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Idées

Métaphysiques du travail

Idées | Culture | publié le : 03.10.2012 | Sandrine Foulon

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Métaphysiques du travail

Crédit photo Sandrine Foulon

L’automne, c’est désormais une tradition, apporte son lot de romans qui interrogent avec intelligence le sens d’une vie au travail.

Thierry Beinstingel ouvre brillamment cette série avec Ils désertent (éd. Fayard, 19 euros). Ou le destin croisé d’une jeune directrice des ventes et d’un vieux VRP en papiers peints épris d’un autre commis voyageur, Arthur Rimbaud. Elle est embauchée pour virer l’« ancêtre », l’« ours », dont les méthodes de vente, pourtant efficaces, ne plaisent plus à la direction. Étrangère aux rites de l’entreprise, et lui, épuisé par des kilomètres d’asphalte dont il finit par douter de la matérialité, la jeune cadre et le vieux commercial finissent par déserter les chemins tout tracés.

Un destin tout tracé, c’est en revanche l’histoire de Marie, trop vite mariée, trop vite mère, promise aux ateliers des pièces de rechange de l’usine Peugeot de Vesoul, puis aux pièces de cuir des chaussures Myrys à Limoux. L’héroïne de la Grande Bleue (éd. La Brune, 18,80 euros), joliment dessinée par Nathalie Démoulin, ne s’était pourtant pas rêvée ainsi. À la manière des ouvriers de Notre usine est un roman, de Sylvain Rossignol, récit du combat des salariés contre la fermeture de leur usine de Romainville, au travers de l’épopée des Lip, Marie vit les revendications sociales des années 70 et apprend l’indocilité.

Dans un style très oral et ironique, Pascal Guillet dépeint dans son premier roman, Branta bernicla (éd. Verticales, 16,90 euros), un tout autre univers. Pour les non-latinistes et non-anglophones, Branta bernicla ou Brent goose est une oie sauvage qui a donné son nom au brent, le pétrole de la mer du Nord. Et justement, le métier de Simon, trader français exilé à Londres, c’est d’acheter et de revendre ce pétrole à coups de millions de dollars. Que la Chine surchauffe, que la Tunisie s’embrase, que la BCE toussote…, sans que personne ne sache réellement ce qui se trame.

Comprendre les raisons, c’est ce que recherche Paul Steiner, le personnage du roman d’Olivier Adam, les Lisières (éd. Flammarion, 21 euros). Partout où il passe, cet écrivain et scénariste « pas fait pour le travail » ne se sent chez lui. Mal à l’aise avec les bobos intellos auxquels il appartient, encore moins avec son père, ancien ouvrier communiste alsacien en passe de devenir frontiste, avec Sarah, son ex-femme qui travaille à l’hôpital, ou encore avec son frère véto… Mais c’est le retour dans la banlieue parisienne de son enfance, confronté à ses anciens camarades de classe (sociale), qui va le pousser à trouver sa place.

Un thème également exploré dans le magnifique roman de Jérôme Ferrari, le Sermon sur la chute de Rome (éd. Actes Sud, 19 euros). Matthieu et Libero abandonnent leurs études de philosophie à Paris pour revenir sur la terre de leurs ancêtres et prendre la gérance d’un bar en Corse. Le meilleur des bars possibles ne répond pas à leur vœu leibnizien mais vire au cauchemar. Un monde, comme le prédisait saint Augustin, condamné à s’effondrer.

Auteur

  • Sandrine Foulon