logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Vie des entreprises

Mieux vaut peigner chez Dessange que chez Provost

Vie des entreprises | MATCH | publié le : 01.06.2000 | Anne Fairise

Une coupe Jacques Dessange ou Franck Provost, ce n'est pas tout à fait le même standing. Les coiffeurs voient aussi la différence. Chez Dessange, les salaires sont 20 à 25 % plus élevés que la moyenne de la profession, et les 35 heures comme l'intéressement sont pour bientôt. Provost se rattrape sur la formation.

Elle est blonde, porte un carré sophistiqué, la boucle sauvageonne ou bien de longs cheveux lisses : c'est le profil type des modèles qu'on trouve sur les affiches publicitaires de Jacques Dessange et de Franck Provost. Les deux chaînes de coiffure partagent le même goût pour cette blond attitude, symbole de figures de légende telles Marilyn Monroe ou Kim Novak. Et se disputent la même clientèle de masse sur le créneau du milieu-haut de gamme. À quelques différences près, en particulier sur le recours à la franchise. Dans ce domaine, le roi s'appelle Dessange : il s'est lancé, dès 1979, dans la coiffure franchisée. Un peu par hasard, selon la petite histoire. Un jour, un coiffeur du Havre serait venu solliciter ce Parisien qui s'est fait un nom en coiffant les stars de l'époque (Brigitte Bardot ou Jean Seberg) et, spontanément, lui aurait proposé de lui payer une redevance pour devenir l'unique « correspondant Dessange » dans sa ville. Dernier arrivé dans le monde de la franchise, en 1995, seize ans plus tard, Franck Provost a retenu la leçon et cherché à bâtir son image. Il l'a construite sur les stars du moment, les vedettes du petit écran. Qu'il les coiffe, comme Jean-Pierre Foucault, entre deux plateaux ou sponsorise leur émission, du Tapis rouge, de Michel Drucker, à C'est l'heure, de Jean-Luc Delarue.

Mais, derrière les sunlights, la bataille est serrée. Pour l'emporter, Franck Provost mise sur le juste-à-temps, la coiffure sans rendez-vous, et sur une clientèle un poil en dessous du haut de gamme « esprit rive gauche » de Jacques Dessange. Pour un tarif plus modique, autour de 200 francs. Résultat ? Le dossier de presse annonce 200 « points de vente » Provost, contre 240 salons Dessange. Certes, le pionnier de la franchise a encore des marges de manœuvre. Avec les sous-enseignes (Fabio Salsa pour Provost, Camille Albane pour Dessange), il garde l'avantage au score, avec 400 salons, contre 225 pour Franck Provost. Reste que ce dernier compte doubler son réseau d'ici à 2005, en maintenant un rythme effréné d'une ouverture par semaine, avec, chaque fois, une équipe d'au moins quatre personnes.

Mais Franck Provost ne recule pas devant la croissance interne : près du quart de son réseau, soit une cinquantaine de salons, lui appartient. Il y a une bonne raison à cela. « Nos salons nous rapportent plus que les 6 000-7 000 francs mensuels versés par les franchisés », explique Marc Aublet, le directeur du développement. Alors que le concurrent Jacques Dessange n'a pas la vocation de gros employeur. Il s'en remet à ses franchisés, des « associés », pour la plupart d'anciens salariés qui se sont mis à leur compte. Il ne détient en propre que 12 salons, concentrés sur Paris. 3 % du réseau à peine ! Et n'en souhaite pas plus. « Paris est saturé. On ne pourrait ouvrir des succursales qu'en région, mais la distance est un obstacle au bon management », commente Daniel Conte, le numéro deux du groupe. Les conserver reste, cependant, une nécessité pour Michel Cauvin, chargé des relations avec les franchisés. « C'est un laboratoire pour expérimenter nos idées marketing, merchandising et sociales. »

