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Politique sociale

L’absentéisme malade de la crise

Politique sociale | publié le : 03.09.2012 | Sabine Germain

De 14,5 jours d’absence par salarié en 2010 à 14 jours en 2011, la baisse est modeste. Mais, crise oblige, les salariés hésitent davantage à s’absenter.

Rien à voir avec 2009, où le taux d’absentéisme a littéralement explosé, passant de 13,5 jours à 17,8 jours par an et par salarié. La crise est pourtant toujours là, aussi profonde qu’en 2009. Mais l’absentéisme est revenu au niveau moyen relevé par le cabinet Alma Consulting Group depuis quatre ans : 14 jours par salarié. « En 2008-2009, l’entrée dans la crise a été extrêmement violente, avec arrêt brutal de lignes de production et réduction drastique des stocks, se souvient Olivier Gignoux, directeur du pôle social d’Alma Consulting Group. Cela s’est traduit par une montée du stress et une forme de démobilisation : alors que la production tournait au ralenti, les salariés n’ont pas hésité à s’absenter. »

Deux ans plus tard, la situation est bien différente : « Les salariés ont compris que les cycles économiques se sont écourtés, observe Mickaël Hoffmann-Hervé, directeur général délégué chargé des ressources humaines du groupe Randstad France (4 000 collaborateurs). Ils sont prêts à voir les crises succéder aux crises. » On ne verra probablement plus de mouvements aussi erratiques qu’en 2009, quand l’absentéisme a bondi de 30 %. Mais un changement plus profond de comportement : « Les salariés ont intégré l’idée que la crise et la précarité de l’emploi ne sont pas près de disparaître, explique Jean-Claude Delgènes, directeur général du cabinet de conseil Technologia. Ils se sont donc adaptés en hésitant à s’absenter quand ce n’est pas absolument nécessaire ou en raccourcissant leurs pauses déjeuner… » Ce spécialiste de la santé et de la sécurité au travail y voit davantage une forme de présentéisme passif qu’un véritable engagement : « La baisse de l’absentéisme rassure les employeurs. Mais je ne suis pas convaincu qu’elle se traduise par une véritable augmentation de la productivité. »

Démobilisés. Cette forme de désengagement est directement liée à la qualité du lien tissé entre l’entreprise et ses collaborateurs. « Souvent, les périodes de PSE se traduisent par une hausse de l’absentéisme, constate Mickaël Hoffmann-Hervé. Certains collaborateurs se démobilisent ; d’autres en profitent pour prendre des décisions personnelles, comme avoir un enfant… »

De fait, le taux d’absentéisme est directement corrélé à la taille des entreprises. Il est à son plus bas niveau aux deux extrémités du spectre : dans les entreprises de plus de 1 000 colla borateurs (3,70 %), qui mènent de véritables politiques de prévention, et dans les PME de moins de 250 salariés (4,32 %), chiffre supérieur à la moyenne (3,84 %) mais qui reste inférieur à celui des grosses PME (4,74 %). Présidente de Linguaphone France (formation en langue, 100 salariés permanents), Sana Ronda y voit deux explications : « Les petites PME (au-dessous de 250 salariés) ont moins de “gras” que les PME de 500 à 1 000 personnes. Les absences y sont donc plus pénalisantes. De plus, le délai de carence de l’Assurance maladie n’est généralement pas pris en charge par les employeurs. Si bien que les salariés hésitent à s’absenter pour de courtes durées. »

Cette dirigeante en a eu la preuve très concrète il y a quelques mois, quand Linguaphone a absorbé une PME prenant en charge les jours de carence : « Le jour où le statut de ces collaborateurs a été aligné sur celui du groupe, le taux d’absentéisme a nettement baissé. » La subrogation, c’est-à-dire la prise en charge du délai de carence par l’employeur, a effectivement un impact : « Nous avons calculé qu’elle se traduit par une augmentation de l’absentéisme de 0,5 point », note Yannick Jarlaud, directeur du département absentéisme d’Alma Consulting Group. L’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), qui a publié en juin une étude sur les disparités régionales en matière d’arrêts maladie, constate ainsi qu’en Alsace ou en Moselle, où le délai de carence n’existe pas, la proportion d’arrêts maladie est plus élevée qu’ailleurs. Autre facteur : plus les contrôles des arrêts sont fréquents (17 % dans la Nièvre contre 10 % en Mayenne), moins l’absentéisme est élevé. L’Irdes note en outre que l’âge d’entrée sur le marché du travail joue un rôle. Plus de la moitié des salariés ayant eu un arrêt maladie ont commencé à travailler avant 22 ans.

Coûts indirects. Des absences qui plombent les comptes des entreprises : Alma estime entre 39 000 et 550 000 euros par an, une variation notable, leur coût direct pour une entreprise de 320 salariés. Quant aux coûts indirects (gestion des absences, baisse de production et de qualité, perte d’image), ils sont encore plus considérables : « On retient généralement qu’un point d’absentéisme coûte 1 % de la masse salariale, indique Yannick Jarlaud. Ce chiffre, certes facile à retenir, n’a aucun fondement scientifique. Nous avons en effet calculé que, selon les secteurs d’activité, les coûts indirects de l’absentéisme peuvent représenter entre 0,2 % et 4 % de la masse salariale. »

Pas question néanmoins d’en déduire que les employeurs sont les seules victimes de l’absentéisme. « Nos experts commencent à être saisis par des instances représentatives du personnel, notamment des CHSCT, qui leur demandent de travailler sur ces problématiques, observe Nadia Ghedifa, directrice générale de Secafi (Groupe Alpha Conseil). L’absentéisme perturbe l’organisation du travail et crée des tensions et des ruptures de solidarité au sein des équipes. » Les salariés présents en pâtissent tout autant que les employeurs.

Auteur

  • Sabine Germain