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Idées

Comment améliorer la formation des demandeurs d’emploi ?

Idées | Débat | publié le : 04.05.2012 |

Le candidat Nicolas Sarkozy préconise de former les demandeurs d’emploi à des activités en tension et de les obliger – quitte à passer par un référendum – à accepter une offre d’emploi correspondant à cette formation. Un dispositif également proposé par le récent rapport de Gérard Larcher.

Paul Desaigue Conseiller confédéral CGT à la formation initiale et continue.

Un demandeur d’emploi est d’abord un travailleur privé d’emploi qui dispose d’une qualification nécessitant éventuellement une progression ou une évolution. Le premier objectif devrait donc être d’identifier cette qualification, de réaliser un état des lieux des aptitudes du chômeur afin de les confronter avec celles requises dans les emplois disponibles. Alors seulement peut être engagée une formation permettant d’actualiser ou de compléter la qualification de la personne. Les « stages parkings » sont contre-productifs car ils déconsidèrent la formation. Il faut mobiliser les outils existants, comme la préparation opérationnelle à l’emploi qui, à partir d’une offre déposée à Pôle emploi, propose à un chômeur volontaire une formation lui permettant de compléter ses compétences pour occuper rapidement ce poste. La formation concerne toujours les acquis d’une personne singulière. Or les pratiques de Pôle emploi sont massivement tournées vers des formations de masse ou des aides aux entreprises. Une évolution de ces pratiques – et sans doute du cadre légal de fonctionnement – devrait tendre vers un traitement personnalisé des demandeurs d’emploi, tant le besoin de sur mesure devient évident. Enfin, des pratiques expérimentées dans certains secteurs comme l’agriculture, avec une découverte des métiers par insertion en situation réelle de travail, pourraient être envisagées à condition d’être sérieusement encadrées. Les demandeurs d’emploi n’ont pas nécessairement besoin de formation. Souvent qualifiés, ils ont surtout besoin de reconnaissance de leurs qualifications. De nombreuses années de non-reconnaissance de ces qualifications par refus de les rémunérer ont structuré un gisement massif de qualifications inexploitées car non visibles. Le bilan de compétences et la validation des acquis de l’expérience permettent de les reconnaître et de les valider a posteriori.

Au bout du compte, la formation ne crée pas l’emploi. Pour connaître les compétences qui seront nécessaires demain, il faudrait que les branches professionnelles publient les informations prévisionnelles sur les emplois dont elles auront besoin. Un dépôt systématique des offres par les entreprises permettrait à Pôle emploi, qui n’en reçoit que 15 %, de mieux anticiper ses politiques de formation.

Danielle Kaisergruber Directrice de DKRC, administratrice de l’Afpa.

Les demandeurs d’emploi pourraient mettre à profit cette période d’inactivité forcée pour se former : c’est une évidence, d’autant que certains ont besoin de changer de métier. Ce n’est pas du tout ce qui se passe : seul un petit nombre de chômeurs se forment. Et passer par la formation est une vraie galère pour les conseillers de Pôle emploi ou des missions locales ainsi que pour les demandeurs d’emploi eux-mêmes. Trois raisons à cet état de fait : trop de dispositifs, trop de mesures, et donc en rajouter n’arrangera rien ; au contraire. Trop de financeurs : une formation, parfois la même, peut être achetée par le conseil régional (c’est sa compétence principale en matière de formation professionnelle), par Pôle emploi, par le conseil général pour les chômeurs au RSA, par l’Agefiph pour les demandeurs d’emploi handicapés, par l’État. Et parfois même l’intéressé devra compléter. Enfin, pas d’outil informatique unique qui donne à la fois les informations sur les places disponibles et la possibilité d’inscrire les futurs stagiaires. Du coup, les conseillers de Pôle emploi reculent devant le fait de recommander une période de formation, bien que de plus en plus de chômeurs le réclament.

Trois pistes d’amélioration : cesser impérativement d’inventer de nouveaux dispositifs et simplifier ceux qui existent. Pour ce faire, il est nécessaire de regrouper les financeurs, quelle que soit leur susceptibilité. Ensuite, rendre quasi automatiques les formations courtes mais très utiles : un complément de certification pour un électricien, un magasinier, une formation au permis de conduire, à la maîtrise du français, aux compétences clés. C’est l’avis du conseiller qui déclenche l’entrée en formation, et on lui fait confiance. On paie après. Ou bien on accorde une enveloppe à chaque agence. Lorsqu’il s’agit d’une formation longue et qualifiante, il faut travailler sur le projet professionnel qui va avec la demande de formation : c’est le rôle des conseillers, des organismes de formation qui sont organisés pour le faire, l’Afpa par exemple. Enfin, si une « bibliothèque nationale des formations »doit être mise en place, il restera à la rendre opérationnelle pour les inscriptions en for­mation. Une condition impérative : augmenter le nombre de places de formations finançables. En refusant ce gâchis d’énergie, donc de temps, donc d’argent, on peut en trouver les moyens.

Marc Ferracci Chercheur au Crest, maître de conférences à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée.

Augmenter le nombre de formations destinées aux chômeurs est aujourd’hui une nécessité, mais il faut en parallèle s’attaquer aux défauts d’un système à la fois inéquitable et inefficace. Inéquitable car la complexité du parcours qui mène à la formation conduit les demandeurs d’emploi les moins qualifiés à être moins fréquemment formés que les autres. Les travaux de la Dares sur le sujet montrent ainsi que le service public de l’emploi propose plus de formations aux individus les moins qualifiés. Pourtant, au terme du parcours d’obstacles consistant à trouver une formation adaptée, un prestataire accessible et un financement décent, ce sont finalement les plus employables qui accèdent le plus souvent aux stages. Pour améliorer l’équité du système, il faut donc le simplifier, tout en ciblant les moyens sur ceux qui en ont le plus besoin.

Une réponse réside dans la généralisation des chèques formation, que les demandeurs d’emploi pourraient faire valoir directement auprès des prestataires sans avoir à construire de dossiers de financement complexes qui découragent les moins qualifiés. Outre la simplification qu’ils entraînent, l’intérêt de ces chèques est qu’ils peuvent aisément être modulés en fonction du niveau de diplôme initial. Ce type de dispositif a été évalué en Allemagne et contribue à améliorer les perspectives de retour à l’emploi de ses bénéficiaires, tout en incitant les prestataires à mieux répondre aux besoins du marché du travail.

Améliorer l’efficacité des formations est en effet le second enjeu d’une réforme ambitieuse, car former plus de chômeurs peut mener au gaspillage des deniers publics si les stages n’ont pas d’effet tangible sur le retour à l’emploi stable. Or, sur ce point, les évaluations existantes des données françaises sont ambiguës : la formation contribue à rallonger la durée du chômage, mais aussi celle de l’emploi retrouvé. Pour améliorer l’efficacité des formations, il faut donc généraliser le principe d’une évaluation, ou en tout cas d’un suivi statistique des chômeurs formés. La rémunération des prestataires pourrait être ainsi en partie liée aux résultats qu’ils obtiennent, ce qui les inciterait à investir constamment dans l’innovation pédagogique. L’évaluation permettrait en outre un meilleur ciblage des formations : les travaux empiriques montrent que l’effet de ces ? dernières diffère selon le public concerné et selon le moment où elles interviennent dans l’épisode de chômage.