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Des diplômés que l'on s'arrache

Dossier | publié le : 01.09.2000 | V. L., S. P.

À l'heure où leurs services s'étoffent à nouveau, les DRH se montrent satisfaits des 3e cycles en ressources humaines qui préparent leurs jeunes recrues. Des formations qui, à leurs yeux, ont su s'adapter aux évolutions de leur fonction. Malgré quelques lacunes.

Ils seront près de 2 500 à sortir cette année des universités et des grandes écoles. Et il en faudrait probablement deux à trois fois plus. C'est bien simple : les professionnels des ressources humaines croulent sous les propositions. « Nous recevons entre 70 et 80 offres d'emploi par mois, pour une vingtaine de diplômés par an », se réjouit François Gueuze, responsable de l'Association des diplômés du DESS de management des ressources humaines de Lille I. Autre signe de tension du marché, chaque étudiant peut choisir entre quatre ou cinq propositions de stage pendant sa formation. « Il y a trois ans, les diplômés me rappelaient après un CDD pour que je les aide à décrocher un autre contrat. Aujourd'hui, ils prennent leur téléphone pour me proposer des offres d'emploi », indique Philippe Casella, responsable du DESS d'analyse du travail, organisation, gestion de l'emploi, à Nanterre (Paris X). Finie la période de vaches maigres pour la fonction ressources humaines. « On passe de l'ère du capital financier à celle du capital humain, constate Raymond Poulain, P-DG du cabinet du même nom. Résultat : les entreprises recrutent à nouveau pour leur service RH. » Un phénomène à mettre sur le compte, certes, des 35 heures, qui continuent de mobiliser nombre de DRH, mais aussi de l'embellie économique, qui contraint les entreprises à attirer et à fidéliser de nouvelles compétences. Entre août 1998 et août 1999, les offres d'emploi parvenues à l'Apec pour la fonction RH ont augmenté de 36 %. L'agence a reçu, en 1999, 3 421 offres, contre 2 617 en 1998 et 1 800 en 1997.

Naturellement, la reprise des embauches profite en priorité aux quelque 90 DESS qui préparent aux métiers de la gestion des ressources humaines. Mis à part une demi-douzaine de 3e cycles de grandes écoles (ENS Cachan, ESCP-EAP, IGS, ISG…), ils n'ont pas d'équivalent sur le marché de la formation initiale supérieure. « Sur la dizaine de personnes que compte notre service, assure Étienne Remond, le DRH de Pizza Hut, les six plus jeunes sont titulaires d'un DESS. » « Le DESS est devenu incontournable », souligne quant à lui Bruno Capitani, le DRH d'Amora Maille, résumant ainsi l'avis général. La majorité des directeurs des ressources humaines n'ont pourtant qu'une idée vague de l'offre de formation et du contenu des programmes. Le seul label « 3e cycle » suffit souvent.

On réclame des généralistes de la fonction

Si les entreprises sont si friandes de ces diplômés, c'est d'abord parce que les responsables de formation sélectionnent sévèrement leurs candidats, et sur des critères réellement professionnels. « Nous vérifions l'avancement du projet professionnel, la pertinence des stages suivis en entreprise, les capacités d'analyse et de synthèse et, surtout, le comportement, le sens de la communication, le dynamisme », explique Dominique Sartori, responsable du DESS de direction et gestion des ressources humaines de Nancy II, qui reçoit près de 200 candidatures pour 24 places. « La sélection est bien faite, approuve Philippe Duranton, le DRH groupe de Canal Plus. Nous récupérons des candidats de bon niveau et motivés. »

Quels que soient les postes proposés aux débutants – chargé de recrutement, d'études, de mission, de la formation ou de la paie, responsable des ressources humaines, assistant DRH… –, un leitmotiv revient dans toutes les entreprises : elles veulent des généralistes de la fonction plutôt que des techniciens pointus. Si, depuis le début des années 80, la gestion des restructurations était en tête des missions des directions des ressources humaines, leurs chantiers sont désormais d'un autre ordre. « Les responsables RH doivent aujourd'hui se concentrer sur trois missions, résume Bernard Merck, DRH délégué à France Télécom : la gestion individuelle des salariés, c'est-à-dire le recrutement, le conseil en carrière et la gestion des rémunérations ; la gestion de l'emploi et du développement des compétences ; et, surtout, la conduite du changement. »

