logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le bloc-notes

Propos de rentrée

Le bloc-notes | publié le : 01.09.2000 | Bernard Brunhes

Conflits sociaux et civilisation. Cet été, la presse a beaucoup bruissé de l'intrusion brutale de la violence dans les conflits sociaux. Un (scandaleux) déversement de produits toxiques dans un cours d'eau, des menaces (jamais mises à exécution) d'explosion dans des usines en conflit. Cela a suffi pour qu'on voie tout à coup apparaître le spectre de la violence ouvrière. Ajoutez aux incidents en question une trace de violence paysanne, une vague référence aux attentats corses et nous voilà partis pour un réveil de vieux fantasmes.

Reprenons nos esprits. Il y a d'abord un effet médiatique classique ; effet à double détente. Après un incident assez grave dans une usine, on voit monter à la surface des incidents qui s'en rapprochent mais n'auraient eu droit en temps ordinaire qu'à un article modeste dans les locales d'un journal régional. Deuxième détente : la publicité faite au premier incident donne des idées aux acteurs des conflits en cours. Rien que de banal.

Nous sommes en pleine reprise économique. On ne parle que des milliards gagnés, d'entreprises en pleine forme et de chômage qui baisse. Cela n'empêche pas la poursuite des restructurations. Mais ceux qui en subissent les conséquences ne comprennent pas. Dans un environnement morose, ils se faisaient une raison ; dans l'euphorie ambiante, ils se révoltent.

Et c'est là que le bât blesse ; les acteurs du jeu social ne savent pas comment gérer ces révoltes. Dans les sociétés civilisées, les partenaires se mettent autour de la table. Les dirigeants des entreprises n'attendent pas le dernier moment pour annoncer leurs projets ; les syndicats, solidement implantés sur place, entrent immédiatement en négociation pour qu'aucun salarié ne soit une victime ; les services publics de l'emploi déploient les moyens nécessaires pour assurer les reconversions ; les élus locaux ont les pouvoirs qui leur permettent d'être les chefs d'orchestre crédibles des discussions nécessaires.

Mais la France n'est pas tout à fait un pays civilisé. Les employeurs se défilent, les syndicats défilent, le service public de l'emploi n'a pas les moyens, les maires n'ont pas les compétences. Alors on se bat. Les conflits n'en finissent pas, la violence n'est la plupart du temps que verbale, mais l'inefficacité est assurée.

Un Code du travail dépassé, des syndicats divisés et trop souvent absents, un service public de l'emploi à rénover, un découpage territorial dépassé : il y a tant à faire pour que les sinistres industriels soient gérés de façon civilisée que nul n'ose y penser. Nous garderons donc le cocktail de bureaucratie, de violences verbales (ou pire) et de drames sociaux qui fait le quotidien des restructurations.

Pour refonder, soyez discrets. L'automne sera-t-il chaud ? Question traditionnelle aux experts autoproclamés du social. Ma réponse (je prends des risques d'astrologue) : il ne sera pas chaud dans les usines et les bureaux, mais il sera chaud dans les états-majors syndicaux, patronaux (et gouvernementaux). Les perspectives d'une refondation sociale construite sans eux déplaisent profondément aux princes. Les gouvernements changent mais la volonté des pouvoirs publics de tirer les fils du jeu social ne change pas.

Comme les syndicats sont divisés, le pouvoir a la latitude de choisir son camp et ne s'en prive pas.

À propos de l'Unedic, les arguments échangés sont d'une bonne foi douteuse. Les acteurs de ce grand jeu sauront-ils revenir à la raison et cesser les invectives, les ultimatums, les combats d'ego surdéveloppés pour entrer dans une vraie discussion ? Au moment où j'écris ces lignes (le 15 août), j'espère que, loin des caméras, des seconds couteaux recollent sereinement les morceaux imprudemment cassés.

Les 35 heures : au tour des fonctionnaires.

Les mois qui viennent verront aussi se réveiller les fonctions publiques, en attente des 35 heures. Pour la fonction publique d'État, les discussions seront difficiles, parce que la durée hebdomadaire d'aujourd'hui est mal connue et fort variée. Pour la fonction publique territoriale, on peut se demander si ses préoccupations seront ou non mises sous le boisseau en cette année d'élections municipales et cantonales. Quant à la fonction publique hospitalière, elle voudrait bien que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité ne parte pas pour Lille sans l'avoir rassurée sur ses perspectives. C'est là peut-être que la situation est la plus difficile, parce que, dans beaucoup d'hôpitaux, on ne saura pas réduire les temps de travail des personnels soignants sans créer des emplois. Quelques empoignades à prévoir.

Vous avez remarqué qu'on ne parle plus beaucoup des entreprises de moins de 20 salariés qui devront passer aux 35 heures en janvier 2002 ? Ce sera un sujet pour la rentrée 2001.

Auteur

  • Bernard Brunhes