À peine 1 % de syndiqués

L'innovation sociale est un bien grand mot dans la coiffure. En tout cas, coiffer pour le franchiseur plutôt que pour l'un de ses franchisés ne fait pas de différence pour les salariés. Dessange comme Provost ont beau comptabiliser en propre 600 salariés chacun, il n'y a chez eux ni comité d'entreprise, ni 1 % patronal, ni prestations sociales. Car, par une habile construction juridique, les « collaborateurs », comme on les appelle, restent attachés à leur salon, petite entité dépassant rarement le seuil des 10 salariés. « Dans la coiffure, il n'y a pas de social. Les grandes enseignes ne font pas exception », affirme Jean-Michel Bourlon, secrétaire national FO pour la coiffure, seule confédération implantée dans la profession, où le taux de syndicalisation atteint à peine… 1 %. « Il y a trois mois, poursuit-il, des salariés ont tenté de créer un CE dans le plus grand salon Dessange de Paris, avenue Franklin-Roosevelt, mais la direction du salon leur a fait comprendre qu'il ne fallait pas insister. » Rien d'étonnant, selon lui, l'éclatement en petites structures ne favorisant pas la mobilisation. En tout cas, match nul entre Jacques Dessange et Franck Provost, qui ne présentent aucune implantation syndicale.

« Les coiffeurs sont très individualistes et se vivent comme des indépendants, commente une coiffeuse du réseau Dessange. Dans les salons, nous sommes tous mis en concurrence. Les revendications, on les étouffe vite. » Daniel Conte, bras droit de Jacques Dessange, ne tire aucune gloire de la faible mobilisation des salariés : « Jamais personne ne se propose pour les élections de délégués du personnel. Résultat, c'est le manager ou le directeur associé du salon qui prend la casquette. »

Le DRH, c'est Franck Provost !

C'est au responsable du salon qu'incombe le management des bataillons de coiffeurs. Une situation qui convient parfaitement à Franck Provost. Dans son groupe, la gestion des ressources humaines est décentralisée à l'extrême. Délit de jeunesse ? Le challenger de Dessange ne s'est même pas doté d'une DRH. « C'est très informel, ici. Vous savez, les coiffeurs sont des artistes », souligne la responsable de la communication, la propre fille de Provost. « Le DRH, je dirais que c'est Franck Provost lui-même », ajoute Marc Aublet. Stratégie différente, en revanche, chez le concurrent : le recrutement des succursales, ainsi que des franchises parisiennes, est centralisé chez Dessange. La fonction RH est clairement identifiée. C'est le numéro deux du groupe, Daniel Conte, qui en a la charge. « Nous n'intervenons pas dans la gestion des salons, à moins qu'il y ait des problèmes. Les managers des succursales, qui sont des associés, prennent les décisions nécessaires. Nous les conseillons tout en respectant leur autonomie ».

Pour insuffler une politique commune, Jacques Dessange a adopté depuis longtemps un mode de management et de formation qui s'applique aux succursales comme aux franchises. Deux ou trois fois par an, les responsables de salons ont droit à des formations leadership de plusieurs jours sur la vente, la communication, le marketing. Quant aux salariés, ils sont tenus de venir se former, plusieurs fois par an, dans le centre Dessange parisien. Le coût des stages (4 000 francs pour trois jours) est inclus dans la redevance mensuelle versée au franchiseur. Jusqu'à une certaine mesure. Quand les formations dépassent 1 % du chiffre d'affaires du salon, le manager les finance à hauteur de 50 %.

Les salariés en font parfois les frais. « Je ne suis pas rémunéré les jours où je suis en formation », explique un coiffeur parisien. « En parlant, pendant le stage, avec des coiffeuses venues de province, j'ai appris que leur salon ne prenait en charge ni le déplacement en train jusqu'à Paris ni les nuits d'hôtel. J'ai compris que j'étais gâtée. Mon salon me dédommage de 100 francs par jour pour les repas », commente une coiffeuse de Bretagne. De quoi entamer parfois l'intérêt, pourtant très élevé, des coiffeurs pour la formation. Car, en plus de la technique, ils abordent des domaines aussi variés que la morphopsychologie ou la psychosociologie, « pour travailler le relationnel avec les clients ».