Cette dernière mission amène les responsables des ressources humaines à sortir de plus en plus souvent de leur pré carré. « Ils ne peuvent plus se cantonner dans leurs problématiques traditionnelles, renchérit Bernard Michelangeli, DRH de Rhodia Polyamide Intermédiaire. Ils doivent avoir une vision plus large de l'entreprise. Un exemple : nous travaillons actuellement à la mise en place d'une chaîne logistique dans l'une de nos usines. Les ressources humaines vont devoir se pencher sur le recrutement des personnes adéquates à la mise en place d'un tel dispositif et anticiper les changements qu'il va engendrer dans l'organisation. »

Priorité aux formations « touche-à-tout »

Les grands bénéficiaires de ce virage sont sans conteste les formations « touche-à-tout », comme les DESS de gestion ou de management des ressources humaines. « Ma formation répond bien à ma fonction actuelle », constate Marie Lacombe, diplômée 1997 du DESS de gestion des ressources humaines du Ciffop à Assas (Paris II), aujourd'hui à la DRH de Tréfimétaux. « J'ai goûté à la formation, au recrutement, à la réglementation… à tout ce que je dois connaître en tant que responsable des relations du travail et de l'emploi, une fonction transversale qui demande une grande polyvalence. »

Les 3e cycles plus pointus axés sur les relations sociales ou le juridique font moins l'unanimité. « Il est nécessaire, bien sûr, de posséder des notions de droit du travail, précise Bruno Capitani, le DRH d'Amora Maille. Mais nous n'avons pas besoin de spécialistes. Lorsque nous butons sur un point précis, nous faisons, de toute façon, appel à des experts. » Les juristes ont surtout leurs chances dans les départements RH très étoffés, les entreprises récentes ou en plein développement. « Je suis arrivée début mars pour créer le service », explique Sandrine Jourdan, responsable des ressources humaines de Soft Computing, société spécialisée dans les systèmes de gestion de la relation client. « Je recrute actuellement 10 personnes par mois pour l'ensemble de l'entreprise. Et je me heurte souvent à des points liés aux contrats de travail. Je compte embaucher un diplômé spécialisé en droit du travail pour m'épauler. »

Contrairement à beaucoup de recruteurs, les DRH ne font aucune différence entre les 3e cycles de grandes écoles et ceux des universités. Et embauchent, sans sourciller, de purs « produits » de la fac qui sortent pour la plupart des DESS de ressources humaines après avoir fait une maîtrise de droit, d'administration économique et sociale (AES), de gestion ou de psycho. Cela n'empêche pas que, dans certaines entreprises, les vieux réflexes perdurent : « J'aime beaucoup les étudiants qui ont fait auparavant une école de commerce, précise Étienne Remond, à Pizza Hut. Ils s'intéressent à l'environnement de l'entreprise et ne sont pas fâchés avec les chiffres. » Marianne Julien, chef de projet RH à Air liquide, apprécie, quant à elle, les profils mixtes école-université, « un titre d'ingénieur assorti d'un DESS RH, par exemple ».

Les recruteurs recherchent par-dessus tout des diplômés qui affichent des expériences solides en entreprise. « Dans le domaine des ressources humaines, les qualités intellectuelles ne suffisent pas. Les recruteurs sont très sensibles à la maturité des candidats, analyse Henri Lasserre, le responsable du DESS de sociologie et développement des organisations à l'université de Lyon II. Et il faut avoir roulé sa bosse pour acquérir cette maturité. « C'est le cas de Didier Grafft, diplômé du DESS de gestion des ressources humaines de l'université de Bourgogne, après une maîtrise AES. « J'ai suivi un stage de six mois dans une grande entreprise pendant le DESS, au cours duquel j'ai participé au montage d'un institut de formation. Enchaîné sur un CDD de six mois dans la même société, où j'ai notamment mis en place les 35 heures sur un site de 80 salariés. Puis décroché un poste de responsable des relations sociales dans une PME. »

Si, par statut, les DESS doivent inclure, dans leur cursus, un stage de trois mois minimum, la plupart des formations encouragent leurs étudiants à doubler ce temps. Et l'alternance – aller et retour entre la formation et les périodes en entreprise – fait une timide apparition depuis deux à trois ans. « Même lorsqu'elle n'est pas clairement formalisée, les étudiants se débrouillent pour poursuivre leur stage, en venant deux ou trois jours par semaine dans l'entreprise, tout en suivant leurs cours », approuve Marie Guillaume, chargée de recrutement à BNP-Paribas.

