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Idées

Comment développer le dialogue social dans les TPE ?

Idées | Débat | publié le : 03.12.2012 |

Les élections qui ont lieu dans les entreprises de moins de 11 salariés vont permettre de calculer la représentativité syndicale dans les TPE. Mais, à défaut de représentation interne du personnel, les très petites entreprises souffrent d’un manque de dialogue social.

Jean-Dominique Simonpoli Directeur général de l’association Dialogues

L’approche naturelle de l’exécutif et du législateur est trop souvent d’aborder les TPE par défaut, car elle concerne en priorité les grandes entreprises. Il est vrai que ces structures se caractérisent par une concentration des pouvoirs et des responsabilités sur le seul dirigeant ou sur une équipe très restreinte. Dans les territoires, les TPE sont des acteurs essentiels du dialogue social, même si le cadre juridique est peu propice à un dialogue structuré. Le droit du salarié est d’autant plus incertain que la présence syndicale y est difficile ou inexistante. Or la situation sociale de près de 5 millions de salariés des TPE fait apparaître de fortes disparités. Ainsi, la proportion de smicards est trois fois plus élevée dans les TPE que la moyenne nationale. Il est intéressant de noter que le sujet de la revalorisation salariale est difficile à aborder dans les TPE, de par la nature du lien existant entre le salarié et son dirigeant.

Dans ces conditions, comment construire un dialogue social de qualité qui dépasse la force du lien individuel ? Des tentatives existent pour structurer un dialogue social au niveau du territoire. Par une lettre commune au gouvernement, l’UPA, la CFDT, la CGT, la CFTC et la CFE-CGC demandaient en janvier 2010 l’instauration de commissions paritaires territoriales avec des représentants élus et qui serviraient de base à la mesure de la représentativité des organisations syndicales. La loi du 6 octobre 2010 n’a pas rendu obligatoire l’instauration de ces commissions, ce qui a provoqué la colère des organisations syndicales. Sans doute le législateur devra revenir sur le contour de cette loi, car on ne peut envisager un développement du dialogue social sans des dispositions spécifiques pour les salariés des TPE, en particulier par la création de commissions territoriales avec pour mission d’aider à l’instauration d’un dialogue social là où il est possible de le faire, d’expérimenter des formes de concertation, voire de négociation tenant compte de la réalité de ces entreprises, de mutualiser les bonnes pratiques, les expériences intéressantes. Un important effort de formation pourrait être fait en direction des dirigeants et des salariés dans les entreprises qui souhaitent mettre en place un dialogue social de qualité. Il faudra faire preuve d’imagination en considérant qu’on ne peut laisser sur le bord de la route du progrès social plusieurs millions de salariés.

Jean Lardin Président de l’UPA

En fait d’améliorer le dialogue social, ce qui pourrait sous-entendre un mauvais fonctionnement, il s’agit davantage de formaliser et de développer une forme de dialogue adaptée aux très petites entreprises. C’est l’objectif que l’UPA s’est assigné et qui a abouti à la signature d’un « Accord pour le développement du dialogue social dans l’artisanat » avec les cinq syndicats représentatifs de salariés le 12 décembre 2001. Aujourd’hui, toutes les régions métropolitaines sont dotées d’une commission paritaire régionale interprofessionnelle de l’artisanat – CPRIA –, lieu officiel et efficient du dialogue entre représentants des employeurs et des salariés. S’interdisant de négocier afin de ne pas percuter les accords de branche, les CPRIA traitent de l’aide au dialogue social, de l’accès à l’emploi, de l’information sur les métiers, des besoins de recrutement, de la GPEC, des conditions de travail, de la santé, de l’hygiène et de la sécurité au travail ou des œuvres sociales et culturelles. Cette solution est triplement gagnante puisqu’elle est de nature, à la fois, à accroître l’attractivité des TPE par rapport aux entreprises de plus grande taille, à respecter le dialogue naturel et quotidien entre le chef d’entreprise et les salariés et à éviter une représentation syndicale dans les petites entreprises qui serait totalement inadaptée. À tel point que l’UPA propose de porter à 21 salariés contre 11 actuellement le niveau à partir duquel l’entreprise est contrainte d’organiser une représentation interne du personnel.

Parallèlement, l’UPA partage la volonté de l’exécutif de constitutionnaliser le rôle des partenaires sociaux, à la condition que les acquis de la loi de modernisation du dialogue social de 2007 ne soient pas remis en cause. L’exemple de la négociation en cours sur la sécurisation de l’emploi, encouragée par l’exécutif, montre que la tentation des gouvernements, mais aussi d’une partie des partenaires sociaux, est de légiférer, de trouver des accords, répondant aux priorités des grandes entreprises mais oubliant les 98 % d’entreprises de moins de 50 salariés qui constituent le tissu économique français. En vérifiant la représentativité syndicale, notamment par le vote des salariés des TPE, et dans un deuxième temps la représentativité patronale, nous préparons les conditions d’une participation pleine et entière des TPE au dialogue social national.

Jean-Paul Guillot Président de Réalités du dialogue social

Ni les partenaires sociaux ni le législateur n’ont envisagé de mettre en place des instances de représentation du personnel dans les très petites entreprises. Ils n’ont pas pour autant renoncer à y développer le dialogue social, comme en témoignent l’accord de 2001 entre l’UPA et les cinq confédérations syndicales représentatives ou ceux de 2010 et 2012 signés par l’UNAPL, dont 95 % des 126 000 entreprises qu’elle représente ont moins de 10 salariés. Au-delà de ces accords nationaux, toutes les organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives considèrent que le dialogue social au niveau de la branche est essentiel. Pour elles, la branche est le bon niveau pour traiter des grilles de salaires, de la prévoyance, des repos compensateurs ou encore de l’attractivité d’un secteur.

Dans les territoires, de nombreuses initiatives ont vu le jour, comme la création d’une plateforme interentreprises en Lorraine pour permettre aux salariés l’accès aux avantages d’un CE, l’ouverture d’une crèche interentreprises à Saint-Dié, d’une trentaine de maisons des saisonniers sur des sites touristiques, un projet de CHSCT paritaire en Seine-et-Marne, la réalisation d’un guide paritaire sur la prévention des risques chimiques dans les entreprises artisanales du bâtiment en Poitou-Charentes. Ces initiatives attestent de l’intérêt des partenaires sociaux pour des réalisations concrètes. Néanmoins, les employeurs comme les salariés des TPE ont encore du mal à s’engager autant qu’il le faudrait dans le dialogue social de branche ou territorial.

Trois pistes au moins mériteraient d’être exploitées. Faire connaître dans les formations initiales et continues l’utilité et les conditions d’un dialogue social loyal et efficient. Cela pourrait être fait notamment par les chambres de métiers à l’occasion de l’installation d’un artisan, dans les écoles du notariat, d’architecture… ainsi que dans les CFA. Réduire le nombre de branches pour que toutes les entreprises soient effectivement couvertes par un dialogue social nourri, en limitant la dispersion des mandataires patronaux et syndicaux. Soutenir le développement du dialogue social territorial au niveau pertinent. Certaines collectivités ont compris l’intérêt d’appuyer les efforts des partenaires sociaux de proximité pour gérer des sujets très concrets comme l’emploi, le logement, la sécurité et les déplacements des salariés travaillant de nuit, etc.