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Les DRH serrent les boulons

Dossier | publié le : 04.05.2012 | V.D.

Les organismes complémentaires font face à une charge en hausse et la répercutent sur leurs clients. Du coup, les entreprises traquent les dérives et cherchent les économies.

Entre le doublement de la taxe sur les contrats responsables (désormais fixée à 7 %), le plafonnement des indemnités journalières à 1,8 smic et l’accélération de la réforme des retraites (à 62 ans en 2017 au lieu de 2018), le gouvernement a continué, en 2011, à charger la barque des régimes collectifs en santé et prévoyance. « En trois ans, sous l’effet des taxes, l’assiette des cotisations a diminué de 13 % », rappelle Thierry Vachier, directeur exécutif prévoyance, santé, retraite au cabinet Siaci Saint Honoré. Sans compter la dérive des dépenses : depuis 2007, c’est l’escalade, avec une hausse cumulée des remboursements de plus de 24 % en quatre ans, selon le baromètre Henner. Forcément, l’équilibre des contrats en pâtit. Toutes familles confondues, les organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam), qui ont, en 2010, encaissé plus de 17,5 milliards de primes sur les contrats collectifs, ont dégagé, comme en 2009, un résultat technique négatif de 250 millions, selon le dernier rapport ACP-Drees sur la situation financière des Ocam publié cet hiver. À une différence près : cette année, les assureurs complémentaires n’ont pas hésité à présenter la facture aux employeurs.

Et ces derniers ont accusé le coup. À l’instar de nombre de ses homologues, Jean-François Boueil, le DRH de Rémy Cointreau, rappelait fin mars, lors de la C & B University d’Adding, avoir ainsi commencé l’année 2012 « avec une masse salariale plombée de 1 % du seul fait des surcoûts en santé et prévoyance ». « On a partagé les hausses de cotisation avec les salariés », témoigne le DRH d’un cabinet de conseil informatique. Avant d’aller au clash avec les syndicats, « les entreprises attendent de savoir à quelle sauce elles seront mangées après l’élection présidentielle », souligne un assureur en faisant référence à l’éventuelle remise en cause des exonérations de charges sur les contrats collectifs ­réclamée par la Cour des comptes. Mais les DRH ­temporisent aussi, car « la protection sociale complémentaire est encore une façon d’octroyer du pouvoir d’achat, à défaut de pouvoir accorder des hausses de salaire », souligne Thierry Vachier.

Plus de remboursement à l’aveuglette. En attendant, les employeurs s’efforcent de professionnaliser le pilotage de la couverture santé et prévoyance. Quitte à imposer à leurs prestataires (gestionnaires et assureurs) un accompagnement et une réactivité de plus en plus grands. « Cela nous a contraints à devenir l’un des principaux investisseurs en systèmes d’information », note Charles Robinet-Duffo, le président du groupe Henner. Ce courtier fait d’ailleurs de la maîtrise des dépenses un argument publicitaire en se targuant d’être parvenu à contenir la dérive annuelle des dépenses de son portefeuille à 3,66 % en 2011 : « C’est 42 % de moins que le marché ! ». Plus question en effet de rembourser à l’aveuglette ! Le contrôle des prestations s’effectue dorénavant en temps réel, quitte à abaisser le plafond des prestations vérifiées automatiquement. « Ce contrôle a été généralisé depuis deux ans sur l’optique à l’ensemble de notre portefeuille », observe Denis Campana, de Mercer. Idem en prévoyance lourde où « les comptes de résultat, les modalités de calcul des provisions, des taux techniques applicables sont disséqués », note Olivier Ferrère, du cabinet de courtage Laversanne. Objectif : calculer les réserves nécessaires au plus juste, surtout lorsqu’elles ont fini par constituer un véritable matelas… chez l’assureur. Exemple chez GDF Suez où, grâce au siphonnage des réserves, les cost-killers maison sont parvenus à réduire les cotisations prévoyance de 50 % en deux ans.