Trop franco-français

Si le satisfecit est quasi général, quelques fausses notes se font tout de même entendre. Premier grief : le manque d'ouverture internationale. « Même si vous êtes DRH d'une entreprise française, vous devez savoir comment travaillent vos filiales à l'étranger, vos concurrents, les leaders du secteur… », assure Thierry Panel, le DRH de Rhodia Polyamide. Le mastère de gestion des ressources humaines et de la mobilité internationale de l'ENS Cachan est l'un des rares 3e cycles à proposer plus de cent heures de programme sur les aspects internationaux. Dans les autres formations, les cours de droit ou sur la protection sociale commencent tout juste à prendre une coloration européenne. Non sans difficulté. « C'est assez compliqué à enseigner, précise Philippe Casella, à Nanterre. Interpréter un contrat de travail anglais, par exemple, exige d'expliquer la législation anglaise dans son ensemble. » Le management interculturel pointe également son nez dans certains cursus. Encore à faible dose.

Bon nombre de DRH se plaignent aussi du faible niveau en langue des diplômés en RH. « Nous faisons passer systématiquement des tests d'anglais à nos futurs collaborateurs, explique Jean-Yves Plat, à la Bred. Leur niveau est déplorable. » Les cours de langue sont rares, voire inexistants dans les trois quarts des DESS. « On ne peut pas tout demander à la formation initiale », argue François Gueuze, à Lille I. Les DRH en sont conscients. « Le 3e cycle est une formation courte, reconnaît Philippe Duranton, à Canal Plus. À charge pour l'entreprise d'adapter les diplômés à ses besoins. » En arrivant chez Tréfimétaux, Marie Lacombe a ainsi eu droit à une centaine d'heures en anglais : « J'avais un petit vocabulaire RH et professionnel acquis lors du DESS, mais qui s'avérait insuffisant pour tenir mon poste. » Certaines formations prennent pourtant le taureau par les cornes. Le DESS de gestion des ressources humaines de l'université d'Aix-en-Provence proposera, dès septembre, un séminaire d'anglais. Parallèlement, l'université crée un MBA de GRH, ouvert aux étudiants étrangers, avec des cours en français et en anglais. Alors que la formation n'ouvre ses portes qu'à la rentrée, la Fnac a déjà « réservé » trois stagiaires. Mais les critiques des grandes entreprises envers les titulaires d'un DESS s'arrêtent souvent à la maîtrise insuffisante de l'anglais. Les PME, en revanche, en particulier les start-ups, restent davantage sur leur faim.

Pas assez formatés pour la petite entreprise

« Dans une start-up, il faut être à la fois très réactif et très polyvalent, précise Isabelle de Jussieu, DRH du site Internet Job Line. Je cherche des recrues directement opérationnelles. Je suis allée piocher dans les 3e cycles RH, par sécurité. Ils sont pleins de bonne volonté, mais il faut leur apprendre le b.a.-ba du métier : comment fonctionnent les congés, les arrêts maladie, comment écrire une lettre d'embauche… Ils ne sont pas assez “terrain”. Ils sont formés pour travailler dans les grandes entreprises. » Philippe Casella, à Nanterre, le reconnaît : « La formation que nous proposons ne mène pas vraiment à la PME. Cela dit, je me demande si certaines entreprises, parfois, ne recrutent pas des diplômés de 3e cycle pour des postes très opérationnels, qui pourraient être confiés à des titulaires de DUT. »

