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Idées

L’accord du 11 janvier bouleverse-t-il les règles du PSE ?

Idées | Débat | publié le : 02.02.2013 |

Au terme de trois mois de négociation, les partenaires sociaux sont parvenus à trouver un accord sur l’emploi. Son article 20 instaure de nouvelles règles relatives aux procédures de licenciement collectif.

Henri-José Legrand Avocat

En matière de licenciement collectif, la principale innovation de l’ANI réside dans l’institution d’une option, réservée au seul employeur, entre la recherche d’un accord, tant sur le contenu du PSE que sur la procédure de consultation, et une fixation unilatérale de l’un comme de l’autre, soumise, in fine, à une homologation administrative. Il était notoire que certains, dans les milieux patronaux, appelaient de leurs vœux le retour de l’administration dans l’appréciation des restructurations entraînant des licenciements. C’était pourtant une revendication patronale inverse qu’avait satisfaite en 1986 la suppression de l’autorisation administrative instituée en 1975. Cependant, personne n’avait prévu que, transféré dans le champ de compétence du juge judiciaire, le contentieux rela tif aux restruc turations connaîtrait le dévelop pement que l’on sait. À présent, le retour à un contrôle administratif des modalités des licenciements collectifs ne vise qu’à en évincer les juridictions judiciaires. Comme ces dernières resteront compétentes si l’employeur choisit de négocier un accord collectif, l’option qui lui est accordée revient à lui reconnaître le droit de choisir son juge. Est-ce bien conforme à la Constitution ?

Dans l’affirmative, changer de juridiction suffira-t-il à résorber le contentieux ? Ce n’est pas certain. D’abord, et surtout, parce que le volume du contentieux dépend des objectifs des acteurs et de leur degré d’ouverture à la négociation. Ensuite, parce que le contentieux en matière de restructurations se nourrit de l’obscurité de règles dont la clarification ne semble guère à l’ordre du jour. Enfin, parce que le cadre normatif a sensiblement évolué depuis 1986, qu’il s’agisse des obligations relatives au reclassement des salariés ou des procédures d’urgence devant les juridictions administratives. Se pourrait-il que le pari ait été fait de trouver chez celles-ci davantage de compréhension envers les entreprises du fait d’une culture économique supposée plus développée que celle du juge judiciaire ? De la tonalité de leur jurisprudence dépendra sans doute l’attractivité de l’homologation administrative par rapport à la négociation d’un accord collectif. Souhaitons que les juridictions administratives veillent à ce que, même lorsque l’employeur se borne à « consulter » le CE, il s’attache à « négocier » le PSE, ainsi que la directive de 1998 l’exige.

Anne De Ravaran Directrice juridique RH de Thales

Cet ANI témoigne de la faculté des partenaires sociaux à s’accorder par la voie du dialogue sur des solutions d’équilibre entre les objectifs éco nomiques de l’entreprise en lui permettant d’assurer sa compétitivité et la nécessaire sécurisation des parcours professionnels de ses salariés. Il est plus important par la place des acteurs et les voies d’action qu’il aborde que par le détail de certaines mesures qui méritent d’être complétées ou précisées. Il en est ainsi de la GPEC, déjà largement soutenue par le Code du travail et l’accord sur le contrat de génération. En prônant la mobilité, solution première de la GPEC, avec la formation, l’accord devrait encourager encore l’élaboration de parcours professionnels enrichissants, gage de sécurisation de l’emploi. La GPEC a prouvé son efficacité et certains groupes ont déjà, en anticipation, par la formation et la mobilité des salariés entre leurs entreprises, trouvé des solutions pour préserver l’emploi. L’ar ticle L. 2242-15, qui a reconnu la pertinence de ces accords de groupe, ne pourra que s’enrichir de ces nouvelles dispositions.

Les accords de maintien de l’emploi relèvent aussi d’une logique d’anticipation dans une stratégie d’évitement du PSE et facilitent la mise en œuvre des dispositifs spécifiques dès lors que l’entreprise est confrontée à des difficultés conjoncturelles et temporaires. Il restait à encadrer les cas de rupture qui obligent l’entreprise à engager rapidement un PSE. L’accord confère une place importante et dérogatoire au dialogue social en permettant, par la négociation, d’agir vite pour éviter les licenciements et favoriser les reclassements. Il y a là un pari tant chacun sait qu’un accord majoritaire sur ce thème sera difficile à conclure. Enfin, l’ANI tire toutes les conséquences des innovations qu’il retient en faisant en sorte que les acteurs puissent se placer dans un cadre juridique sécurisé limitant les aléas du contentieux. Cette exigence ne vise pas à répondre aux seules préoccupations des entreprises. Les logiques de négociation sur lesquelles repose l’accord supposent de la part des syndicats et des salariés des actions volontaires excluant des censures contentieuses tardives. L’ANI propose avant tout une méthode et des outils adaptés. Dans cette démarche affirmée, responsable, au soutien de l’emploi se trouve la place d’un nouveau dialogue social.

Franck Morel Avocat associé, Barthélémy Avocats, ancien directeur adjoint de cabinet du ministre du Travail

L’apport de ces dispositions va dépendre de la manière dont le législateur va les préciser et le juge les interpréter. La première possibilité offerte, la conclusion d’un accord collectif, élargit le champ des accords de méthode aux conditions de recours à l’expert, aux critères d’ordre, mais impose une condition de signature majoritaire. Concerne-t-elle la priorité de réembauche et l’obligation de reclassement ? C’est plus de dialogue social avec une exigence plus forte sur la légitimité de l’accord. La seconde possibilité, la transmission d’un document, soumis à l’avis du comité d’entreprise, à l’administration pour homologation, remplacerait le constat de carence sur le PSE avec une portée juridique directe. Le cahier des charges sera-t-il le même qu’aujourd’hui ? Ensuite, le document indiquerait les procédures d’information et de consultation, les délais et les textes remis. L’accord fixe des durées globales de procédures qui ne peuvent être dépassées, indépendamment sans doute des expertises, avis des représentants du personnel et saisies des juges. Jusqu’où pourra-t-on appliquer ces durées si des informations ne sont pas remises ? Pour le reste, sur la base de quelles normes de référence l’administration exercera-t-elle un contrôle ? Quelle sera la différence de fond avec l’avis rendu aujourd’hui par l’administration ? Comment éviter que le juge administratif et le juge judiciaire ne se contredisent, comme ce fut le cas longtemps sur le constat de carence ? Le texte n’évoque pas les plans de départs volontaires, dispensés par le juge, dans certains cas, de mesures de reclassement interne. Comment éviter que l’administration exige ces mesures ? Les dispositions relatives à l’expertise unifiée des CHSCT semblent applicables dans ces situations et il faudra le préciser, ainsi que les modalités de mise en place de l’instance de coordination.

L’accord limite positivement les contraintes de l’employeur, en cas de fermeture de site, à une obligation de recherche de repreneur et de consultation des représentants du personnel. Comment ces dispositions seront-elles articulées avec la procédure collective ? Enfin, la question de la définition du motif de licenciement n’est pas abordée, ce qui laisse subsister les difficultés correspondantes, l’attestation de sa cause réelle et sérieuse dans le cas de refus d’application d’un accord compétitivité-emploi restant soumise à ce qu’en fera le juge. L’accord limite positivement des délais applicables. Attendons donc les précisions pour juger.