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Éditorial

La compétitivité, de la théorie à la pratique

Éditorial | publié le : 03.12.2012 | Jean-Paul Coulange

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La compétitivité, de la théorie à la pratique

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Pendant que les partenaires sociaux vont leur train de sénateur sur le chantier de la sécurisation de l’emploi, Renault prend tout le monde de vitesse. Crime de lèse-majesté puisque l’État détient – encore – 15 % de son capital, le constructeur français a engagé, le jour même de la première conférence de presse de François Hollande, des négociations sur un accord de compétitivité. Trois mois au plus pour troquer de la flexibilité sur l’organisation du travail et de la modération salariale contre l’attribution de nouveaux modèles.

La CGT a beau crier au chantage, le groupe présidé par Carlos Ghosn ne fait que s’inscrire dans les pas d’une autre figure emblématique de l’industrie automobile : Sergio Marchionne. Dès 2011, bien avant la plongée des ventes européennes de véhicules, le patron de Fiat a conclu de tels accords dans ses usines de Naples et de Turin, échangeant augmentation de la durée du travail sous toutes ses formes contre hausse des salaires et investissements. Plus récemment, outre-Rhin, Opel, appartenant à l’américain General Motors, puis BMW ont fait de même avec le syndicat IG Metall, recrutements massifs à la clé.

En déduire que Renault se contente de se mettre au diapason européen est réducteur. Au cours de l’été, PSA a obtenu des syndicats du site nordiste de Sevelnord un gel des salaires et une flexibilité accrue en contrepartie d’un nouveau modèle. Et le groupe de Billancourt, déjà lui, a arraché en deux temps trois mouvements des concessions en termes de durée du travail et de rémunération moyennant un bon millier d’embauches dans ses quatre usines ibériques. Avec un taux de chômage de 25 % au-delà des Pyrénées, la négociation a été vite expédiée.

Il sera très instructif d’observer la réaction des organisations syndicales hexagonales, face à cette volonté de passage en force de Carlos Ghosn. On peut d’ores et déjà en tirer quelques conclusions. D’abord, qu’il ne faut plus utiliser la périphrase de « vitrine sociale » pour désigner Renault. Il y a belle lurette que l’ex-Régie nationale des usines Renault n’est plus un modèle en matière de gestion des ressources humaines. Ensuite, que Nicolas Sarkozy avait économiquement raison d’ouvrir le débat sur la compétitivité, même si l’intention était bien tardive, deux mois avant l’échéance présidentielle. Enfin, que les partenaires sociaux doivent, plus que jamais, aboutir à un pacte de compétitivité ouvrant la voie à des accords négociés, entreprise par entreprise. Sauf à laisser le champ libre aux abus en tous genres. Car le débat est loin d’être circonscrit à l’automobile. Le chimiste Arkema, qui n’est pas réputé pour faire partie de la frange la moins éclairée du patronat, a lui aussi tenté de monnayer de l’investissement dans deux de ses usines françaises contre une vaste réorganisation du travail. C’est au prix d’une telle remise à plat que le site France traversera la tempête.

Retrouvez la chronique « Ma vie au boulot », de Sandrine Foulon, rédactrice en chef adjointe de LSM, dans l’émission d’Alexandra Bensaid « On n’arrête pas l’éco », tous les samedis à 9 h 10, sur France Inter.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange