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Le bloc-notes

Pour un accompagnement social de la nouvelle économie

Le bloc-notes | publié le : 01.06.2000 | Raymond Soubie

Social. com. La nouvelle économie a fait irruption dans notre univers, au point d'apparaître à beaucoup d'une importance égale à celle de la révolution industrielle, la vitesse de propagation en plus. Les incertitudes et les transformations qu'elle entraîne amènent à poser une question, habituellement peu évoquée. Quelles vont être les conséquences de ce phénomène sur les relations sociales, l'emploi et les conditions de travail dans l'entreprise ?

Les gains de productivité prévisibles passeront par une nouvelle organisation faisant à la fois disparaître et apparaître des emplois et des métiers. Cela suscitera des restructurations supplémentaires qui, ajoutées à celles dues à la mobilité stratégique des sociétés, entraîneront une exigence accrue de mobilité interne, externe, d'employabilité et de gestion des compétences.

Dans les relations internes à l'entreprise, la mise en place d'intranets décloisonnera les relations entre les personnes, rendra plus difficile l'exercice du pouvoir hiérarchique et créera une transparence qui sera à son tour motif à stress et à tension. On passera rapidement d'entreprises à organisation formelle et à hiérarchie forte, à l'abri d'une certaine dose d'opacité, à des entreprises de réseaux, à fonctionnement en temps réel et à plus forte réactivité. Le modèle en existe déjà mais il sera poussé beaucoup plus loin. Enfin, Internet sera à la fois cause de convivialité et d'isolement. La communication sera plus facile mais les salariés seront plus isolés. Il faudra bien veiller à recréer, ou à conforter, dans l'entreprise des occasions de convivialité et à renforcer le sentiment d'appartenance et d'identité.

De même, de nouveaux équilibres entre relations collectives et démarches individuelles devront être trouvés. Aux chantiers actuels de la « refondation », il serait temps d'ajouter celui des conditions sociales d'accompagnement de la nouvelle économie.

Décalages. Les débats publics et les décisions qui en résultent montrent souvent des décalages entre le pays légal et le pays réel. Citons-en quelques exemples. D'abord, le droit qui protège, encadre et contraint. Il a naturellement tendance à prendre plus en compte les réalités passées que les problématiques actuelles ou futures. Une bonne partie du Code du travail a été conçue pour une organisation industrielle qui a elle-même évolué et ne prend pas réellement en compte les modèles de l'économie réelle. Les spécialités du droit sont éclatées en disciplines trop autonomes, droit du travail, droit des sociétés, droit financier, qui empêchent l'émergence d'un droit de l'entreprise aux principes clairs. Enfin, les évolutions jurisprudentielles, qui ces dernières années ont objectivement et utilement renforcé les protections des salariés, sont plus sensibles à l'inquiétude ambiante sur les conséquences sociales de la compétition économique qu'à une analyse des conditions objectives de création d'emplois dans les pays développés.

Autre exemple : le décalage entre la croyance qu'a l'appareil d'État qu'il est le mieux à même de définir les objectifs et les conditions du changement et sa difficulté à y réussir. Conséquence : des réformes échouent ou s'appliquent au prix d'une terrible complexité.

Beaucoup d'autres cas de tels décalages pourraient être cités. Ils expliquent le côté parfois théologique de nos débats, l'incompréhension entre les acteurs publics et les acteurs privés, comme celle manifestée à notre égard par d'autres pays sans doute moins intelligents mais plus pragmatiques.

Du meilleur et du moins bon. Le gouvernement Jospin a engagé récemment deux réformes annoncées depuis plusieurs mois : la loi sur les nouvelles régulations économiques et celle portant sur l'épargne salariale. Le premier texte, en fait de régulation, apporte quelques rigidités supplémentaires et surtout passe à côté de l'essentiel. Il faut, devant la force et les excès des marchés financiers, des régulations. De quel ordre, de quelle ampleur et assurées par qui ? L'enjeu est trop important pour être réduit à quelques articles techniques qui auraient eu plutôt leur place dans un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre financier (DDOF).

En revanche, la réforme de l'épargne salariale est simple, incitative, consensuelle et ne bridera pas le développement si prometteur de l'actionnariat salarié. Mais, après tout, 50 % de réussite n'est pas un si mauvais pourcentage.

Auteur

  • Raymond Soubie