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Idées

Contrat d’avenir, contrat de génération… Comment financer la formation ?

Idées | Débat | publié le : 03.10.2012 |

L’efficacité des nouveaux contrats destinés à doper l’emploi dépendra largement des moyens que les organismes publics, collectivités, associations et entreprises mettront en œuvre pour la formation. Reste à définir le mode de financement de cet effort supplémentaire.

Jean-Paul Denanot Président de la région Limousin, président de la commission Formation professionnelle de l’ARF.

Les régions se sont engagées à accompagner le déploiement des emplois d’avenir et des contrats de génération en mobilisant leurs dispositifs de formation. Pour nous, il ne s’agit pas de « dépenser plus » pour la formation mais de « dépenser mieux ». La formation professionnelle souffre avant toute chose de ne pas avoir de pilote clairement désigné. Ce manque de coordination peut être résolu en confiant aux régions le rôle d’ensembliers des politiques d’orientation et de formation, en lien avec leurs compétences en matière de développement économique. Les « 15 engagements pour la croissance et pour l’emploi » cosignés par l’État et les régions vont dans ce sens en renforçant les responsabilités de ces dernières en matière de formation des demandeurs d’emploi et en leur confiant une compétence centrale sur le pilotage et l’animation territoriale de l’offre d’orientation tout au long de la vie. La formation sera aussi un élément fort de la réussite des nouveaux dispositifs, comme le contrat de génération. Les régions seront proactives sur le sujet, aux côtés de l’État et des partenaires sociaux.

Concernant les emplois d’avenir, les régions s’engagent et sont prêtes à contractualiser sur trois points. Premièrement, l’identification au niveau régional des filières et des métiers porteurs susceptibles d’accueillir des emplois d’avenir. C’est primordial pour une sortie vers des emplois durables. Puis les régions s’investiront dans la promotion des emplois d’avenir sur le territoire régional, la mobilisation et l’accompagnement des employeurs potentiels publics, associatifs ou privés. Il s’agit d’une question d’efficacité de la gouvernance qui ne devrait pas générer de dépenses surnuméraires dans la mesure où les dispositifs existent et ne sont pas saturés.

Enfin, elles mettront en œuvre, en partenariat avec les missions locales, les Opca et Pôle emploi, une ingénierie permettant un suivi individualisé des jeunes depuis les formations préqualifiantes en amont de l’emploi jusqu’à l’amorce du parcours qualifiant pendant l’emploi et l’orientation des jeunes si nécessaire dans des formations à l’issue de l’emploi. En l’espèce, il faudra inventer de véritables « parcours d’avenir » qui tiennent compte de la spécificité de ces jeunes construits la plupart du temps en opposition à l’école et ne maîtrisant pas les savoirs de base. Là encore, les régions possèdent les outils de cette prise en charge.

Danielle Kaisergruber Directrice de DKRC, experte auprès de la Commission européenne, membre du conseil d’administration de l’Afpa.

Au moment de la création de nouveaux contrats, la formation est toujours présentée comme l’indispensable accompagnement et la clé du succès. Dans la pratique, elle devient le plus souvent facultative. Le rapport de la Cour des comptes de 2011 montre que le manque de formation et la légèreté du suivi sont à l’origine des mauvais résultats des 390 000 contrats aidés existants avant la création des emplois d’avenir et des contrats de génération : 50 % des personnes obtiennent un emploi. Les résultats des emplois jeunes furent meilleurs (75 %). Ceux du contrat de transition professionnelle aussi : le recours massif et facilité à la formation s’inscrit dans un parcours.

Le contrat de sécurisation professionnelle qui lui succède obéit à la même logique de suivi avec des financements des Opca et du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Le plus difficile n’est pas de trouver des financements, mais de proposer aux jeunes et aux moins jeunes des parcours de progrès et de professionnalisation. Transformer un job, parfois un petit job, en métier, voilà l’enjeu. Les régions, qui ont « l’entière responsabilité de la formation des jeunes à la recherche d’un emploi », pourront contribuer auvolet formation des emplois d’avenir en redéployant certains de leurs multiples dispositifs. Pour les contrats de génération, c’est dans l’entreprise que les choses devraient se jouer avec l’appui des tuteurs. Mais encore faudra-t-il que cesseniors apprennent leur nouveau métier. Du temps devra être libéré pour cela et des formations devront être mises en place, qui pourraient être prises en charge par les Opca.

Derrière la question de la formation, il y a celle du suivi et de la simplicité d’accès, au bonmoment du parcours et sur les compétences qui font défaut. Qui peut former ? : de multiplesorganismes de formation, surtout ceux quitravaillent sur la formation comme moyen d’insertion. Ne pourrait-on pas faire des emplois d’avenir l’occasion d’expérimenter un système de chèques-formation qui pourraient être utilisés par le référent chargé du suivi et le jeune à tout moment du parcours ? Au financeur de s’organiser derrière. Faute de quoi on perdra une fois de plus une occasion de professionnaliser les jeunes et de faciliter les transitions des moins jeunes.

Alberto Lopez Directeur du Cereq. Michel Théry Chef du département formation et certification du Cereq.

La question de la formation des jeunes revient à l’occasion de la mise en place de ces deux nouveaux dispositifs, dont l’un implique les partenaires sociaux. Concernant la formation en accompagnement de l’adaptation au poste de travail, on imagine bien qu’elle interviendra dans le même cadre que pour les autres salariés. Pour ce qui est d’une formation susceptible de venir consolider le positionnement du jeune sur le marché du travail, elle doit être organisée dans la durée et on peut penser qu’elle devrait être qualifiante au sens où elle permette au jeune d’acquérir un titre ou un diplôme. De ce point de vue, un premier enjeu est celui de la reconnaissance de l’expérience acquise au travail. On peut saluer le fait que le législateur ait prévu la possibilité de prolonger un « emploi d’avenir » par un contrat de formation en alternance, aux termes de la loi adoptée le 12 septembre 2012 par l’Assemblée nationale.

Pour le financement de la formation, excepté le cas particulier des emplois d’avenir dans des collectivités territoriales, les futurs employeurs de ces jeunes sont des organismes de droit privé. Dans ou hors champ, ces entreprises ou associations cotisent à des organismes paritaires pour financer notamment la formation des publics jugés prioritaires. Pour les emplois d’avenir, nul doute que les priorités annoncées par le gouvernement sont en harmonie avec celles visées par les partenaires sociaux dans les deux accords nationaux interprofessionnels de 2003 et 2009. Pour les contrats de génération, la question est encore entre les mains des partenaires sociaux. Mais on voit bien que le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels pourrait être mis à contribution par les partenaires sociaux du niveau interprofessionnel national via les Opca, le gouvernement s’étant engagé par ailleurs à ne plus ponctionner ce fonds.

De telles perspectives relèvent évidemment de la négociation sociale qui s’ouvre actuellement. Il est encore trop tôt pour anticiper les points des accords qui vont naître de cette négociation mais il serait paradoxal que les organismes paritaires qui jouent un rôle central dans le domaine de la formation des salariés n’entendent pas apporter leur contribution à cette politique concertée avec les instances régionales prévues à cet effet. Le débat actuel, en ne mettant l’accent que sur la formation, laisse trop peu de place à la question principale : jusqu’où le travail confié aux jeunes sera-t-il formateur ?