Rien de tel chez Franck Provost. Le système mis en place est moins élaboré : séances de management pour les responsables de salons et stages de formation obligatoires pour les salariés (compris ici aussi dans le coût de la redevance), au minimum deux fois par an, à chaque sortie de collection. Voilà pour la théorie. Dans la pratique, « comme les salons sont souvent en sous-effectif, ils n'envoient pas leurs salariés en formation avec la régularité voulue », reconnaît Marc Aublet. « Le stage reste au bon vouloir du manager », explique un coiffeur qui en réclame un depuis plusieurs mois sans succès : son salon ne compte que deux coiffeurs, un apprenti et un technicien.

Difficile pour le manager de se priver, dans ces conditions, de personnel. La formation reste pourtant, ici comme chez Dessange, très prisée, hormis le stage d'intégration, où positionnement de la marque et culture d'entreprise sont expliquées. « Il y a un côté commercial un peu trop systématique. À la limite, nous devrions avoir toujours sur nous des cartes du salon pour les distribuer partout où nous allons », commente une coiffeuse du réseau Provost.

Si les stages, point fort des grandes enseignes, ont autant de succès, c'est qu'ils offrent aussi l'occasion de faire un break appréciable. Chez Jacques Dessange comme chez Franck Provost, les repas pris sur le pouce, les horaires à rallonge, avec des journées de dix heures ou plus, ne sont pas exceptionnels. Surtout le vendredi et le samedi, où la clientèle afflue. Les coiffeurs font bien plus de 39 heures par semaine, allant plutôt jusqu'à 45 heures, large amplitude horaire oblige. Mais le paiement des heures supplémentaires n'est pas dans les pratiques maison ni d'ailleurs dans celles de la profession. L'Inspection du travail a récemment épinglé un salon Dessange, situé dans le XVIIe arrondissement de Paris, pour cette raison. « Nous sommes dans une entreprise de services. Si une cliente arrive à 18 h 30, on ne va pas la refuser. Et puis nous avons des journées creuses qui compensent », proteste cependant un coiffeur d'un salon Dessange parisien. « On n'a pas l'habitude de compter nos heures. Les semaines calmes, je fais 47 heures. Mais, quand je n'ai pas de rendez-vous prévu, le manager m'autorise à partir plus tôt », indique une coiffeuse Dessange dans le Nord.

Heures sup ou heures creuses

Encore faut-il pouvoir le faire. Ce qui n'est pas souvent le cas chez Provost. Le réseau tient à ne pas faire mentir son principal argument publicitaire : la coiffure sans rendez-vous. L'horaire d'une coiffeuse titulaire d'un CAP qui exerce, depuis deux ans, dans une franchise Provost ? De 10 à 20 heures, du mardi au samedi, soit 50 heures par semaine payées 8 500 francs brut en moyenne. « On considère, dans la coiffure, que les heures supplémentaires compensent les heures creuses, celles où nous attendons le client. Mais c'est quand même du temps de présence », se plaint-elle.

Pourtant, dans ce métier, les salariés rechignent rarement à effectuer des dépassements d'horaires, pas seulement parce que c'est une habitude. Le système de rémunération en vigueur joue pour beaucoup : il n'y a pas de salaire fixe pour les coiffeurs. L'établissement de leur fiche de paie est un exercice complexe, car ils sont payés, en partie, sur un pourcentage du salaire conventionnel auquel s'ajoute un taux de réversion du chiffre d'affaires qu'ils ont réalisé. Dans certains salons s'ajoutent également des primes sur les produits (shampooing, accessoires) ou les services (coloration, soins) qu'ils auront réussi à vendre. Le tout est consigné sur la fiche personnelle que le coiffeur remplit après chaque rendez-vous.

Un système que dénonce vigoureusement Force ouvrière. « C'est l'engrenage pour les salariés. Ils cumulent les heures pour pouvoir augmenter leur chiffre d'affaires et arrondir leurs fins de mois. Ils ne voient pas que c'est un marché de dupes. Le résultat financier ne couvre pas les heures effectuées », s'insurge Jean-Michel Bourlon, secrétaire national FO. Les coiffeurs restent discrets quand on les interroge sur le chiffre d'affaires. Un critère qui varie beaucoup selon les salons, leur implantation, les objectifs qu'ils se fixent. Mais, selon le syndicat, les salons parisiens placent en moyenne la barre à 40 000 francs par coiffeur et par mois. Soit 2 000 francs par jour. L'équivalent de 10 clients si la coupe est à 200 francs, de 5 clients seulement si le tarif est double. Dans ces conditions, mieux vaut travailler dans un salon haut de gamme. De fait, les salariés Dessange sont mieux payés que ceux de Provost. Comme le précise Daniel Conte, « les rémunérations de nos collaborateurs sont parmi les plus élevées : de 20 à 25 % au-dessus de la moyenne de la profession ». Qui, il faut le préciser, reste modique. Dessange en tire des avantages. Son turnover est moindre que celui de son concurrent.

