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Idées

Aux sources de la défiance

Idées | LIVRES | publié le : 01.03.2012 | Jean Mercier

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Aux sources de la défiance

Crédit photo Jean Mercier

Il y a quelques années, Yann Algan et Pierre Cahuc avaient rédigé un petit livre qui reçut un énorme écho dans les sphères dirigeantes. Son titre :

la Société de défiance. Son thème : les Français sont un peuple foncièrement pessimiste qui se méfie de tout. Cet état d’esprit collectif constitue un des principaux freins au développement de l’économie. Avec André Zylberberg, les auteurs ont cette fois tenté de comprendre d’où venait ce mal-être spécifiquement français. D’entrée, ils ne font pas mystère de la piste qu’ils privilégient : « Des informations, disséquées par des milliers de chercheurs, de toutes disciplines, de tous pays, montrent que le bien-être dépend essentiellement de la qualité des relations sociales. » Premier facteur de démoralisation : les inégalités de richesse. Non pas qu’elles soient plus fortes qu’en Allemagne, en Angleterre ou en Belgique. Mais la sensibilité des Français aux inégalités est bien plus exacerbée que dans le reste du monde. Explication : « Les différences ne sont qu’une facette, chez nous, de la distance sociale. » Et de la distance, il y en a à tous les étages de la société. Notre histoire a façonné le « logiciel national », faisant de la défense de son rang l’alpha et l’oméga de la philosophie de la vie et du travail du Français. L’école, ensuite, a été construite selon le principe de la verticalité, laissant peu de place à l’initiative et au partage chez l’élève, ce qui lui interdit de créer du lien social. Dans l’entreprise, on retrouve cette « obsession hiérarchique » à la puissance dix. La gestion hiérarchique des ressources humaines est le système dominant dans la majorité de nos grandes entreprises. Et la France apparaît comme le pays où les relations entre employés et managers sont les plus conflictuelles parmi l’ensemble des pays de l’OCDE. Pour ne rien arranger, la méritocratie à la française a pour revers une stigmatisation systématique de ceux qui ne sont pas « dans la norme ». Comme on s’en doute, les difficultés du dialogue social figurent aussi parmi les « fabriques de défiance ». Les trois auteurs en décrivent le cercle vicieux : « L’intervention directe de l’État écrase le dialogue social, mais l’absence de celui-ci nourrit l’intervention de l’État qui doit se substituer à une négociation défaillante. » Parmi les remèdes évoqués par Algan, Cahuc et Zylberberg, on retrouve la réforme de l’école, la responsabilisation des syndicats mais, avant tout, « l’exemplarité des pouvoirs publics ». En pleine campagne présidentielle, c’est le moment des bonnes résolutions.

La Fabrique de la défiance, Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg. Éditions Albin Michel . 180 pages, 15 euros.

Auteur

  • Jean Mercier