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Vie des entreprises

À propos des horaires de travail

Vie des entreprises | ACTUALITÉ JURISPRUDENTIELLE | publié le : 01.09.2000 | Jean-Emmanuel Ray

Pour compenser l'impact financier des 35 heures payées 39, nombre d'entreprises jonglent avec la charge de travail de leurs salariés ou avec la flexibilité de leurs horaires. Mais attention à ne pas pousser le bouchon trop loin, car la chambre sociale de la Cour de cassation veille au grain.

Si la loi Aubry II vise à réduire la quantité d'heures de travail, les horaires sont au moins aussi importants pour le salarié. Un changement en ce domaine peut avoir des conséquences difficilement gérables pour sa vie familiale : la Cour de cassation tente cette difficile conciliation.

Horaires et charge de travail

Intensification : « M. X… ne pouvait accomplir le travail demandé dans un temps compatible avec ses horaires » : l'arrêt du 16 novembre 1999 avait fait sensation en pleins débats parlementaires de la loi Aubry II insérant dans le Code (seulement pour les cadres autonomes) la notion essentielle de « charge de travail ». Il n'y a donc ni comportement fautif ni insuffisance professionnelle si « la distribution de prospectus n'était pas réalisable en cinq heures journalières » (Cass. soc., 18 avril 2000) ; a fortiori si « le refus des heures supplémentaires était justifié par le dépassement des horaires maxima légaux » (Cass. soc., 12 janvier 2000).

Extériorisation. Très attentive au respect de la vie privée et ne voulant pas que les horaires de bureau deviennent ceux du salon (50 % du temps d'utilisation de l'ordinateur familial est professionnel), la Cour de cassation a montré les dents le 19 avril 2000 : il y a travail commandé non seulement lorsqu'il est effectué à la demande expresse de l'employeur, mais aussi lorsque les horaires « ont été imposés par la nature ou la quantité de travail demandé ». Le mythe du travail à domicile pour échapper aux 35 heures a donc vécu si l'affaire tourne mal.

Flexibilité des horaires et modification du contrat

Depuis les bonnes vieilles heures supplémentaires de 1936, le droit légal du travail a toujours admis une légitime flexibilité. La Cour de cassation avait pour sa part indiqué le 9 mars 1999 que ni des heures supplémentaires (en deçà du contingent annuel) ni le chômage partiel ne constituaient une modification du contrat.

Et en cas de chômage partiel total ? La chambre sociale a le 2 mai 2000 voulu réaliser un équilibre : « À l'issue de la période d'indemnisation, l'employeur est tenu soit de donner du travail au salarié, soit de mettre en œuvre la procédure de licenciement (économique). » Mais le principe est fixé : « Le changement d'horaires consistant en une nouvelle répartition au sein de la journée, alors que la durée du travail et la rémunération restent identiques, constitue un simple changement des conditions de travail » (Cass. soc., 22 février 2000). L'employeur peut donc modifier les horaires à la triple condition de fond énoncée, et celles de forme habituelles (consultation du CE, information de l'Inspection du travail), sous peine d'inopposabilité de la mesure. Cela ne signifie pas qu'il puisse librement bouleverser l'équilibre du contrat. Dans l'affaire jugée le 28 avril 2000, une salariée devait désormais travailler le samedi matin. L'employeur ayant indiqué qu'il s'agissait d'une véritable modification, en cas de refus le licenciement restait possible pour motif économique. Il appartenait au juge saisi « de vérifier la cause réelle et sérieuse de la modification initiale ». Pas facile !

Deux exceptions à cette flexibilité :

– La loi du 19 janvier 2000 a multiplié pour les salariés à temps partiel les hypothèses de refus légitime d'effectuer des heures complémentaires (C. trav., art. L. 212-14-3). La loi vient ici limiter les effets des stipulations contractuelles en interdisant à l'employeur d'y voir une faute et a fortiori un motif de licenciement. L'arrêt rendu le 2 mai 2000, s'agissant d'une vendeuse licenciée car ayant refusé de venir travailler un dimanche 19 décembre malgré une autorisation municipale d'ouverture, semble devoir être relativisé… si la salariée travaille moins de 34 h 59, ou si son contrat n'évoquait pas de travail le dimanche.

– Et si le contrat d'un temps plein stipule des horaires particuliers ? Dans l'affaire jugée le 16 mai 2000, c'était le cas d'un dirigeant d'établissement : « Horaires : du lundi 7 h 30 au vendredi 12 heures. » Ayant refusé de travailler le vendredi après-midi, il fut licencié. « S'agissant d'un cadre dirigeant, ce changement de l'horaire de travail ne constituait pas une modification du contrat » (cause réelle et sérieuse). Cet arrêt fort singulier ne doit pas être sorti de son contexte très particulier. Depuis la loi Aubry II, ces VVIP (plus dirigeants que cadres) sont d'ailleurs les seuls à pouvoir bénéficier d'un forfait tous horaires, ayant été globalement sortis du droit de la durée du travail. Reste que les horaires subordonnés car collectifs des bras industrieux ne posaient pas les mêmes problèmes que les neurones des travailleurs du savoir, qui peuvent fonctionner quand ils veulent, où ils veulent, et même contre le gré de leur propriétaire : forfait jours… et nuits.

FLASH

• Petits arrangements entre amis

À une société de transport ayant doublé les indemnités de découcher d'un chauffeur routier international « pour compenser en partie les horaires imposés », la Cour de cassation rappelait le 27 juin 2000 que les heures supplémentaires « ne doivent pas seulement donner lieu au paiement d'un salaire majoré, mais doivent s'exécuter dans le cadre du contingent annuel et ouvrent droit au repos compensateur ».

• Les petits arrangements quand tout va bien font les beaux procès quant tout va mal

Sur le plan civil : rattrapage sur soixante mois, et l'idée est souvent contagieuse.

Double délit sur le plan pénal : le fait de dissimuler des heures supplémentaires, « même si elles sont par ailleurs payées sous forme de prime exceptionnelle, constitue le délit d'obstacle aux fonctions d'inspecteur du travail, l'employeur lui ayant présenté en connaissance de cause des documents dépourvus de sincérité et d'exactitude » (Cass. crim. 30 mars 1999). Ce à quoi il faut ajouter depuis mars 1997 le délit de travail dissimulé, dont les sanctions disproportionnées rappellent l'attaque d'une banque.

D'où la création, et le succès prévisible, du forfait jours pour les cadres autonomes.

Auteur

  • Jean-Emmanuel Ray