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Retard à l’allumage dans l’intérim

Dossier | publié le : 31.12.2012 | Sabine Germain, Rozenn Le Saint

Le 11 avril paraissait le décret d’application de la loi Cherpion ouvrant l’intérim à l’apprentissage. Trop tard pour la rentrée 2012. Mais pas pour 2013…

C’est peu dire que les professionnels du travail temporaire l’attendaient avec impatience : « Nous payons une taxe d’apprentissage assise sur nos effectifs permanents et sur les intérimaires, explique Isabelle Duc, directrice de la formation de Randstad. La profession réclamait donc depuis longtemps le droit de conclure des contrats d’apprentissage pour les intérimaires. » Afin de ne plus avoir le sentiment de payer une taxe à fonds perdus… La loi Cherpion « pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels » l’autorise depuis le 28 juillet 2011. En théorie, du moins. Car, dans la pratique, les entreprises de travail temporaire ont jugé prudent d’attendre le décret d’application avant de se lancer. Décret qui n’est paru que le 11 avril dernier. « Trop tard pour être opérationnel à la rentrée 2012, alors que le gros du recrutement – calé sur les rythmes scolaires –, se fait entre avril et juin, regrette Thierry Vaudelin, directeur formation et apprentissage de Manpower. L’apprentissage est un dispositif lourd à mettre en œuvre. La seule adaptation de notre système de gestion des paies a été un parcours du combattant ! » Résultat : Manpower n’a signé qu’un seul contrat d’apprentissage, fin août. « Mais nous avons édité une plaquette d’information diffusée dans nos 700 agences. » Une façon de mobiliser le réseau pour la rentrée 2013.

Pionnier de l’apprentissage intérimaire, Adecco a signé le tout premier contrat en août. Depuis, une quinzaine d’autres seulement ont été finalisés, « du CAP à l’ingénieur, sur un éventail de métiers très large », explique Pascal Lavaud, responsable formation. Si le groupe est parti très vite, c’est parce que la demande de ses clients devenait pressante : « La gestion des contrats d’apprentissage est chronophage. De plus, les entreprises n’ont pas envie de porter le risque de rupture de contrat, forcément important avec des publics jeunes, notamment quand ils se lancent dans des cycles de formation longs. »

C’est dans la qualité de leur sourcing et la gestion administrative des contrats que les entreprises de travail temporaire apportent une valeur ajoutée. Celle qui leur a permis, au fil des années, de gérer de nombreux contrats de professionnalisation : 4 000 par an pour Adecco, autant pour Randstad, 3 000 pour Manpower.

Décollage attendu. Du reste, Thierry Vaudelin est convaincu que, dans l’intérim, l’apprentissage connaîtra la même courbe de croissance que les contrats de professionnalisation au début des années 90 : « Nous avons signé cinq contrats la première année, 13 la deuxième, plusieurs centaines l’année suivante… et 3 000 aujourd’hui. » L’apprentissage décollera sans doute plus vite encore car, entre-temps, les entreprises de travail temporaire ont eu le temps de se constituer un réseau de CFA et de centres de formation partenaires. Pascal Lavaud, d’Adecco, n’en reste pas moins lucide : « Le marché ne nous a pas attendus pour se structurer ! » Les professionnels du travail temporaire devront donc faire valoir leurs arguments pour convaincre les jeunes, les entreprises et les CFA de leur confier leurs dossiers. Le principal atout des entreprises de travail temporaire reste incontestablement la sécurisation des contrats. « Nous arrivons au bout de 80 % de nos contrats d’alternance alors que le taux de rupture moyen est plutôt de l’ordre de 50 % », explique Pascal Lavaud. La clé de cette réussite réside dans la qualité du sourcing : « Le recrutement, c’est notre métier ! rappelle Isabelle Duc, de Randstad. Si les entreprises nous confient le sourcing et la gestion administrative de leurs contrats d’alternance, c’est pour se recentrer sur leur cœur de métier. »

Autre valeur ajoutée des entreprises de travail temporaire : le double tutorat. « L’apprenti est suivi conjointement par un tuteur en agence (qui gère notamment les relations avec le CFA) et par son maître d’apprentissage en entreprise, qui peut ainsi se concentrer sur l’acquisition des connaissances sans avoir à s’occuper d’intendance ni de projet pédagogique », explique Pascal Lavaud.

Dernier argument, et non des moindres : les entreprises de travail temporaire financent la formation des apprentis intérimaires sur leur propre quota de taxes d’apprentissage. « Or certaines entreprises manquent de taxes pour financer leurs propres apprentis », explique Thierry Vaudelin. Pas étonnant, donc, que la profession se soit fixé des objectifs ambitieux : environ 2 000 contrats devraient être signés en 2013… et sans doute davantage les années suivantes. « Un tiers de nos intérimaires en contrat de professionnalisation ont moins de 26 ans, observe Isabelle Duc. Ils mobilisent une partie des 42 millions d’euros que nous affectons à la formation continue. S’ils étaient en apprentissage (donc financés par la taxe d’apprentissage), nous pourrions consacrer les budgets ainsi libérés à la formation continue des intérimaires. » On peut donc s’attendre à voir l’apprentissage croître davantage que les contrats de professionnalisation.

En tout cas, tous les acteurs sont dans les starting-blocks. « Nous sommes en ordre de bataille pour la rentrée 2013, prévient Isabelle Duc. Si Randstad finalise 400 contrats d’apprentissage, correspondant à 20 % de part de marché sur le marché temporaire, j’en serais ravie. » L’objectif est fixé.

S. G.

30 %

C’est le pourcentage de contrats de professionnalisation qui sont conclus d’emblée pour une durée indéterminée.

Un tiers

C’est la part de contrats de professionnalisation signés dans des entreprises de moins de 10 salariés ; un tiers le sont dans celles de 10 à 250 et un tiers dans celles de plus de 250.

Auteur

  • Sabine Germain, Rozenn Le Saint