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Fidéliser par tous les moyens

Dossier | publié le : 01.06.2000 | V. L.

Pour attirer des recrues très convoitées et s'attacher des consultants de plus en plus tentés par l'aventure de la nouvelle économie, les cabinets de conseil emploient les grands moyens. Au programme : hausse des rémunérations et meilleure qualité de vie.

A sa seule évocation, les regards des consultants s'illuminent : e-business est devenu un mot magique dans les cabinets de conseil. Sauf pour les responsables des ressources humaines, qui s'arrachent les cheveux. Car Internet vide leurs rangs. « Depuis dix-huit mois, le marché du recrutement du conseil s'est considérablement rétréci, au profit de la nouvelle économie », reconnaît Domitille Tézé, directrice des ressources humaines chez A.T. Kearney. Ça tombe mal : le secteur du conseil, en pleine croissance, a besoin de renforcer ses équipes. Environ 80 embauches prévues cette année chez A.T. Kearney, qui compte actuellement 210 consultants, 90 dans la division conseil stratégique et opérationnel d'Arthur Andersen (250 consultants), 350 pour Gemini Consulting (770 consultants), 500 chez Andersen Consulting (1 600 consultants). Des emplois principalement destinés aux jeunes diplômés. Jusqu'en 1999, le conseil représentait encore la voie royale pour les étudiants des grandes écoles de commerce. Sans doute plus pour longtemps.

Entre l'ancienne et la nouvelle économie, le cœur de Xavier Ramette, diplômé de l'ESCP en 1999, a balancé un temps à la fin de ses études. « J'ai réfléchi pendant trois mois. J'ai finalement décidé de profiter des opportunités en e-business que m'offrait le cabinet pour élargir mes compétences dans le domaine », explique le jeune homme, aujourd'hui business analyst chez A.T. Kearney. Avant de les vendre ailleurs ? En tout cas, pour les cabinets de conseil, les grandes écoles ne sont plus une source privilégiée. « Deux start-up ont été créées à l'école en 1999, précise-t-on à HEC. Et beaucoup de créations sont en cours. » La récolte 2000 et les suivantes risquent d'être plus maigres pour les grands du conseil.

Des nouvelles recrues très volages

Non seulement les candidats sont plus rares, mais les nouvelles recrues sont de plus en plus volages. Quand CSC PeatMarwick recrute deux nouveaux collaborateurs, il perd en même temps un consultant. Les 35-40 ans, les plus demandés, font grimper les enchères. « Nous avons tous été contactés plusieurs fois par des chasseurs de têtes pour des start-up ou des cabinets qui voulaient renforcer leurs équipes d'e-business », assure Patrick, consultant chez Ernst & Young. « Tous nos salariés sont sollicités », admet Marie Saint-Hubert, directrice du recrutement de Gemini Consulting. Malgré un turnover enviable pour le secteur (inférieur à 15 % en 1999, alors que nombre de ses confrères dépassent allégrement les 20 %), le cabinet constate cependant une accélération des départs depuis le début de l'année.

Pour arrêter l'hémorragie, les cabinets ont décidé de flatter leurs consultants du côté du porte-monnaie. « Nous sommes contraints de nous aligner sur le marché », indique Marie Saint-Hubert. Les cabinets adossés à des SSII, comme Gemini Consulting avec Cap Gemini, ou A.T. Kearney avec EDS, distribuent plus largement des stock-options. Chez A.T. Kearney, le programme est désormais ouvert au bout de cinq ou six ans d'ancienneté, au lieu de dix. Pour faire patienter les autres consultants, le cabinet leur offre 700 000 francs de primes au bout de deux ans et demi de bons et loyaux services. Les salariés de Gemini Consulting bénéficient de la politique de stock-options du groupe Cap. Andersen Consulting, organisé en partnership, offre des stock-options déguisées. Le cabinet vient d'investir 200 millions de dollars dans des start-up. Une partie des bénéfices dégagés – 100 millions de dollars par an – est redistribuée aux collaborateurs, en fonction de leur ancienneté (plus de trois ans) et de leurs performances. Une partie de ces e-units, selon la terminologie d'Andersen Consulting, est bloquée pendant cinq ans.

