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Éditorial

L’esprit de la réforme s’est perdu en route

Éditorial | publié le : 01.02.2012 | Jean-Paul Coulange

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L’esprit de la réforme s’est perdu en route

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Président de la réforme auto­proclamé, Nicolas Sarkozy termine son quinquennat comme il l’a commencé. Par une salve d’annonces tonitruantes, sur le financement de la protection sociale et la flexibilité du travail. Deux chantiers tellement ambitieux qu’il semble illusoire de les boucler d’ici à l’élection présidentielle. C’est pourtant le défi qu’a lancé l’exécutif, en le justifiant par la gravité de la crise. À défaut d’achever l’examen des textes ad hoc avant la fin de la session, le Parlement devrait à tout le moins en être saisi. S’agissant du pilier du modèle social français, la Sécu, qui engloutira, en 2012, la bagatelle de 450 milliards d’euros, ce qui représente 100 milliards de plus que le budget de l’État, on attendrait un peu moins de précipitation.

Après tout, ce système, dont l’architecture a été dessinée en 1945, pouvait bien patienter encore quelques mois avant d’être remis à plat. Transférer vers la fiscalité tout ou partie de la charge reposant sur le travail demande réflexion, surtout de la part d’un gouvernement qui a éludé la question après la calamiteuse sortie de Jean-Louis Borloo annonçant, entre les deux tours des législatives de 2007, la création d’une TVA sociale. Ainsi, donc, ce qui a été soigneusement enterré au début du quinquennat ressort des oubliettes à la fin du mandat du chef de l’État et de la législature. Curieuse conception de la réforme, a fortiori lorsqu’elle est de nature structurelle !

Autre incongruité, l’annonce d’un texte destiné à faciliter la conclusion d’accords de compétitivité dans les entreprises. Empruntée à l’Allemagne, l’idée paraît séduisante. Elle consiste, en période de conjoncture dégradée, à permettre aux entreprises de sceller un pacte avec leurs partenaires sociaux, en jouant sur le temps de travail et la rémunération, afin de maintenir ou de sauver l’emploi. Mais, pour se passer de l’accord in­dividuel de chaque salarié dès lors qu’il s’agit de modifier les termes de son contrat de travail, il faudrait retoucher le Code du travail et en passer par la loi. Autant le précédent assouplissement du marché du travail, instaurant notamment la rupture conven­tionnelle, en 2008, avait suivi un parcours vertueux avec, à l’origine, un accord national interprofes­sionnel, repris dans la loi balai de juin 2008, autant cette adaptation fait fi des règles de consultation des partenaires sociaux.

On pourrait en dire autant de la réforme éclair de la formation professionnelle confiée à l’ancien ministre Gérard Larcher alors que l’encre de la précédente, instaurant le DIF, est à peine sèche. Une législation complétée, depuis, par la loi de juillet 2011. Cette inflation législative donne le tournis. Il est trop facile de déplorer l’absence d’un dialogue social de qualité en France, à tous les échelons, lorsque la démocratie sociale est ainsi bafouée. En 2007, la méthode inaugurée par le nouveau locataire de l’Élysée - concertation, propositions, législation - avait séduit. Depuis, l’esprit de la réforme s’est largement perdu en route.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange