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Les RH à l’heure de la mobilité

Dossier | publié le : 04.06.2012 | Florence Puybareau

Smartphones, netbooks, Wi-Fi… La diffusion des outils mobiles et l’explosion du nomadisme obligent les entreprises à adapter le fonctionnement de leurs RH. Un défi social, organisationnel et technique qu’elles ne sont pas toutes prêtes à relever.

S’il n’est pas fondamentalement nouveau, le mouvement a pris, depuis deux ans, une ampleur inattendue, bouleversant le fonctionnement de beaucoup d’entreprises et obligeant ces dernières à s’interroger sur leur organisation, voire à se remettre en cause. Cette tendance, qui est en passe de devenir une grande lame de fond, concerne la mobilité. Mobilité physique d’abord, avec une proportion croissante de collaborateurs travaillant en dehors d’un lieu fixe et unique. Certes, une partie de la population salariée, à l’instar des techniciens ou des commerciaux, était déjà itinérante. Mais aujourd’hui tous les secteurs et toutes les fonctions sont susceptibles d’être concernés. Qu’il s’agisse de cadres de multinationales, d’employés de PME ou de fonctionnaires, le nomadisme se généralise. Au sein d’un même site, il devient de plus en plus fréquent de changer de bureau pour assister à une réunion ou participer à un groupe de travail. En se munissant le plus souvent d’un téléphone mobile et d’un ordinateur portable.

Une telle progression de la mobilité « humaine » n’aurait pas été possible sans les nouveaux outils technologiques : smartphones (téléphones intelligents) netbooks (miniportables), tablettes, solutions de visioconférence, mais aussi réseau Wi-Fi et, plus généralement, Internet haut débit ont bouleversé le rapport au temps et à l’espace. Et, contrairement à certaines idées reçues, plus l’entreprise est petite, plus l’équipement, notamment en smartphones, est important.

Un véritable problème organisationnel. Sans être brutale, cette évolution a néanmoins été rapide, laissant les équipes de direction des ressources humaines parfois démunies. Mais elles ne sont pas les seules. Les responsables informatiques et, dans une moindre mesure, les directions des achats et parfois les directions générales ont été également impactés. Ce qui concernait avant tout des logiques de sécurisation des données, d’homogénéisation des parcs informatiques et d’investissement technologique est aussi devenu un véritable problème organisationnel : comment gère-t-on une entreprise quand une partie des collaborateurs, jusqu’alors sédentaire, peut devenir nomade ? Quels processus mettre en place pour accompagner le travail collaboratif ? Comment recruter et former des salariés (la fameuse génération Y, notamment) qui ne jurent que par les réseaux sociaux, ignorent les messageries intranets et privilégient le SMS et le chat via le téléphone mobile ?

Autant de questions qui se posent aujourd’hui. Tous les secteurs d’activité n’ont pas réagi de la même manière, certains s’emparant très vite de ces technologies. C’est le cas des sociétés de services informatiques et, d’une façon générale, des sociétés de conseil, qui emploient beaucoup de jeunes parfaitement équipés et rodés aux outils de mobilité. La mise en place de portails Internet où chaque collaborateur dispose de son espace RH dédié (gestion des congés, demande de formation, etc.) a été une première étape que les entreprises doivent maintenant adapter aux nouveaux usages : « La mobilité comme la dématérialisation et les réseaux sociaux font partie des innovations que peut apporter la fonction RH, souligne Hélène Mouiche, analyste senior au cabinet Markess International qui vient de réaliser une enquête sur les leviers d’innovation pour les DRH. Mais attention, la demande vient surtout des collaborateurs, notamment des top managers et du management intermédiaire. Pour les DRH, ce ne sont pas encore des projets prioritaires. D’après notre étude, seules 6 % des entreprises ont rendu accessible leur SIRH via des terminaux mobiles. Il y a une crainte quant à la confidentialité des données et à la sécurisation des accès. Par ailleurs, dans nombre d’entreprises, l’équipement est encore insuffisant pour déployer une application à large échelle. »

Les solutions RH qui sont développées pour les terminaux mobiles sont celles qui impliquent directement la vie quotidienne du salarié, comme la gestion du temps, des congés ou des frais professionnels. Apparaissent aussi des applications de reporting ou des comptes rendus d’entretiens annuels. Mais ce sont surtout les réseaux sociaux et les solutions de recrutement qui font aujourd’hui l’objet de toutes les attentions : « La plupart des grandes organisations mettent en place des réseaux sociaux et, peu à peu, les déclinent pour les smartphones. C’est un moyen de dialogue asynchrone très efficace. Le salarié n’est pas obligé d’être à son poste de travail pour répondre », souligne David Guillocheau, directeur associé au sein du cabinet de conseil RH Talentys.

Quant aux solutions de recrutement, elles restent encore essentiellement tournées vers l’interne, et rares sont les entreprises à avoir développé une solution grand public pour smartphones et tablettes. Exception notable, « EDF recrute », qui propose une application (sur iPhone et iPad) permettant de visualiser les annonces du groupe, de postuler et même d’envoyer des offres à des amis.

Un fil à la patte pour le collaborateur. Bien sûr, pour les DRH, s’appuyer sur de tels équipements dans la gestion de leur activité peut poser des problèmes sociaux puisque le collaborateur se retrouve avec un véritable fil à la patte, relié en permanence à l’entreprise par son outil mobile. Si, pour éviter les abus, certaines directions n’ont pas hésité à interdire à leurs salariés d’envoyer des e-mails professionnels la nuit ou de se connecter au système d’information de l’entreprise pendant le week-end, les craintes ne sont pas toujours partagées : « Les réactions face aux applications RH sur mobile en tant que lien permanent avec l’entreprise sont mitigées. Il n’y a pas vraiment de frein de la part des collaborateurs. Ce sont plutôt les DRH qui hésitent », explique Vincent Noyet, responsable marketing chez Bodet Software. « Il faut accompagner les collaborateurs, car on ne peut pas déployer ce type de solution sans conduite du changement. Mais le DRH non convaincu n’acceptera pas de tels outils car ce sont des solutions qui ont un impact sur l’organisation de l’entreprise », renchérit André Demollière, d’ADP France.

Une question de compatibilité. Outre l’enjeu social, la mobilité est aussi un défi technologique pour l’entreprise. Il est d’abord nécessaire de disposer d’applications qui sont paramétrées spécifiquement pour les terminaux mobiles. Par ailleurs, sauf si le parc de l’entreprise est totalement homogène – tout le monde disposant de la même marque de smartphone –, la solution devra être compatible avec plusieurs terminaux. C’est-à-dire au moins deux smartphones (iPhone, Android, BlackBerry et/ou tablette). Un choix qui ne peut donc être fait qu’en collaboration avec la direction informatique. Enfin, comme le rappelle Hélène Mouiche, « autoriser l’accès au SIRH via un terminal mobile, c’est favoriser l’ouverture à des données qui sont stratégiques pour l’entreprise.

Or beaucoup d’entre elles ne sont pas encore prêtes à sauter le pas ».

Mais ne voir dans la mobilité technologique qu’un casse-tête organisationnel et technique serait réducteur et incomplet. Car si l’utilisation des outils peut entraîner des abus, elle est aussi un accélérateur de communication et un formidable moyen de décloisonner l’entreprise : « Ce genre de solutions présente de gros avantages. Elles accélèrent la fluidité de l’information, permettent des gains de productivité et une réduction des délais », commente Hélène Mouiche. Sans compter la valorisation de l’image de l’entreprise, qui apparaît moderne et innovante aux yeux des candidats à l’embauche comme aux yeux des clients.

Auteur

  • Florence Puybareau