Le facteur salarial n'est pourtant pas le seul que les salariés de la coiffure prennent en compte. « L'ambiance dans les équipes est très importante. C'est ce qui m'a permis de tenir malgré les horaires chargés et les salaires de misère », explique une coiffeuse qui a quitté, au bout de six ans, le réseau Franck Provost. Engagée comme apprentie, prolongée ensuite avec un contrat d'adaptation, elle a fini par être embauchée sur la même base de salaire qu'en alternance. Le fait d'être intégrée à « l'équipe studio », naviguant entre les plateaux TV, n'a pas compensé : « Le plus dur était de se promener dans le métro avec la mallette contenant tout le matériel. Et il y avait les horaires. Il faut rester parfois jusqu'à minuit. »

Dessange bientôt à 35 heures

Mais les deux enseignes pourraient bien être amenées à repenser le social, la conjoncture aidant. La pénurie de coiffeurs commence à inquiéter sérieusement les réseaux. D'autant que la perspective des 35 heures se rapproche pour les salons, qui, comptant rarement plus de 10 salariés, y seront soumis en 2002. Actuellement en pleine expansion, Franck Provost est le premier à se plaindre de la tension sur le marché du travail. « La pénurie de coiffeurs commence à entraver notre développement. La plupart de nos salons doivent recruter. Mais ils ne trouvent pas le personnel qualifié », raconte Marc Aublet, directeur du développement. Les besoins immédiats du groupe ? Il les évalue entre 70 et 80 coiffeurs. Un nouveau franchisé en a subi les conséquences : son salon était fin prêt pour recevoir la clientèle en mai. Mais il lui a fallu attendre quinze jours avant d'ouvrir ses portes. Avec un effectif en peau de chagrin : un coiffeur et un apprenti seulement.

Pour remédier à cette situation, Franck Provost a relancé l'apprentissage dans ses salons. Aujourd'hui, alors que va s'ouvrir son nouveau centre de perfectionnement parisien, consacré à la formation continue, il pense y intégrer de la formation initiale. « Nous y réfléchissons. Nous ne savons pas encore quel est le temps nécessaire pour former un jeune qui n'a jamais tenu de ciseaux. Mais on pourrait imaginer qu'il travaille ensuite chez nous », indique Marc Aublet. Autant dire que Franck Provost vit les 35 heures comme une contrainte. Deux salons seulement, ceux de plus de 20 salariés, sont passés aux 35 heures le 1er février dernier. Non sans tracas. « Faute de trouver du personnel, nous avons dû restreindre d'une heure l'amplitude horaire du salon de Franklin-Roosevelt », commente le patron de l'enseigne. Qui ne compte pas faire d'activisme pour pousser son réseau à passer aux horaires allégés et préfère courber le dos en attendant 2002.

À l'inverse, Dessange a décidé de prendre le taureau par les cornes. Le 1er septembre, tous les salons parisiens, succursales comme franchises, quelle que soit leur taille, passeront à l'horaire réduit. « Les 35 heures vont nous poser des problèmes d'organisation, c'est clair. Mais c'est l'occasion d'élargir les horaires d'ouverture des salons. Le lundi, par exemple. D'autant que la révision de la convention collective ne nous oblige plus à donner deux jours de congé consécutifs aux salariés », explique Daniel Conte, qui compte recruter 10 % d'effectifs supplémentaires. Mais l'élargissement attendu des horaires inquiète les salariés du réseau. Les rumeurs courent. « Il y a eu les premières réunions, cet hiver, entre la maison mère et les franchisés. Il paraît que la pointeuse sera adoptée. Nous avons peur d'être obligés de “dépointer” dans la journée, dans les moments creux, indique une coiffeuse d'un salon de province. Descendons d'abord à 39 heures avant de parler des 35 heures. »

