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Éditorial

La tentation de Florange

Éditorial | publié le : 31.12.2012 | Jean-Paul Coulange

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La tentation de Florange

Crédit photo Jean-Paul Coulange

De l’année qui s’achève, on retiendra le cafouillage gouvernemental sur Arcelor Mittal. Dans cette affaire, un ministre, et non des moindres, a agité la menace d’une nationalisation des hauts-fourneaux lorrains, avant d’être fermement remis à sa place. Un concept dont on n’avait plus guère entendu parler depuis la vague de 1981, sans remonter jusqu’à celle de la Libération.

Cinq poids lourds industriels, Saint-Gobain, Thomson-CSF, Rhône-Poulenc, Pechiney ou encore la Compagnie générale d’électricité, une quarantaine de banques, plusieurs centaines de milliers de salariés concernés : les nationalisations de 1981 ont constitué une gigantesque opération d’appropriation d’entreprises en bonne santé puisqu’elles avaient créé près de 140 000 emplois durant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing pendant que l’industrie en perdait 500 000. La défense de l’emploi n’était pas l’objectif numéro un du gouvernement socialiste de l’époque, qui raisonnait en termes de politique industrielle, de renforcement du secteur public, de partage du pouvoir dans l’entreprise… Sauf que sur la liste des entreprises nationalisées juste après figuraient Sacilor et Usinor, fusionnées plus tard dans Arcelor. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le mouvement de nationalisation n’a pas endigué le déclin de la sidérurgie tricolore. Lorsqu’il a été privatisé en 1995, Arcelor comptait moins de 40 000 salariés, contre 95 000 en 1982 et 157 000 en 1975. La gauche n’en est pas directement responsable, mais ses dirigeants actuels auraient dû retenir la leçon. Pas Arnaud Montebourg.

Sa proposition visait à sauver l’emploi de plusieurs centaines de métallos et à éviter la fermeture du site lorrain. Mais le bilan risque d’être bien lourd pour l’exécutif, qui a réussi l’exploit de faire pire à Florange que Nicolas Sarkozy à Gandrange. Le divorce est entamé avec les syndicats pourtant modérés d’ArcelorMittal – à l’image d’un Édouard Martin qui n’a rien du va-t-en-guerre qu’était Xavier Mathieu chez Continental. L’opinion doute désormais de la capacité du président de la République et de son gouvernement à enrayer le chômage et la désindustrialisation qui affectent la France.

Pis, le ministre du Redressement productif a laissé croire aux sidérurgistes qu’un État moderne avait encore vocation à prendre de force le contrôle d’une entreprise, alors que la tendance est clairement à la privatisation et au désengagement de la puissance publique. Aujourd’hui, environ une personne sur dix travaille dans une entreprise publique, contre une sur cinq au milieu des années 80. C’est pourtant le message contraire qu’ont entendu les salariés des chantiers navals de Saint-Nazaire, dont l’État a pris un tiers du capital en 2008. Et d’autres revendications du même ordre pourraient fleurir au gré des sinistres industriels qui se déclenchent un peu partout.

Retrouvez la chronique de Sandrine Foulon « Ma vie au boulot » dans l’émission d’Alexandra Bensaid, « On n’arrête pas l’éco », tous les samedis à 9 h 10 sur France Inter.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange