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Les mutuelles montent en puissance

Dossier | publié le : 04.05.2012 | V. D.

Plus solides, plus gros, les groupes mutualistes gagnent des parts de marché sur le terrain du collectif. Les mutuelles d’assurance aussi via des alliances. Ce qui rebat les cartes dans le secteur.

Sans complexes, les mutuelles interprofessionnelles n’hésitent plus à chasser sur les terres des grands contrats collectifs d’entreprise ou de branche, qui étaient jusque-là plutôt l’apanage des groupes paritaires, et, en sous-main, des assureurs privés. Dernier exemple en date, la couverture santé obligatoire de PSA qui entre en vigueur le 1er juillet : si Malakoff Médéric a remporté l’appel d’offres, Prévadiès, adhérent de l’union Harmonie Mutuelles, en a récupéré 30 %. Du fait de ses implantations en Bretagne et dans l’Est, « Prévadiès assurait déjà 10 % des salariés du constructeur automobile », observe Thierry Masson, son directeur général. De son côté, Mutex, fruit de la transformation de l’ex-UNPMF en société d’assurance, a décroché quelques jolis contrats de prévoyance en 2011, comme ceux d’Alstom, de Pôle emploi ou encore du régime des contractuels de la SNCF.

Certes, les mutuelles ont toujours détenu une part non négligeable du marché des entreprises. Selon la dernière enquête annuelle de la Drees auprès des complémentaires, 38,5 % des salariés étaient couverts en collectif par une mutuelle, 41,5 % par une institution de prévoyance et 20 % par une société d’assurance. « La nouveauté vient du fait que nous sommes plus visibles et que notre puissance de feu nous permet aujourd’hui de devenir un acteur clé du marché des grands comptes », se félicite Thierry Masson, par ailleurs président du directoire de Mutex. Avec l’accélération des fusions, les groupes ont atteint une taille critique. Les cinq mutuelles interprofessionnelles qui devraient d’ici à 2013 se fondre au sein d’Harmonie Mutuelles réalisent plus de 2,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour 4,6 millions d’assurés (dont 57 % en collectif). Si Adrea concrétise en 2013 sa fusion avec la SMI, le nouvel ensemble pèsera 720 millions de cotisations pour 1,8 million de personnes et plus de 17 000 entreprises couvertes. Dans le même temps, « ces mutuelles ont aussi conforté leur solidité financière », reconnaît un expert. À l’instar de Mutex, qui a bénéficié de près de 300 millions d’euros de recapitalisation de la part des six mutuelles qui en sont à l’origine.

Un virage impératif. Pour les poids lourds mutualistes, ce virage stratégique était devenu un impératif. Avec le développement accéléré des accords de branche en santé, les contrats collectifs ne cessent de grignoter sur l’individuel. Leur taux de pénétration a progresséde 10 points en trois ans pouratteindre 44 %des contrats complémentaires en 2009, selon la Drees. Au risque, pour des mutuelles cantonnées à l’individuel, de se voir siphonner leurs adhérents salariés et de ne conserver que les retraités et les chômeurs.

En parallèle, la saturation du marché en assurance dommages et les perspectives assombries de l’assurance vie poussent les mutuelles d’assurance à s’aventurer aussi sur le terrain du collectif. Conscientes de leur inexpérience en matière de conception et de tarification des contrats, ou encore faute de réseau de distribution pertinent, ces dernières ont jusqu’à présent préféré nouer des partenariats stratégiques avec des institutions de prévoyance. Exemple : Covéa (Maaf-MMA-GMF) a accueilli l’Apgis, l’institution gestionnaire des contrats Carrefour, Sanofi-Aventis ou Française des jeux. Une alliance qui a déjà débouché sur la signature de 200 nouveaux contrats collectifs fin 2011, se félicite-t-on chez Covéa. Quant à l’Icirs, l’institution de prévoyance de la Macif, elle s’est unie, l’an passé, avec AG2R Prévoyance. Avec l’ambition de réaliser d’ici à cinq ans 170 millions de chiffre d’affaires en prévoyance collective, grâce notamment à la porte d’entrée que constituent les 5 000 comités d’entreprise clients de la Macif.

Sur le terrain, les syndicats voient plutôt d’un bon œil l’offensive mutualiste. Elles constituent des solutions viables et acceptables pour les mutuelles d’entreprise, dans lesquelles les représentants syndicaux sont souvent investis, comme l’a illustré, en 2010, le cas des industries électriques et gazières (dont le contrat est à 90 % assuré par Prévadiès et la SMI) ou, plus récemment, celui de la mutuelle IBM qui vient de trouver refuge dans le groupe Macif. Sous réserve « de bien articuler la place de chacun dans la gestion du contrat », prévient Jean-Claude Albinet, président de l’Union nationale des mutuelles d’entreprise. Le réseau de distribution des mutuelles constitue leur autre gros atout. « Pour contacter les PME des branches où nous sommes désignés, les 400 commerciaux de la Maaf ont constitué un élément fondamental de notre décision de rejoindre Covéa », explique Jean-Pascal Labbé, le secrétaire général de l’Apgis.

Reste que l’irruption de ces nouveaux acteurs impacte les sociétés d’assurance, habituées à réassurer les gros contrats confiés aux institutions de prévoyance. « On aime bien les mutuelles lorsqu’elles gagnent des marchés avec nous », concède un assureur. Même ambivalence du côté des grands délégataires de gestion. « De plus en plus d’entreprises exigent de dissocier porteur de risques et gestionnaire du contrat. Tant que les mutuelles n’accepteront pas cette configuration, elles seront exclues des appels d’offres », remarque l’un d’eux. « Cette séparation artificielle ne nous permet pas de contrôler pleinement le risque », plaide-t-on côté mutualiste.

A contrario, d’autres se rapprochent délibérément de ces nouveaux entrants : « Notamment pour contrer l’offensive des institutions de prévoyance qui tendent à écarter les autres acteurs des contrats de branche », note Charles Robinet-Duffo, nouveau P-DG du groupe Henner. Du côté des partenaires sociaux, les sentiments sont partagés entre ceux qui, comme la CFDT, poussent au rapprochement entre mutuelles et groupes paritaires en vue de constituer de véritables pôles d’économie sociale aptes à affronter la concurrence des sociétés d’assurance, et ceux qui, au patronat ou à FO, redoutent une dilution du paritarisme et une perte d’influence dans la gestion de ces contrats collectifs.

Auteur

  • V. D.