Didier Grafft, responsable des relations sociales dans une PME de 300 salariés, ne compte pas au rang de ces erreurs de casting. Son 3e cycle s'avère indispensable pour mener à bien sa mission : structurer un service RH embryonnaire et mettre en place une démarche compétence. Et pourtant, constate-t-il, il lui manque des bases : « Je maîtrise mal le fonctionnement de la paie. » « Un 3e cycle d'un an ne pourra jamais répondre à toutes les attentes, prévient Jean-Michel Morin, responsable du DESS d'ingénierie des ressources humaines à l'université de Paris V. Nous serons dans doute amenés à demander à nos étudiants d'acquérir, avant d'entrer en 3e cycle, de plus en plus de compétences, en langue ou en connaissance générale de l'entreprise, et d'expérience professionnelle à travers des stages. » Les formations s'organisent aussi pour améliorer le contenu de leurs programmes. Pour la première fois, quatorze 3e cycles viennent de se réunir au sein d'un réseau. Une sorte de cellule de veille chargée d'ausculter les besoins des entreprises, initiée par Alain Gintrac, le responsable du DESS de gestion des ressources humaines de Bordeaux IV.

Dans ces 10 DESS, le contenu des épreuves d'admission indique la hauteur de la barre de sélection. Pour repérer les candidats les plus motivés, deux barrages sont dressés : la constitution d'un dossier de motivation, puis un, voire plusieurs entretiens menés par un jury d'enseignants, de professionnels RH, parfois en présence d'un psychologue. Le candidat doit avant tout justifier d'un parcours cohérent, à savoir une formation d'origine et des expériences préprofessionnelles en rapport avec les RH, donc de choix d'orientation décidés en amont du 3e cycle. Dans les DESS les plus sélectifs, le candidat doit, en plus, rédiger un mémoire d'une cinquantaine de pages sur un sujet RH (Paris I, Paris IX…). Un moyen de tester ses capacités d'analyse et de synthèse et ses connaissances. Les tests de langue sont rares, sauf dans les formations particulièrement tournées vers l'international (ENS Cachan). Une remarque enfin : le ratio nombre d'admis/nombre de candidats ne suffit pas à évaluer la rigueur d'une sélection. Ainsi, Sciences po Paris admet autant d'étudiants que Paris I, mais reçoit trois fois moins de candidatures parce que les étudiants n'osent pas y postuler…

Ce palmarès distingue des formations qui concentrent leurs efforts sur la connaissance de l'entreprise et de la fonction RH, en plus des enseignements académiques. Le critère principal porte sur la durée des expériences en entreprise. Nous avons retenu les formations qui imposent une durée de stage supérieure au minimum requis dans le cadre d'un DESS (trois mois).

Aux yeux des recruteurs, en effet, le stage est la première garantie d'ouverture des étudiants au monde professionnel. Il leur permet de s'immerger dans un service de ressources humaines et de conduire de véritables missions : élaboration du livret d'accueil de l'entreprise, réalisation d'une étude sur la gestion prévisionnelle de l'emploi, collaboration aux processus de recrutement, analyse des besoins en formation…

Les autres critères mesurent le nombre d'intervenants professionnels réguliers au sein de l'équipe pédagogique ainsi que la richesse des partenariats avec les entreprises. Ils favorisent des formations souvent méconnues mais qui ont multiplié et diversifié leurs actions en direction des entreprises pour mieux préparer les étudiants à répondre à leurs besoins.

Au grand dam des directeurs des ressources humaines, peu de formations préparent leurs étudiants aux problématiques internationales de la fonction.

Seul le DESS de l'École normale supérieure de Cachan fait exception, en consacrant près de la moitié de son programme à ces thèmes, contre environ un quart pour les autres. Deux critères ont été étudiés pour sélectionner les formations ci-dessus : la pratique des langues étrangères (cours de langue et cours en anglais, en attribuant plus de poids à la présence de cours ou de séminaires dispensés en anglais) et les cours liés à l'international (en droit et gestion internationale des ressources humaines).

Résultats après croisement de quatre critères : importance des cours d'anglais, des cours dispensés en anglais, contenus de cours liés à l'international, participation de spécialistes en RH internationales.

Auteur

  • V. L., S. P.