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Cumul emploi–retraite : beaucoup d’appelés, encore peu d’élus

Dossier | publié le : 03.12.2012 | Valérie Devillechabrolle

Travailler tout en étant retraité est tentant, mais concerne encore peu de gens. Des hommes, ayant une pension supérieure à la moyenne et qui prennent plutôt un statut d’indépendant, plus souple pour les employeurs.

Les sociétés de portage salarial et les cabinets de conseil spécialisés dans la mise en relation et l’information retraite surfent sur la vague du cumul emploi-retraite. « Avec plus de 20 % de hausse par an du nombre de retraités portés, nous devons à nos consultants seniors la dynamique de notre développement », témoigne Guillaume Cairou, le P-DG de Didaxis qui, cinq ans après sa création, devrait ainsi facturer 45milliards d’euros de prestations en 2012. De fait, plus de 500 000 personnes (dont 300 000 affiliés du régime général du secteur privé) combinaient en 2011 leur pension avec un revenu d’activité, selon le dernier recensement fait par l’Igas. Une proportion en hausse constante depuis la création de ce dispositif en 2004. Et les candidats se bousculeraient, semble-t-il, au portillon : « En moyenne, 30 à 40 % des salariés sont intéressés par un schéma leur permettant d’éviter une rupture brutale entre leur vie active et leur départ en retraite », estime Emmanuel Grimaud, le P-DG de Maximis Retraite, sur la base des résultats du premier baromètre d’information retraite publié cet été en partenariat avec le site d’information Simul-retraite.fr. Avec deux types de motivations bien distinctes, observe Guillaume Cairou : « Ceux qui souhaitent mettre leur expertise de haut niveau à disposition des entreprises, que ce soit en matière de formation, de conseil, d’assistance technique, de gestion de projet, et ceux qui veulent compléter un niveau de vie à la retraite insuffisant du fait d’aléas de carrière notamment, via la création de services à la personne de proximité. »

Stratégie antiturnover. Reste que l’accès à ce prétendu nouvel eldorado est loin d’être ouvert à tous. En moyenne, le taux de recours à cette modalité ne dépasse pas, selon la Cnav, 3,5 % dans le régime général, 8,7 % pour les professions libérales. Selon l’Igas, le profil type du cumulard est « plutôt un homme disposant d’un niveau de pension supérieur aux autres retraités et majoritairement en activité au moment de son départ en retraite ». Ainsi, près de 80 % des retraités actifs étaient en emploi au moment de la liquidation de leur retraite, contre 35 % de ceux qui ne choisissent pas cette formule. De plus, son impact financier est limité. Le salaire moyen perçu par les salariés cumulards varie de… 222 euros par an pour les 10 % de retraités les moins payés à 15 012 euros pour les 10 % les mieux rémunérés.

Quant aux employeurs, rares sont en réalité ceux qui, comme Philippe de Gibon, le P-DG du centre d’appels niçois Convers Télémarketing, placent le recrutement de retraités au cœur de leur stratégie « antiturnover ». La plupart des entreprises qui y ont recours le font encore « au cas par cas et dans des circonstances bien déterminées », observe Pascale Ernst, avocate associée au cabinet Fidal. À l’instar d’Hadrien Bondonneau, agent général de Thélem Assurances, qui n’a pas hésité à rappeler l’une de ses anciennes collaboratrices partie en retraite un an plus tôt pour seconder l’équipe récemment recrutée d’une agence en sous-effectif. « Outre la montée en compétences de l’équipe, le retour de cette professionnelle nous a permis d’adopter une meilleure organisation et une nouvelle répartition des tâches », témoigne cet agent général du Loiret.

« En dehors de cette gestion au coup par coup, les entreprises ne se sont pas organisées pour développer un véritable marché de leurs compétences passées, faute de s’être constitué une base de données de ces savoir-faire », remarque Rodolphe Delacroix, consultant au cabinet Towers Watson. Le maintien dans l’emploi des seniors a beau être devenu une priorité pour 49 % des 216 DRH interrogés par France Retraite et Add’if dans leur dernier baromètre, publié en octobre, seul 1 sur 10 entend pour autant favoriser le cumul emploi-retraite. « Vu la difficulté d’organiser la rupture de ce deuxième contrat de travail, le dispositif est à manier avec précaution », estime l’avocate Pascale Ernst, en regrettant que ce cas de figure ne soit pas prévu dans les possibilités de recours au contrat à durée déterminée.

D’où la multiplication des cumuls emploi-retraite sous statut d’indépendant ou d’autoentrepreneur. Le nombre de cumulards, retraités du régime général et affiliés au RSI, a d’ailleurs été multiplié par quatre en trois ans pour atteindre 44 000 en 2011. Selon les spécialistes, le cumul sous statut d’indépendant ne présenterait que des avantages : outre sa souplesse pour l’entreprise, ce montage permet notamment de « continuer à engranger des droits à retraite, contrairement au cumul sous emploi salarié », plaide Françoise Kleinbauer, directrice générale de France Retraite. Cet effet d’aubaine n’a toutefois pas échappé à l’Igas, qui prône au contraire de « généraliser dans toutes les formes de cumul autorisées le principe d’une cotisation non productrice de droits à partir du démarrage du cumul » et d’en harmoniser toutes les règles.

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle