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Des masters à foison

Dossier | publié le : 03.09.2012 | Anne-Cécile Geoffroy, Emmanuelle Souffi, Adeline Farge

L’offre de formation ne cesse de s’enrichir et de se bonifier. Revers de la médaille : elle perd en lisibilité et ne maîtrise pas encore l’essor de l’alternance.

Après plus d’une décennie de règne sur le palmarès des formations de troisième cycle en ressources humaines, le Ciffop perd sa première place. Le cursus piloté par Muriel de Fabrègues et Frank Bournois reste bien entendu une excellente formation. Mais l’ESCP Europe, qui n’était pas présente dans le dernier palmarès, fait une entrée en force dans le classement. Une vraie renaissance pour le mastère spécialisé créé par Bernard Galambaud et aujourd’hui dirigé par Emmanuelle Léon. La jeune enseignante a véritablement revivifié ce diplôme, déjà de bon niveau, depuis qu’elle en a pris la direction, il y a deux ans. Elle a renforcé l’approche gestionnaire de la formation, créé un pôle droit et relations professionnelles, musclé ses relations avec les entreprises, à qui elle confie des « ateliers RH ». Pendant six mois, chaque semaine, les étudiants se rendent physiquement en entreprise. Les « jeudis du conseil » se déroulent au sein des cabinets pour permettre aux étudiants de comprendre que l’approche du métier de consultant RH, chez Accenture, BearingPoint ou SIA Conseil, n’a rien à voir.

Pour renforcer l’ouverture internationale, Emmanuelle Léon a également mis à profit ses relations très étroites avec les professeurs de l’université de Cornell, aux États-Unis. Les étudiants peuvent désormais préparer un double diplôme ESCP Europe-Cornell et surtout rencontrer et échanger avec des enseignants de renom. Seul handicap, le prix de la formation (15 200 euros l’année), qui peut freiner de nombreux candidats. Emmanuelle Léon le sait parfaitement et c’est sans doute ce qui lui a inspiré ces innovations. La jeune femme a d’ailleurs de nombreux autres projets. L’apprentissage en est un.

D’autres formations ont également fait leur entrée dans le palmarès. Celle de l’IGS, la formation très internationale de Michel Barabel à l’IAE Gustave-Eiffel ou encore celles de Sciences po Paris et de l’université d’Angers. D’autres en sont sorties, comme celles de l’IAE de Paris 1, de Paris V (Descartes), ou encore de l’Université catholique d’Angers. Ce qui ne veut pas dire que ces formations déméritent. Mais la compétition est rude. Les efforts entrepris pour gagner en qualité sont réels dans un très grand nombre de formations, qu’elles soient parisiennes ou provinciales. Pour réaliser ce palmarès, nous avons, comme par le passé, interrogé longuement l’ensemble des responsables de formation au moyen d’un questionnaire, complété d’un entretien, pour nous permettre de bien comprendre l’ambition et le travail de terrain mené par chacun. Au-delà du palmarès, ce passage en revue est aussi l’occasion d’apprécier les grandes tendances qui traversent le paysage des formations en ressources humaines. Et les deux défis qu’elles devront relever très vite.

CLARIFIER L’OFFRE DE FORMATION

Les responsables de master se plaignent tous de l’offre pléthorique de formation, le déplorent et pronostiquent de grandes difficultés d’insertion pour les diplômés, en particulier pour ceux issus des formations concurrentes, toujours moins légitimes à leurs yeux. Un discours qui se veut socialement responsable et politiquement correct. Mais qui n’est pas franchement suivi d’effet sur le terrain, car les formations en GRH ne cessent de se multiplier. Soixante-sept formations ont été passées au tamis des deux palmarès. Non seulement de nouveaux troisièmes cycles se sont créés, comme celui de l’université Paris X (Nanterre), dirigé par Éric Pezet, mais certains ont subdivisé leur master pour proposer des parcours différents, comme à l’IAE de Toulouse, ou ont créé une filière en apprentissage tout en maintenant la filière classique et celle en formation continue, en y ajoutant des cursus ouverts à distance (à l’IGS, par exemple). Autant d’occasions de gonfler les effectifs des promotions et de faire tourner le « business ».

La réforme LMD de 2004 entre enfin en œuvre. Les masters 2 ne sont plus les simples copies des anciens DESS. Ils commencent (enfin) à être correctement articulés avec les masters 1. Ce qui est aussi source de confusion pour les observateurs extérieurs. Concrètement, cela signifie que certains diplômes s’organisent sur deux ans. Principale conséquence : le recrutement se décale sur la première année de master où les étudiants sont souvent très nombreux à postuler. Pour continuer à recruter les meilleurs, la plupart des masters exigent de très bons résultats, une expérience à l’étranger (type Erasmus), un stage en RH et pourquoi pas une année de césure, de plus en plus répandue à l’université, pour poursuivre en master 2 sans repasser sous les fourches caudines de l’entretien ou du miniconcours.