Revendications salariales

Les 35 heures ne sont pas la seule mesure que s'apprête à mettre en place Jacques Dessange. Il a concocté parallèlement une politique d'intéressement sur trois ans qui sera lancée dans les succursales et franchises parisiennes dès le mois de juin. « Elle pourrait représenter un vrai treizième mois en cas d'objectifs atteints. » Un mois de salaire supplémentaire auquel les coiffeurs n'ont jamais eu droit dans la profession. Pas plus ceux de Franck Provost. La démarche de Dessange n'est pas désintéressée. Pour contrebalancer le travail en équipe induit par les 35 heures, l'enseigne veut remobiliser ses troupes autour d'un projet collectif. Les salons se verront fixer des objectifs, eux-mêmes déclinés en quatre critères : l'augmentation du chiffre d'affaires annuel du salon, par exemple. Mais il y aura également un critère de qualité de service, qui sera jaugée par la clientèle à coups de questionnaires.

Le groupe a aussi un autre projet dans ses cartons : le réseau Dessange étudie la mise en place d'un compte épargne d'entreprise. « On y réfléchit. Mais cela pourrait être un bon outil pour fidéliser les salariés dans le futur », reprend Daniel Conte. Une démarche qui n'est pas non plus totalement innocente. Comme son concurrent Provost aujourd'hui, Dessange aura d'importants besoins en personnel dans les années à venir. Il compte développer à grande échelle sa sous-enseigne, Camille Albane. Pour Daniel Conte, pas de doute : intéressement et plan d'épargne d'entreprise sont des petits avantages qui seront déterminants pour recruter demain et pour fidéliser les salariés. « Car, avec la pénurie, les revendications salariales montent en force, en province et à Paris. »

Franck Provost fait le même constat. Mais il compte moins sur les arguments pécuniaires que sur « l'image de la marque et la formation ». Un cap que, précisément, Jacques Dessange a dépassé. Même si cela se fait à marche forcée, en raison des 35 heures et du manque de main-d'œuvre, le pionnier de la franchise explore une voie plus collective. Une véritable politique RH d'entreprise, inhabituelle dans le monde de la coiffure.

Pénurie de coiffeurs qualifiés

La coiffure manque de bras qualifiés : 15 000 personnes selon FO. Même les enseignes haut de gamme, les plus prisées, commencent à souffrir de la pénurie. « Avant, je rencontrais une vingtaine de candidats par semaine. Aujourd'hui, si j'en ai le tiers, c'est beaucoup », commente Daniel Conte, chargé des recrutements chez Dessange. Le métier aurait-il fini de faire rêver ? Pas si sûr. « 20 000 jeunes entrent en apprentissage chaque année », explique FO. Mais, dans les centres de formation et d'apprentissage (CFA), le découragement gagne. « 100 % des jeunes filles que nous formons obtiennent leur CAP. Mais un quart d'entre elles seulement restent dans la profession. On peut se demander si les entreprises veulent réellement embaucher ou si elles ne préfèrent pas profiter du système : les apprentis, c'est une main-d'œuvre à bon marché », dit-on dans un CFA de la région parisienne.

Les statistiques se passent de commentaires : parmi les 108 000 coiffeurs recensés en 1998, un sur cinq était apprenti. « S'il y a une pénurie aujourd'hui, les employeurs n'ont qu'à s'en prendre qu'à eux-mêmes. Ce sont eux qui l'alimentent, commente une grande enseigne. Après deux années d'apprentissage, un coiffeur ne connaît pas grand-chose. Il doit embrayer sur un contrat de qualification pour continuer à se former et décrocher le brevet professionnel (BP). Mais peu de salons lui en offrent la possibilité. Ils préfèrent reprendre un apprenti, moins cher, plutôt que d'offrir à ceux qui viennent de terminer leur apprentissage une chance de poursuivre dans le métier. »

Auteur

  • Anne Fairise