Remède antistress, le sport permet de cultiver la « positive attitude ». Toutes les raisons sont bonnes pour s’y mettre. Même dans les PME.
Vive le sport ! » Gérard Holtz n’avait pas son pareil pour flatter les champions à la fin de l’émission « Stade 2 ». Nos dirigeants en ont fait leur maxime. Remède miracle contre le stress et vecteur de motivation, enchaîner les foulées au déjeuner ou réunir son équipe autour du ballon ovale devient presque banal. Ou du moins, pas surprenant. À l’heure du « mangez cinq fruits et légumes par jour », ne rien faire vous fait passer, au mieux, pour un dilettante, au pire, pour un tire-au-flanc. Un quasi-diktat que les entreprises déclinent sur plusieurs tons.
Une fois par semaine, Nathalie enfile son body à l’heure de la cantine et pousse la porte de la salle de sport installée juste au-dessous de son bureau. Cadre chez Natixis, elle ne louperait pour rien au monde ce rendez-vous avec son coach. Elle a bien de la chance. Parce que les trois salles de fitness de 1 200 mètres carrés chacune affichent complet ! Pour espérer faire du step, il faut être tiré au sort. À 80 euros par an, même le plus allergique est tenté de se faire un peu mal. « 50 % des salariés de l’entreprise pratiquent une activité sportive au moins une fois par semaine, 20 % plusieurs fois et le nombre de ceux qui n’en font jamais diminue d’année en année, observe Hervé d’Harcourt, DRH adjoint de Natixis. Cela participe à l’équilibre global des collaborateurs. »
Le sport au travail, nouvelle tarte à la crème des entreprises ! Mais également nouvelle panacée dans la lutte contre les risques psychosociaux. « Il faut désédentariser l’homme de l’entreprise, plaide Benoît Eycken, cofondateur du cabinet de conseil Alizeum. S’il reste dans le garage, le corps se dégrade. Or une société n’est performante que si les hommes sont bien dans leur peau. » Pas une multinationale qui n’ait des équipements sportifs dignes du Club Med Gym ou une association sportive à faire pâlir de jalousie les collectivités locales. Même si tout le monde n’a pas envie de transpirer avec ses collègues, la salle de fitness est plébiscitée pour sa proximité et ses tarifs. Au Crédit agricole-Crédit lyonnais (CACL), la fréquentation a bondi de 12 % entre 2011 et 2012 ! « Le tabou du corps est en train de tomber, estime Christophe Inzirillo, fondateur du cabinet Koroïbos. C’est un outil de travail. L’entreprise mettant le salarié dans des situations qui le malmènent, il est normal qu’elle s’en préoccupe. » Qu’il paraît loin le temps (c’était en 1897) où une poignée de facteurs se réunissaient pour apprendre aux collègues à faire du vélo ! Cent ans plus tard, l’ASPTT (Association sportive des PTT) reste la plus ancienne et importante structure sportive d’entreprise. Mais celles de Michelin (avec 4 000 adhérents) et du CACL (2 200 adhérents), elles aussi centenaires, n’ont rien à lui envier. Randonnée, karting, équitation, golf…, des dizaines d’activités y sont proposées pour moins de 100 euros par an. Sans compter les tournois interentreprises. « Ce sont des créateurs de liens ; on porte les couleurs de son entreprise et on se bat sur le terrain comme dans son travail », résume Béatrice de Brie, présidente de l’association sportive du CACL, dont l’équipe de tennis rafle tous les ans la première place du championnat interentreprises.
Chez PepsiCo, le programme Be Wizz convertit depuis 2008 les 500 salariés aux vertus du sport. « Les foulées du vendredi » rassemblent à l’heure du déjeuner des dizaines d’entre eux autour d’un footing. Avec le déménagement du siège de Nanterre à Colombes, des plages horaires entre 12 heures et 14 heures ont été négociées dans les infrastructures de la ville. À l’époque, le directeur général, Vincent Prolongeau, est un marathonien émérite et le DRH, Marc-Henri Bernard, un ex-joueur de handball de niveau international… Il vaut mieux que la direction soit partie prenante, car ce genre d’avantage a un coût, en partie financé par les comités d’entreprise et les adhésions. Près de 5 millions d’euros par an chez Michelin.
Des salariés plus satisfaits. Pour quels résultats ? Selon les directions, il limiterait l’absentéisme. « C’est un antistress évident », estime Béatrice de Brie, du CACL. De plus, il gommerait les conflits et doperait l’image de l’employeur. « Après la mise en place du programme Be Wizz, nous avons gagné 20 points de satisfaction sur l’item environnement-conditions de travail malgré un passage en open space, savoure Marc-Henri Bernard, ancien DRH de PepsiCo France. Et, en 2010, j’ai reçu plus de 10 000 CV par an, contre 6 000 en 2004. »
Une fois tous les deux mois, Référence DSI se met au rugby. Créée en 2009, cette TPE de 15 personnes a construit son socle de valeurs autour de l’ovalie. Durant un an, elle suit le programme de coaching conçu par la Ligue des anciens rugbymen des grandes écoles (Large). « Quand vous écoutez les joueurs de l’équipe d’Oyonnax, plus petit budget français et numéro deux en Pro D2 voilà trois ans, vous vous demandez comment ils font ! décrit Thibaut Cornudet, l’un des cofondateurs. En fait, si on s’attache tous individuellement à être bon, on le deviendra tous collectivement. » Des leçons de vie dont les directions raffolent. « Le rugby est un système organisationnel. Si vous ne mettez pas en jeu votre ténacité, vos doutes…, vous ne serez pas un bon joueur », résume Christian Sérieys, qui a inventé la méthode de Large.
