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Clermont-Ferrand, côté social

Une tradition paternaliste vivace

Clermont-Ferrand, côté social | Métropoles | publié le : 02.02.2013 | Anne Fairise, Rozenn Le Saint

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Clermont Communauté

Crédit photo Anne Fairise, Rozenn Le Saint

Dans la crise, l’agglomération clermontoise tire bien son épingle du jeu grâce à un tissu diversifié de PME et à la présence, stabilisatrice, de Michelin. Qui a imprégné la culture locale.

Tranquille Clermont-Ferrand ! Alors que l’Hexagone plonge dans la récession, la capitale auvergnate fait office d’îlot préservé. En six mois d’activité, Christophe Coudert, commissaire régional au Redressement productif, aura peu sorti sa casquette de pompier : « Seules deux restructurations d’entreprise – dont une fermeture – sont directement imputables à la crise » dans ce bassin de tradition industrielle. En témoigne le taux de chômage, 8,4 % à peine, même si le chiffre reflète aussi l’exode des jeunes actifs. La clé de cette exception tient dans le tissu économique très diversifié, tiré par l’aéronautique, les technologies de l’information ou les biotechnologies, à la satisfaction des élus locaux qui n’ont eu de cesse, depuis vingt-cinq ans, de s’émanciper de Michelin. L’incontournable leader mondial du pneu, à qui la cité, construite en pierre noire de Volvic, doit son développement.

Certes, « Michelin-ville », c’est fini. À côté de la Manufacture, d’autres réussites font l’image de l’agglomération : le semencier Limagrain, les laboratoires pharmaceutiques Théa, Merck Sharp & Dohme-Chibret (MSD) ou Biogemma, numéro un européen dans les biotechnologies végétales. Mais avoir compté jusqu’à 30 000 salariés dans les années 80, et encore 11 000 aujourd’hui (hors emplois externalisés ou induits), a laissé des traces.

Incarnation d’un patronat catholique et paternaliste, la famille Michelin a fait bénéficier Clermont-Ferrand d’institutions sociales avant l’heure : crèches, écoles, maternité, hôpitaux, logements ouvriers. En 1917, quinze ans avant la création des allocations familiales, les Bibs avaient droit à une prime de naissance. La piscine Michelin a longtemps été le seul bassin, et l’ASM rugby reste subventionnée.

La culture entrepreneuriale aussi est durablement imprégnée. « Elle est basée sur le travail, et sur le secret d’entreprise afin de préserver l’avance technologique », explique un industriel local. En concordance avec l’esprit auvergnat, plus dans le faire que le dire ou, pis, l’afficher. Le fond de paternalisme reste vivace dans le tissu de PME et TPE. Les patrons, qui communiquent peu, ne portent pas forcément des politiques RH haut de gamme. « La confiance reste avant tout fondée sur les hommes, pas sur les process », souffle un consultant en management interculturel. Mais les employeurs vivent au pays et sont concernés. Révélateur, le travail du dimanche n’a jamais été une revendication.

Les relations sociales sont à l’avenant, marquées par une conflictualité faible. Si Clermont offre une caisse de résonance aux mots d’ordre nationaux, par des manifestations fournies, il faut remonter à l’hiver 2011 pour trouver trace d’un conflit long dans le privé. Quand les salariés du fabricant de matériels d’éclairage et d’alarme Cooper Sécurité ont bataillé près d’un mois, à Riom, pour obtenir une prime supralégale de licenciement. « La grève est vécue comme un outil à manier avec précaution. Les syndicats savent faire ce qui est nécessaire pour éviter le conflit. Et les employeurs aussi », constate Patricia Boillaud, directrice de l’Unité territoriale du Puy-de-Dôme. Sans préjuger de l’importance des réseaux militants et associatifs, très fournis dans ce fief socialiste depuis 1945. « La contestation se porte sur le plan politique, moins dans les entreprises », estime Claude Bost, secrétaire régional CFDT. C’est aussi la force d’une petite région où tout le monde se connaît, où les acteurs sont stables.

Une Région donneuse d’ordres. Si de nombreuses instances favorisent les échanges entre patronat, syndicats et décideurs publics, elles n’ont pas débouché sur un dialogue social structurant pour l’emploi, comme dans le Nord-Pas-de-Calais. « La Région est plutôt donneuse d’ordres », déplore un syndicaliste. Et n’avait pas jusqu’alors centralisé son action économique. « Chacun est resté fermé sur son histoire, son clan, sa chapelle. Les rencontres ont lieu mais sans initier de réelles coopérations. Ce n’est pas la tradition, mais les choses évoluent avec les nouvelles générations », précise Brigitte Nivet, responsable du pôle management et ressources humaines à l’ESC Clermont. Révélateur de la lente maturation : l’agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail compte parmi les dernières créées, en 2000. Nouveauté, à l’occasion des élections dans les TPE, la CGPME, inégalable en adhérents et en guerre ouverte avec un Medef tout-puissant, a convié les syndicats à une table ronde…

Ici, les chefs d’entreprise travaillent sans heurt avec l’équipe de Serge Godard, maire depuis 1997. À commencer par le premier employeur privé. La diversification dans le tertiaire doit beaucoup à Michelin Développement, qui a apporté soutien financier et savoir-faire à des centaines de PME en développement. René Zingraff, ex-cogérant du fabricant, occupe la première vice-présidence de la chambre de commerce. Et, depuis fin 2012, le directeur de la R & D du groupe a été détaché, à un tiers de son temps, sur le projet de Grand Clermont. Lequel, s’étendant jusqu’à Riom et Vichy, doit lui donner le statut de métropole, avec 400 000 habitants, et lui permettre de créer, espère Dominique Adenot, son président, « 20 000 emplois à très haute valeur ajoutée d’ici à dix ans ». Bref, renforcer l’attractivité de la capitale auvergnate, qui attend toujours sa liaison TGV avec Paris.

Les dix principaux employeurs privés

Michelin

11 000 salariés

La Poste

1 550 salariés

Banque de France

1 150 salariés

Crédit agricole

900 salariés

T2C

650 salariés

Trelleborg Industrial Hose

600 salariés

Leclerc

500 salariés

ISS Abilis France

500 salariés

Centre de spécialités pharmaceutiques

500 salariés

Auchan

400 salariés

Auteur

  • Anne Fairise, Rozenn Le Saint