Europe chez BlueKiwi, un éditeur de RSE, qui reconnaît que c’est aussi la peur de Facebook qui amène les organisations à chercher des solutions plus sécurisées.

En revanche, l’initiative n’est pas toujours du ressort des DRH.

Les directions marketing, communication, ventes sont également prescriptrices, l’objectif pour toutes étant « de mieux échanger entre communautés et de gérer la connaissance de l’entreprise ». Malgré tout, ces solutions n’effacent pas les liens de hiérarchie tels qu’on le voit habituellement dans les réseaux sociaux, et beaucoup de collaborateurs, s’ils ont leur page, participent peu à l’animation de la communauté (voir interview de Sébastien Lebreton, DRH d’Alcatel-Lucent, page 66). Difficile pour les RSE de se positionner dans ce qui apparaît encore pour beaucoup de collaborateurs comme relevant de l’activité personnelle.

Auteur

  • Florence Puybareau