En short et en maillot, les écarts hiérarchiques s’estompent. « Le patron, c’est celui qui a la balle et pas forcément le chef de service ! Le leadership est partagé », constate-t-il. Forte de 900 membres, Large recourt régulièrement aux stars du XV de France dans des entreprises en pleine mutation. Comme chez Sanofi, où les équipes informatiques étaient bouleversées par le passage de 30 data centers à 3. « Le jeu leur apprend à être complémentaires. Au rugby, il faut des petits, des costauds, des grands. La conjugaison des différences fait la réussite », résume le président de Large. Chez Michelin, le coach de l’ASM, équipe historique de Bibendum, participe souvent à des séminaires d’équipes. Claire Dorland-Clauzel s’en souvient encore. Des entraînements en tenue plus cinq minutes de récupération dans l’eau froide, et la vie de l’entreprise serait transformée ? « On a besoin de savoir reconnaître l’échec et de ne pas le condamner, car il va avec le risque », estime la directrice de la communication.
Pédaler dans les dunes, s’essayer au tir, manier la boussole lors d’une course d’orientation… Fabrice de L’Épine, P-DG de l’agence de publicité Première ligne, n’a pas ménagé son équipe cette année au Touquet ! « Les gens se surpassent, s’entraident, on découvre les forces et faiblesses de chacun », détaille ce joueur de squash. Auparavant, PAP Conseil, qui a tout monté, a rencontré chacun des 17 salariés pour les sonder.
À l’opposé, il y a la conférence-confession où, deux heures durant, le sportif raconte son histoire en tentant d’établir des parallèles avec M. Tout le Monde. « L’entreprise se fait plaisir, témoigne Chantal, cadre chez Philips, qui a assisté à un speech de Guy Forget. Ça ne va pas me faire oublier tous ces gens poussés vers la sortie du jour au lendemain… » Une fois éteints les projecteurs, la réalité revient vite. « La crise économique permet de revenir aux fondamentaux (honnêteté, respect, courage), note Benoît Eycken, cofondateur d’Alizeum, agence de communication sport et santé. Mais un succès se construit dans la durée. Un champion met dix ans à émerger… »
Qui est le sponsor du Tour de France ? Le Crédit lyonnais ! De Roland-Garros ? La BNP ! Moyennant quelques millions d’euros, les ténors du CAC 40 utilisent la compétition pour doper leur image. Fait nouveau, de plus en plus, ils valorisent en interne l’investissement qu’ils dédiaient au grand public. Question de crédibilité. « Quand un salarié apprend par l’extérieur que sa boîte est sponsor de telle équipe, il perçoit ça comme une dépense. Cela devient un actif si c’est son boss qui lui annonce », tranche Gilles Dumas, cofondateur de Sportlabgroup, spécialiste du conseil en marketing sportif. En novembre 2011, en pleine convention, les salariés de la Société des eaux d’Aix-les-Bains (Groupement des Mousquetaires) voient débarquer le sprinteur Christophe Lemaitre, venu remettre des médailles aux meilleurs d’entre eux et signer sous leurs yeux son contrat de sponsoring. Depuis, ils peuvent dîner ou même enchaîner les foulées avec lui. C’est prévu dans l’accord qui le lie au fabricant jusqu’en 2016.
Le sponsoring s’étant démocratisé, les PME s’y sont mises. Référence DSI, TPE de 15 salariés spécialisée dans la mise à disposition d’informaticiens à temps partagé, parraine le rugby club amateur d’Orsay pour… 2 000 euros ! À gagner ? Des places, voire des rencontres avec les joueurs. C’est ce que fait à plus grande échelle la Société générale, partenaire de la Fédération française de rugby. À chaque match de l’équipe de France, des billets sont mis en jeu sur l’intranet. Lors de la dernière Coupe du monde, 7 500 salariés ont participé au concours de pronostics. En paquet-cadeau, les 48 ballons de l’épreuve. Régulièrement, Marc Lièvremont, ancien sélectionneur national du XV, Didier Retière, ex-entraîneur adjoint, ou Émile Ntamack, coach, dévoilent les ressorts de l’esprit d’équipe devant un parterre de salariés. « Le sponsoring est un actif différenciant, il vous offre une exclusivité », souligne Raphaël Niemi, responsable du sponsoring et des événements à la SG. Et tant pis si le catamaran démâte au bout de deux heures de course…