Un ordinateur portable pour chaque arrivant

Dans un même mouvement, les cabinets revoient aussi les salaires à la hausse, ainsi que les bonus de résultat ou les primes d'entrée. Tous proposent des plans d'épargne d'entreprise et des systèmes d'intéressement. « On ne peut promettre le jackpot, comme les start-up, reconnaît Domitille Tézé, chez A.T. Kearney. Mais on continue d'améliorer la satisfaction et le confort de nos consultants. » Au rayon des « petits » cadeaux, A.T. Kearney offre désormais une voiture de fonction aux consultants au bout de deux à trois ans de maison. Andersen Consulting promet un ordinateur portable à tout jeune diplômé embauché à partir de septembre. Plus besoin, là non plus, d'attendre de passer au grade supérieur.

L'e-business oblige également les cabinets de conseil à revoir leurs modes d'organisation. Pour mieux répondre aux attentes de leurs clients, mais aussi à celles de leurs consultants. « Dans les entreprises du Net, les équipes sont jeunes, plus petites, très autonomes », souligne Frédéric, qui a quitté le conseil il y a trois mois pour la nouvelle économie. « Notre moyenne d'âge est de 30 ans, et nos équipes regroupent en moyenne une dizaine de consultants », explique Véronique Parages, directrice du recrutement d'Andersen Consulting. Mais la rigidité d'organisation des grands cabinets hérisse de plus en plus les jeunes consultants. « Il faut grimper les échelons un à un avant de pouvoir démarcher les clients, de rapporter des affaires », poursuit Frédéric. Message reçu. Chez Andersen Consulting, les étapes sont désormais plus courtes : dix-huit mois pour passer du grade initial de business analyst à celui de consultant. « Il y a encore un an, la barre était fixée à deux ans minimum », précise Véronique Parages.

Un temps partiel pour créer sa start-up

La structure très pyramidale des cabinets – le jeune directeur d'une entreprise de conseil parle même de « management gérontologique » – déplaît également aux consultants, en quête d'une plus grande marge de manœuvre. « Il faut faire du charme aux associés pour travailler sur des missions intéressantes, assure cet ancien consultant. Je suis parti six mois en province pour une mission. Pendant ce temps, tout le monde m'a oublié. » Chez Eurogroup, la branche conseil de Mazars, tous les consultants sont désormais habilités à ramener des missions, même s'ils ne sont pas associés. Sans remettre en cause son organisation, Andersen Consulting a décidé de faciliter l'accès au statut d'associé, en doublant leur nombre, avec 1 000 nouveaux partners en 2000. Arthur Andersen envisage d'offrir ce statut privilégié plus tôt – il faut compter actuellement dix à douze années de présence au sein du cabinet.

Mieux, certaines sociétés de conseil créent l'équivalent de start-up internes, des structures autonomes spécialisées dans l'e-business. C'est le cas de SAP, qui a lancé, en avril, e-sap.fr, « une petite unité opérationnelle très orientée vers le client », précise Jeroen Bent, directeur de SAP France. Ils sont déjà 30 consultants de la maison mère à y travailler. Ils devraient être 50 d'ici à la fin de l'année. De quoi satisfaire les envies d'aventure et de liberté des jeunes collaborateurs de SAP. Quant aux irréductibles qui veulent, coûte que coûte, monter leur entreprise, certains cabinets proposent même de les accompagner. Bull Consulting, par exemple, inaugure actuellement la formule avec l'un de ses salariés. A.T. Kearney, de son côté, propose à ses consultants de travailler à 4/5, pour qu'ils concoctent tranquillement leur projet. Sans quitter pour autant le cabinet.

Mais ce 4/5 de temps peut aussi bien être accordé à un salarié pour qu'il s'occupe… de ses enfants. Car les cabinets de conseil s'intéressent dorénavant de très près au bien-être de leurs consultants. Une vraie révolution pour un secteur réputé être chronophage. Des crèches d'entreprise sont aussi en train de se monter chez Arthur Andersen et chez PricewaterhouseCoopers. Aujourd'hui, les grands du conseil vantent les 35 heures, assurent que leurs consultants prennent aussi le temps de vivre, font la promotion du temps choisi et améliorent généreusement l'ordinaire de leurs collaborateurs. Les directions des ressources humaines attendent maintenant de voir revenir les premiers déçus de la Net économie, en quête d'un cocon plus protecteur.

Auteur

  • V. L.