Les chantiers sociaux du nouveau quinquennat s’annoncent nombreux et complexes, à la mesure de la situation économique du pays et de l’état des comptes publics, qu’il s’agisse des régimes de protection sociale ou de l’Unedic. Au-delà des attentes compréhensibles des Français sur le front de l’emploi, particulièrement en direction des jeunes, l’une des inquiétudes récurrentes a trait aux défaillances d’entreprises. De ce point de vue, la récente décision de la Cour de cassation dans l’affaire Viveo apporte, à la fois, une sorte de répit et une forme de contrainte. D’une part se trouve conjurée la crainte d’une nouvelle rigidité qu’aurait occasionnée la systématisation du contrôle du juge sur le caractère économique d’un licenciement ; de l’autre, chacun voit bien que le régime juridique actuel, en particulier du point de vue de la hiérarchie des normes entre accord collectif et contrat de travail, mais aussi de la protection des salariés et du rôle des instances représentatives, ne peut perdurer longtemps en l’état.
Il sera intéressant d’observer, dans les temps à venir, le jeu des acteurs. Quelles places respectives, dans le processus de la future conférence sociale, entre organisations représentatives et autres confédérations, qu’elles soient syndicales ou patronales, mais aussi entre ces dernières et d’autres instances, grandes collectivités territoriales, par exemple, sur leurs champs de compétences ? Surtout, à l’heure où les débats sur la croissance vont se trouver relancés, singulièrement dans le concert européen, il conviendra d’observer les liens qui seront ou non établis entre les problématiques du dialogue social, les nouveaux axes de politique industrielle ou encore les efforts de relance de l’exportation. Plus que jamais, les dimensions économique, sociale, internationale seront interdépendantes et il est vraisemblable que cette évidence, du point de vue gouvernemental, ne restera pas sans conséquence pour les interlocuteurs des pouvoirs publics.
Ce relatif éclatement des frontières, qui pourrait permettre de dépasser les cloisonnements dont la France a le génie, ne trouvera son plein effet que s’il se prolonge dans d’autres sphères. Sociale, d’abord, puisque ce vaste périmètre devra intégrer des dimensions comme la lutte contre les exclusions, les politiques de la jeunesse, l’action en direction des quartiers en difficulté. Territoriale, ensuite, s’agissant non seulement de mettre de l’ordre dans les compétences, à la faveur d’un nouvel acte de décentralisation, mais, même au sein de l’appareil d’État, de trancher entre approche par politique publique en « tuyaux d’orgue » et dimension plus horizontale ou interministérielle, recherchant plus d’efficience et moins de confusion. Car seule la modernisation de nos institutions et de nos modes de régulation ouvrira la voie, fût-elle étroite, à celle de nos structures économiques et de la société française dans son ensemble.
Nous perdons – avec regret – un bloc-notiste. Comme Raymond Soubie avant lui, Michel Yahiel cesse sa collaboration à Liaisons sociales magazine, entamée en octobre 2010, pour rejoindre l’Élysée, où il a été nommé conseiller social. Vous lirez donc ici son dernier Bloc-Notes, livré avant la constitution de l’équipe de François Hollande. Nous le remercions vivement d’avoir tenu la plume avec talent durant ces vingt mois et lui présentons tous nos vœux de réussite dans ses nouvelles fonctions.
La rédaction