Compenser une baisse des cotisations patronales par une hausse de la CSG ou de la TVA revient à ponctionner le pouvoir d’achat des ménages. C’est d’abord un « choc d’austérité salariale » qui s’ajoutera à celui programmé par le pacte budgétaire. La baisse des coûts salariaux qui en résulterait profitera très majoritairement à des secteurs abrités, avec peu d’incidences sur la compétitivité. Quant aux secteurs exposés à la concurrence internationale, la répercussion sur les prix – et ses conséquences possibles sur la compétitivité – sera limitée compte tenu des effets d’aubaine.
Plus au fond, la per tinence d’un choc de compétitivité prenant pour levier la baisse des coûts salariaux est douteuse. Dans l’industrie manufacturière, les coûts salariaux unitaires (corrigés de la productivité) ont augmenté bien plus vite en Allemagne qu’en France entre 1980 et 2010 (+ 30 %), même si cette tendance a été stoppée et s’est légèrement inversée dans les années 2000. Cela n’a pas empêché l’industrie allemande de rester compétitive. Car les avantages hors prix (qualité des produits, recherche et innovation) sont bien plus décisifs dans les économies développées.
Il existe deux justifications à un tel transfert. Les allocations familiales ou les prestations maladie hors indemnités journalières devraient être financées par l’impôt car ce sont des prestations universelles et non pas réservées aux seuls travailleurs. Ensuite, une réduction de l’écart entre le coût du travail et la productivité, en particulier pour les salariés les moins qualifiés, créerait des emplois. Mais le transfert du financement des prestations sociales non contributives doit se faire sur la CSG et non sur la TVA. En effet, la faiblesse des marges des entreprises françaises et les nombreux secteurs pro tégés limiteraient la baisse des prix hors ta xes à due concurrence de la baisse des charges. Ainsi, la hausse de TVA se traduirait par des hausses de prix à la consommation de même ampleur, ce qui engendrerait une chute des achats des ménages sans que les entreprises gagnent en compétitivité. L’impact négatif de la hausse de CSG sur la consommation serait moins important. Mais seul un effort dans l’investissement et l’innovation permettrait une amélioration durable de la compétitivité des entreprises françaises et de leurs marges sans que la France s’appauvrisse.
S’il fallait faire un choix entre TVA et CSG, il devrait se porter sur cette dernière. En effet, du fait des indexations de certains revenus sur l’inflation comme les retraites ou les loyers, augmenter la TVA fait échapper certains à l’effort collectif – en l’occurrence les retraités et les propriétaires. La CSG concerne tout le monde, ce qui a le double avantage d’éviter les problèmes de justice fiscale et d’avoir un rendement plus élevé. Néanmoins, ma réponse serait ni l’une ni l’autre. L’économie française a un souci de productivité – sous-utilisation de l’appareil productif due aux 35 heures, longue période de faible investissement – et de surconsommation liée à la distribution des revenus par l’État providence – un déséquilibre extérieur traduit un manque d’épar gne. La réponse à ces problèmes est d’admettre, d’une part, que le salaire est un prix (le prix du travail) et doit, comme tel, se déterminer sur un marché libre, d’où la nécessité de plus de flexibilité et non pas d’une manipulation de la fiscalité ; et, d’autre part, que les salaires trop élevés sont ceux versés par l’État, c’est-à-dire ceux de la fonction publique, d’où la nécessité d’en réduire les effectifs avant de se lancer dans des hausses de CSG ou de TVA.
Crise et croissance : une stratégie pour la France,
P. Aghion, G. Cette, E. Cohen et M. Lemoine,
D’où vient le déficit de compétitivité de la France ?, F. Ecalle.
Pas de « TVA sociale » mais une « CSG sociale » ?, J. Le Cacheux.
Rapport d’information sur le prélèvement à la source et le rapprochement et la fusion de l’IR et de la CSG.