Conséquence de ces évolutions, les entreprises ne s’y retrouvent plus (voir le sondage réalisé auprès des adhérents de l’ANDRH, page 82). Sauf à ce que les patrons des masters résistent aux tendances du marché, celui-ci fera sans aucun doute le ménage dans les prochaines années. Car, avec la loi LRU et la très forte internationalisation du marché de l’éducation, les établissements, les universités et les grandes écoles fusionnent ou vont fusionner. Ils vont donc être poussés à toiletter leur offre. L’IAE Gustave-Eiffel (commun à l’université Paris-Est Créteil et à l’université de Marne-la-Vallée) abrite ainsi deux formations cousines et toutes deux tournées vers l’international ; l’université de Lorraine, qui regroupe aujourd’hui les anciennes universités de Metz et de Nancy, abrite aussi deux formations en GRH. L’ESC Clermont vient, de son côté, de fusionner avec d’autres écoles pour fonder France Business School. Le mastère spécialisé pourrait bénéficier de ce rapprochement pour doper sa visibilité. L’association annoncée entre Dauphine et l’IAE de Paris I a pour le moment été reportée. Mais elle devrait avoir un impact à moyen terme sur la formation pilotée par José Allouche à l’IAE et celle d’Éric Campoy à Dauphine. Le prochain palmarès risque donc fort d’être à nouveau bouleversé.

MAÎTRISER L’APPRENTISSAGE

Vraie innovation il y a une dizaine d’années, l’apprentissage est entré dans les mœurs à l’université. Il est désormais plus simple de décompter les formations qui n’ont pas encore franchi le pas (et qui ne le souhaitent pas forcément) que le contraire. Les masters 2 en gestion des ressources humaines sont donc tous très professionnalisés. Pour se démarquer, certains ont construit des cycles de « spécialisation » qui viennent s’ajouter au programme officiel de master. Le master MRH de l’université de Lille 1 a ouvert le bal il y a deux ans. Deux « intensifs » (d’une centaine d’heures chacun), l’un sur la recherche (pour les étudiants qui souhaitent y goûter avant de se lancer dans la vie active), l’autre sur les relations sociales, permettent de donner une « coloration » à leur diplôme. Dauphine ouvre aussi à la rentrée trois « certificats »: relations sociales, compensation and benefits, développement des compétences (soixante-dix heures chacun). Objectif : permettre aux jeunes diplômés de séduire des employeurs qui hésitent à recruter des juniors sur des postes très techniques. Sup des RH propose également ce type de spécialisation.

Le développement exponentiel de l’apprentissage a aussi beaucoup bousculé le métier des patrons de master, en particulier à l’université. Tuteurs de jeunes, ils doivent entretenir des liens étroits avec les maîtres d’apprentissage dans les entreprises, ne serait-ce qu’en allant les rencontrer une ou deux fois par an sur leur lieu de travail. Une évolution très positive qui a renforcé les liens entre les formations et les entreprises. L’argument selon lequel les formations universitaires seraient moins professionnalisantes que celles des écoles et les enseignants complètement déconnectés des réalités de l’entreprise ne tient plus vraiment la route. Reste que le recours à l’apprentissage, trop erratique, pose à tous de nouvelles questions. Les maîtres d’apprentissage sont souvent seuls pour cornaquer les étudiants. L’accompagnement des jeunes est donc encore à professionnaliser. Surtout dans les entreprises. Pour les aider à avancer sur le sujet, certaines formations ont commencé à travailler sur la question, comme l’IAE de Lille qui propose des matinées de réflexion avec les maîtres d’apprentissage sur le suivi des jeunes.

Dur apprentissage. Par ailleurs, peu d’études existent aujourd’hui sur les conditions de travail des alternants. Mais tous les profs le disent, ils sont souvent très impliqués et certains sont déjà sur les genoux dès la mi-année. Jean-Emmanuel Ray, patron du master de l’université Paris 1, a ainsi réorganisé le déroulement de l’année et revu l’évaluation de ses apprentis, afin de les soulager, en favorisant le contrôle continu plutôt que les examens finaux. Mais il demeure difficile pour les responsables de master d’alerter les entreprises et de limiter certains abus. L’excès le plus criant est la façon dont les entreprises utilisent les contrats d’apprentissage. Tenues d’embaucher 4 % d’alternants, certaines ont ainsi tendance à faire tourner les apprentis sur de véritables postes, jamais pourvus en interne. Éric Campoy à Dauphine et Franck Brillet à Tours ont décidé de blacklister les mauvaises élèves. À bon entendeur…A.-C. G.

Les 10 meilleures formations initiales en gestion des ressources humaines

1 ESCP Europe, mastère spécialisé Management des ressources humaines et des organisations

2 Ciffop, master Gestion des ressources humaines et relations du travail

3 Lille I, master Management des ressources humaines

4 IGS, 3e cycle Responsable en management et DRH

5 Paris Dauphine, master Management des ressources humaines

6 IAE de Dijon, master Gestion des ressources humaines

7 IAE Gustave-Eiffel, master GRH dans les entreprises multinationales

8 Sciences po Paris, master Gestion des ressources humaines

9 Paris I, master Développement des ressources humaines

10 Université d’Angers, master Management international des ressources humaines

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy, Emmanuelle Souffi, Adeline Farge