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“Les salariés donnent la priorité à l’économique”

Actu | Veille | publié le : 03.10.2012 | Stéphane Béchaux

Effrayés par la crise, les Français s’accrochent à leur entreprise.

Depuis 1975, vous sondez chaque année les Français. Dans quel état moral les avez-vous trouvés dans votre dernière enquête ?

Les Français traversent une crise de confiance très profonde. Ils ne sont que 34 % à envisager les douze prochains mois avec espoir, et seulement 14 % à porter un regard positif sur l’avenir du pays à cinq ans. Un taux terriblement bas, entre deux et trois fois plus faible que dans les autres pays occidentaux. Les Espagnols, qui subissent une crise économique d’une tout autre ampleur, sont, eux, 35 % à voir l’avenir à cinq ans avec optimisme, et les Italiens, 40 %. Ces chiffres sont d’autant plus notables que les Français s’affichent, après les Allemands, comme ceux ayant été le moins affectés – à 38 % – par la crise.

Comment expliquez-vous ce pessimisme tricolore ?

Les Français manquent d’une volonté collective de transformation de la société. Ils ont adopté une position défensive dans laquelle ils cherchent à se protéger des évolutions socio-économiques liées à la globalisation. Ils font notamment preuve d’un très grand pessimisme à l’égard des institutions publiques. De plus en plus considèrent ainsi qu’il va falloir mettre en place des systèmes individuels de protection sociale. Dans un tel contexte, il ne va pas être simple pour le gouvernement de reprendre la main !

Cette sinistrose se manifeste-t-elle aussi au travail ?

Par contraste, la sphère de l’entreprise se porte très bien. La satisfaction au travail s’érode certes légèrement – à 79 % contre 82 % l’an dernier –, mais elle se maintient à un niveau historiquement élevé. De même, 76 % des Français se disent fiers d’appartenir à leur entreprise. Ils n’étaient que 49 % en 1998 dans ce cas. À trop se focaliser sur les risques psychosociaux, qui concernent surtout les grosses entreprises, on en vient à oublier que le travail construit aussi le lien social, qu’un grand nombre de salariés s’y épanouissent, qu’il les aide à construire leur vie personnelle et sentimentale. En revanche, les enquêtes montrent aussi un décrochage des mécontents. Au début des années 2000, l’amertume des insatisfaits était moins vive.

La crise contribue-t-elle à apaiser les frustrations ?

En 2012 comme en 2010, 43 % des Français déclarent qu’il leur serait « impossible de trouver du travail ailleurs » s’ils en avaient l’envie. Dont 51 % des cadres et 59 % des plus de 50 ans. Quand il fait froid dehors, on est déjà content d’être au chaud ! Les dernières enquêtes montrent clairement que les salariés jugent plus positivement le retour qu’ils reçoivent de leur investissement dans le travail. Aujourd’hui, 43 % trouvent la relation équilibrée, 23 % en leur faveur et 31 % en leur défaveur. En 2008, les taux étaient de 36 %, 19 % et 41 %.

Plus besoin, alors, de chouchouter les salariés ?

Dans cette période de crise aiguë, les salariés donnent très clairement la priorité à l’économique. Ils sont ainsi 65 % à considérer que les entreprises doivent se concentrer uniquement sur leurs rôles économique et d’employeurs. Et seulement 35 % à juger qu’elles doivent plus se préoccuper des conséquences environnementales et sociétales de leurs actions.

Les deux courbes se sont totalement inversées en deux ans. Ce qui ouvre un boulevard aux directions pour mettre en avant les enjeux de business. Jusqu’à maintenant, seuls les salariés de l’industrie jugeaient que leur entreprise pouvait mourir. Ils sont aujourd’hui rejoints par leurs collègues des services, notamment dans les banques. C’est tout à fait nouveau.

Auteur

  • Stéphane Béchaux