Les temps changent. Après une fin de quinquennat marquée par une défiance réciproque du chef de l’État et des corps intermédiaires, le nouvel exécutif entend bien renouer les fils du dialogue social. Le candidat socialiste avait pris soin de recevoir les partenaires sociaux – à l’exception notable de la présidente du Medef, jugée trop sarkophile – à son QG de campagne. Une fois élu, il a nommé Rue de Grenelle l’un de ses fidèles, Michel Sapin, dont le portefeuille intègre – et c’est nouveau – dans son intitulé le dialogue social. De même qu’Arnaud Montebourg s’est vu confier le redressement de la production, le nouveau ministre du Travail s’attelle au rétablissement d’une démocratie sociale décatie.
Première pierre à l’édifice, la conférence de juillet fixera, sauf improbable sortie de route de la majorité lors des élections législatives, l’agenda des prochains mois et clarifiera la répartition des rôles entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Difficile de ne pas faire le parallèle avec la grand-messe organisée à Matignon, en octobre 1997, par le gouvernement de Lionel Jospin. À l’époque, l’exercice était circonscrit à l’emploi et visait à convaincre le patronat comme les syndicats de troquer une réduction du temps de travail contre une modération salariale et de la souplesse dans l’organisation du travail. Mais, à entendre Martine Aubry, il s’agissait, déjà, d’inventer un mode de cogestion à la française, tel qu’il existe en Allemagne dans les démocraties du nord de l’Europe. On sait ce qu’il advint de ladite conférence tripartite et des 35 heures, imposées par la loi aux partenaires sociaux et aux entreprises.
On ne fera pas, avant l’heure, un procès d’intention à la nouvelle équipe. Mais force est de constater que les relations entre les gouvernements de gauche et les organisations syndicales sont compliquées, les premiers étant convaincus de porter naturellement les valeurs des secondes, au point de se passer, parfois, de leur avis pour réformer. D’autant plus que, cette fois-ci, il n’y a plus d’argent dans les caisses. Le différend sur les salariés qui seront éligibles à la retraite à 60 ans (trimestres effectivement cotisés ou simplement validés) en témoigne.
Un brin utopique qu’elle soit, l’idée d’un pacte social ne doit pas pour autant être jetée aux oubliettes (voir également notre Débat page 70). La gauche peut profiter de cette période troublée pour rebattre les cartes. La réforme de la représentativité syndicale s’achèvera en 2013, faisant émerger une nouvelle liste d’organisations légitimes pour négocier à l’échelle nationale. D’ici à cette échéance, Bernard Thibault, François Chérèque et Laurence Parisot auront été remplacés ; et il ne tient qu’au gouvernement de changer les règles de la représentation patronale pour faire une place aux acteurs de l’économie sociale. Tout semble donc prêt pour bâtir ce pilier essentiel d’une sociale-démocratie : le tripartisme.