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Idées

La vraie bataille du travail

Idées | Livres | publié le : 02.11.2012 | Jean Mercier

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La vraie bataille du travail

Crédit photo Jean Mercier

Grand syndicaliste italien, voix respectée de la gauche européenne, Bruno Trentin a gardé jusqu’à sa mort, en 2007, la conviction chevillée au corps que, face à la mondialisation, le mouvement ouvrier et ses représentants devaient changer de stratégie revendicative. L’ex-secrétaire général de la CGIL accuse ses confrères de se polariser sur la question de la redistribution et d’oublier le vrai terrain de combat : l’organisation du travail née du système tayloriste-fordiste. Cette critique n’épargne ni les organisations syndicales ni les intellectuels de gauche qui ont assimilé la fin de la classe ouvrière puis du travail salarié au déclin du travailleur abstrait de Ford. L’erreur tragique, pour la gauche européenne, aura été de vouloir se libérer de la classe ouvrière, se privant de ses références sociales originelles et, surtout, d’une vraie connaissance, de l’intérieur, des entreprises. Écrit il y a près de quinze ans, cet essai anticipe les difficultés rencontrées par le Parti socialiste français au pouvoir, qui souffre d’un double handicap : son éloignement des problématiques entrepreneuriales, du fait de son recrutement très élitaire, et sa difficulté à fidéliser sa base populaire. On retrouve ici le corpus idéologique de la CFDT des années 2000. Trentin théorise la distinction entre revendications quantitatives et qualitatives qui fit les beaux jours des joutes entre la CGT et la CFDT. Il place la diminution du temps de travail dans le qualitatif, se félicitant qu’elle privilégie la lutte préventive contre les dégâts du système, plus que le simple combat pour la monétisation de ces nuisances, par des augmentations de salaire. Bien sûr, les choses ne sont pas si simples et l’on a vu que le bilan des 35 heures en France avait une lourde part d’ombre. Dans la même logique, ce que l’auteur reproche à l’État providence, c’est d’avoir exclu de son champ la protection sur les lieux de travail des travailleurs les plus durement frappés par l’organisation tayloriste. Au total, ce livre désigne clairement comme ennemi le syndicalisme néocorporatiste, axé sur la défense salariale des acquis. En guise d’alternative, Trentin élabore un contre-modèle repensant l’organisation tayloriste-fordiste. Il conclut en insistant sur la nécessité de recréer du lien social dans le rapport de travail subordonné et de fournir à chaque salarié la possibilité de réaliser un projet personnel. Ce qui suppose un pas de géant vers une forme de citoyenneté sociale. Une réflexion généreuse et tonique par les temps qui courent.

La Cité du travail. Le fordisme et la gauche, Bruno Trentin. Éditions Fayard. 444 pages, 25 euros.

Auteur

  • Jean Mercier