En matière de réactivité, « les grands comptes exigent désormais de suivre mensuellement la consommation des garanties », confirme Christian Marey, directeur général de Mutex. Si bien que la durée du cycle entre l’analyse des comptes et l’adoption des mesures correctives s’est fortement réduite : « De trois ans à dix-huit mois », reprend-il. Surtout, « les employeurs exigent désormais des anticipations de leur sinistralité en année N, voire N + 1, tenant compte de la démographie de l’entreprise et des consommations enre­gistrées sur les premiers mois de l’année », reprend Denis Campana, de Mercer. Une anticipation bien utile en cas de dérive : « Cela permet de prévoir l’enveloppe nécessaire dans les futures négociations annuelles obligatoires », indique Matthieu Havy, directeur général du délégataire de gestion breton Génération.

Consommation sous surveillance. Et gare aux garanties qui flambent davantage sous l’effet d’une dérive consumériste que d’un réel besoin médical ! À l’instar de l’optique, qui a de nouveau dérapé en 2011 de 8,75 % en glissement annuel, selon le dernier baromètre Mercer. Après l’ajustement des remboursements en fonction des corrections et l’obligation d’en passer par des réseaux aux tarifs négociés, les employeurs s’attaquent désormais à la fréquence d’achat d’équipements, ramenée d’un tous les ans à un tous les deux ans. Et ce n’est sans doute qu’un début, estime Anne Marion, du cabinet lyonnais Actuarielles : « Petit à petit, les garanties santé vont avoir tendance à se recentrer sur l’essentiel. Autrement dit ce qui est vraiment grave et coûteux comme l’hospitalisation, le dentaire, les consultations médicales et les médicaments en vignette blanche », pronostique-t-elle.

Une reconfiguration des garanties qui risque également de s’accélérer d’ici au 31 décembre 2013 avec la nécessité d’harmoniser les régimes cadres et non-cadres pour rester dans les clous du décret du 9 janvier 2012 sur les catégories objectives. D’ici là, « tant que nous aurons les moyens de conserver nos régimes avantageux, nous les maintiendrons », promet Jean-François Boueil, le DRH de Rémy Cointreau. Mais en sachant que le budget dévolu à chaque salarié sera arbitré en fonction de l’évolution des exonérations fiscales et sociales…

Les frais de gestion dévoilés

Les frais de gestion des contrats santé sont dans le collimateur des pouvoirs publics. En vertu d’un amendement adopté dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012, les assureurs complémentaires vont être obligés « d’ici à la fin de l’année » de faire apparaître « le montant de ces frais contractuels de manière lisible » dans le rapport annuel adressé aux souscripteurs des contrats. Sachant que, selon les organismes et la nature des contrats, ces charges de gestion « varient significativement », d’après le rapport ACP-Drees publié fin novembre. S’agissant des contrats collectifs, les frais varient ainsi de 18,7 % en moyenne dans les institutions de prévoyance à 21 % dans les mutuelles (20,3 % dans les sociétés d’assurance)… Un niveau qui inclut toutefois la contribution CMU de 6,27 %, transformée, depuis le 1er janvier, en taxe. Pour le Centre technique des institutions de prévoyance, cette formalisation constitue un moindre mal dans la mesure où la spécificité des contrats collectifs, et notamment celle des contrats de branche, est prise en compte. En particulier par rapport aux contrats individuels, soumis à des règles de publicité autrement plus sévères. Selon le projet d’arrêté présenté fin mars pour avis à l’Unocam, les organismes vont devoir spécifier « les frais de gestion et d’acquisition ainsi que la somme des deux exprimés en pourcentage des primes ». Surtout, le projet entre dans le détail des sommes engagées pour « concevoir, commercialiser, souscrire et gérer les contrats ». Une intrusion « inédite » dans le prix de revient des organismes, dénonce l’Unocam.

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  • V.D.